La nature et l’utilité des réformes nécessaires au pays ne font pratiquement plus l'objet de contestations. Elles ont été identifiées, répertoriées et justifiées, à grand traits, par la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD). Le retard accusé dans leur réalisation explique, en grande partie, les difficultés de notre économie à faire face convenablement aux crises conjoncturelles d’origines internes ou externes qui la secouent. Le temps est à un coup d’accélérateur dans la mise en œuvre des réformes par le gouvernement et à un changement de qualité des propositions des politiques, bailleurs de fonds, divers organismes et analystes. Ce n’est plus d'un énième rappel des réformes dont nous avons besoin, ce sont des modalités pertinentes: nouvelles et tenant compte des réalités, de mise en œuvre.
Les observateurs intéressés ont eu l’occasion de constater ces derniers jours que deux organismes et non des moindres -le FMI et le HCP- sont tombés dans ces mêmes travers.
Commençons par le Fonds monétaire international (FMI). Ce dernier connaît bien le Maroc, il l’accompagne dans l’élaboration et le financement de plusieurs chantiers d’envergure depuis des décennies. Les Marocains connaissent bien, aussi, le FMI et ses méthodes de travail: la plupart de ses propositions sont un résumé de rencontres avec des opérateurs marocains mâtinées de doctrines économiques issues d’universités américaines: aucun effort. Sa dernière proposition a concerné l’augmentation de la pression fiscale, de 21% à 33%. Votre serviteur a traité le sujet, ici, chiffres à l’appui, dans plusieurs «éclairages» ces derniers mois.
Tout le monde s’accorde sur le fait que la pression fiscale, la part des prélèvements de l’Etat sur le PIB, est basse au Maroc. La prise en compte de la richesse produite par le secteur informel, estimée au quart du PIB, soit 300 milliards de dirhams, fait descendre la pression fiscale encore plus de 21% à 17% (le PIB atteindrait donc 1.500 milliards de dirhams si on ajoute la part de l'informel). Suivant la proposition du FMI, consistant à relever la pression fiscale à 33%, les recettes feront un bond de 240 milliards, pour atteindre à valeur d'aujourd’hui 494 milliards de dirhams de recettes totales, soit plus de 90% du budget général de l’Etat.
Ces chiffres rassurent, inquiètent et interpellent aussi l’approche du FMI. Ils rassurent dans la mesure où l’Etat tourne avec un budget d’un montant équivalant au tiers de la richesse nationale produite (540 milliards/1.500), ce qui est un bon équilibre, abstraction faite des sources de financement. Ces chiffres inquiètent: la qualité des services publics et la croissance économique ne sont pas à la hauteur du ratio de 33%. Enfin un passage d’un taux de pression fiscale de 17% à 33% tel que prôné par le FMI ne peut se décréter par un trait de plume, faisant fi des réticences/équilibres sociaux et de l’amélioration des services publics (enseignement, santé…). Le FMI fait dans l’économique, il ignore, à dessein, l’holistique, pour utiliser un terme dans le vent.
Autre réveil tardif. La dernière sortie du Haut Commissariat au plan sur un sujet de grande importance: la réforme de l’administration. En deux temps, deux sorties médiatiques, le HCP a déterré, pour la dénoncer, la vieille approche du fonctionnement de l’administration en silos. Le concept date. Même au Maroc. Déjà en 2004, le ministre de la Réforme de l’administration, Najib Zerouali, avait tenté de secouer notre mammouth national et avait critiqué «l’approche silos». La ministre des Finances, Nadia Fettah, l’a utilisée récemment pour clouer au pilori le manque de coordination entre les différents départements ministériels. Cela fait bien.
Va-t-on aller au-delà et dénoncer les chasses gardées, les abus, la rétention d’informations? Va-t-on demander la mise en réseau de l’information pour diluer le pouvoir bureaucratique? Va-t-on responsabiliser l’administration, maître d’œuvre des futures réformes? Va-t-on interpeller l’administration sur sa productivité, les économies qu’elle peut réaliser?
Voilà quelques interrogations auxquelles les forces vives doivent répondre.
La dissymétrie entre la voix du Maroc à l’extérieur, son image positive, et ses performances moyennes en matière de croissance économique soulève des questionnements. L’ensemble diplomatie, soft power, système sécuritaire et administration des territoires a développé une maîtrise et performe, alors que la gestion des champs économiques, sociaux et culturels peine à trouver la juste mesure pour améliorer son rendement. Différence de logiques et d’acteurs. C’est un fait. Relativisée toutefois par l’expérience. Un bon gestionnaire qui capitalise doit être performant partout, en diplomatie comme en système de santé.
Pourquoi cette quête de symétrie? La réalisation rapide de notre objectif national: un Maroc puissance régionale et économie émergente, réalisant un taux de croissance moyen de 7%, exige le dépassement de ce développement bancal. La dynamique des réformes prônée par le nouveau modèle de développement (NMD) et dont la mise en œuvre a commencé avec l’actuel gouvernement devrait aider au sursaut nécessaire. Une participation positive des uns et des autres est hautement souhaitable.