Les eurodéputés pro-Polisario osent tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît

Florence Kuntz.

Florence Kuntz.

ChroniqueOn connaissait le boycott d’un pays, d’une firme ou de marques. Voici que la gauche radicale européenne invente l’embargo sur les cabinets d’affaires publiques. Une action inédite, infondée et stérile.

Le 15/03/2025 à 11h08

C’est une démarche sans précédent à Bruxelles: des eurodéputés menacent un cabinet de lobbying du quartier européen de boycott. Quatre élus nordiques du groupe The Left, le Finlandais Saramo, le Danois Clausen, et deux Suédois, dont la vice-présidente du groupe, Anna Gedin, et Jonas Sjöstedt, somment– sous ses fenêtres et dans une lettre ouverte– le cabinet Rud Pedersen de cesser toute collaboration avec l’un de ses clients, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), au motif que cette mission de conseil pour l’organisation patronale marocaine revient à «soutenir l’occupation illégale du Sahara occidental». Ils menacent de bloquer tout contact avec les consultants de Rud Pedersen, sur l’ensemble de ses activités, tant que le cabinet aura pour client la CGEM. «Travailler pour une puissance occupante, directement ou indirectement, n’est pas seulement moralement répréhensible; cela contribue également à un monde plus incertain», écrivent-ils. Et d’ajouter: «Une entreprise est bien sûr libre de choisir ses clients, mais nous, politiques, sommes également libres de décider des conséquences de ces choix et des personnes que nous souhaitons rencontrer».

Infondé au regard du profil du cabinet, de son client et des règles de transparence du lobbying européen, ce chantage inédit vise une des plus grandes agences d’affaires publiques européennes. Fondée par un spin doctor suédois, Morten Rud Pedersen, d’abord en Europe du Nord– des racines nordiques auxquelles le groupe aime à rattacher les valeurs de transparence et d’honnêteté, Rud Pedersen est présent à Bruxelles depuis 2017, officiant dans vingt États membres et en Ukraine. Le cabinet propose ses conseils en matière de communication et de stratégie institutionnelles à un nombre conséquent de grandes entreprises et d’organisations, 81 à Bruxelles pour l’année en cours selon le listing déposé au registre de transparence de l’UE.

Dans cette liste, la Confédération générale des entreprises du Maroc– inscrite elle aussi au registre de transparence depuis 2021, avec pour objectif de «promouvoir et de développer une coopération économique plus étroite» conforme aux intérêts mutuels du Maroc et de l’Europe «en matière d’échanges commerciaux, de coopération financière, industrielle et d’investissements». Ce répertoire est l’outil de monitoring des activités de lobbying européen. Commun à toutes les institutions, il inventorie les entités qui souhaitent chercher à influer sur le processus de construction et de mise en œuvre des politiques de l’UE, lesquelles communiquent chaque année le montant des dépenses engagées, et l’objet des activités exercées. L’inscription à ce répertoire reste, en théorie, facultative mais la participation à des réunions relatives à l’élaboration ou à la mise en œuvre des législations ou des politiques de l’UE ne peuvent avoir lieu que pour les représentants d’intérêts inscrits au registre. Les rencontres sont consignées, la transparence est respectée.

Extravagante, cette action de boycott est toutefois stérile, à plusieurs titres. D’abord, nul besoin d’une mise en scène sous les fenêtres d’une agence d’affaires publiques –ou dans un media– pour asseoir la liberté des parlementaires. Au quotidien, chaque eurodéputé est totalement libre d’arbitrer, parmi les nombreux sujets qui lui sont soumis, et d’accepter, ignorer ou décliner les innombrables demandes de rendez-vous qu’il reçoit, que celles-ci émanent d’intérêts économiques, portés par des entreprises ou des coalitions, d’ONG, d’acteurs étatiques ou locaux– directement, ou par l’entremise de représentants d’intérêts, cabinets d’affaires publiques ou avocats-lobbyistes. On imagine aisément les signataires du courrier – deux d’entre eux sont membres de la commission Environnement –refuser tout rendez-vous sur le glyphosate– sans avoir besoin d’exiger de Rud Petersen de mettre fin à son contrat avec Bayer.

Chantage inopérant ensuite, vu l’importance numérique du groupe duquel émane la menace. Objectivement, quand bien même l’ensemble de leurs collègues suivrait la démarche des quatre élus nordiques –ce qu’aucun d’eux n’est tenu de faire puisqu’il n’existe pas de mandat impératif au PE– ce sont 46 élus, soit à peine plus de 6% de l’hémicycle, qui blacklisteraient les lobbyistes ciblés. Et aucun risque de contagion vers les autres groupes: au Parlement européen aussi, tout ce qui est excessif est insignifiant!

Que nous enseigne finalement cet épisode? Qu’au sein du Parlement européen, le combat des relais du Polisario est constant et protéiforme. Et qu’à Bruxelles comme dans les États membres, la gauche radicale nous condamne à tolérer son intolérance!

Par Florence Kuntz
Le 15/03/2025 à 11h08

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