Le gouvernement, Aziz Akhannouch en tête, apporte un soin particulier et consacre le temps nécessaire à ce projet qu’il considère, à juste titre, comme l’un des plus importants de la législature. L’objectif est la mise en place des conditions pouvant assurer une progression de l’investissement privé plus rapide que celles de l’investissement public.
Pour déboucher à terme, 2035 selon les recommandations du nouveau modèle de développement (NMD), à une inversion du ratio (investissement privé/investissement public), de 33/66 actuel à 66/33. L’enjeu économique et sociétal est de taille: l’Etat ne sera plus le principal client investisseur et le secteur privé devra faire preuve d’avantage de dynamisme. Les conséquences sur la croissance et l’emploi ne pourront être que bénéfiques.
Le projet étant toujours en cours de rédaction, il ne serait pas inutile d’en faire une première lecture à travers les déclarations du chef de gouvernement et du ministre Jazouli sur le sujet tout en soulevant quelques questionnements susceptibles de fournir d’autres éclairages.
Dans l’approche «holistique» prônée par le gouvernement, la décision d’investir aujourd’hui plus qu’auparavant est tributaire de l’attractivité de l’environnement politique, juridique, administratif, social, économique et culturel d’un pays. Les encouragements doivent viser les secteurs économiques et les territoires dans une démarche qui priorise l’emploi des jeunes et des femmes. Enfin, les investisseurs qui passeront à l’acte bénéficieront d’un dispositif incitatif adapté.
Le gouvernement actuel peut capitaliser sur plusieurs acquis, notre bon classement dans Doing Business qu’il va certainement améliorer, l’expérience accumulée dans la gestion des écosystèmes industriels mondiaux et la mise en place des textes sur la régionalisation.
Comment avons-nous pu convaincre des locomotives dans certains métiers mondiaux de venir s’installer au Maroc? Peut-on dupliquer ces expériences, voire améliorer notre offre afin d’attirer d’avantage d’IDE (investissements directs étrangers) et «encourager» nos investisseurs locaux? Il est évident que l’installation d’un investisseur, quel que soit son origine, nationale ou étrangère, demeure tributaire de la taille du marché local, du coût des facteurs, des mesures incitatives et enfin de la profitabilité. Or, parmi les facteurs «décourageants» qui reviennent ces dernières années et qui ne sont pas visibles dans l’offre gouvernementale, on peut en relever deux: le coût du financement et les incitations fiscales.
Le Maroc dispose d’un secteur financier de qualité, mais dont les services sont réputées être trop chers. Malgré un taux directeur relativement bas (1.5%), le coût du crédit demeure élevé. A défaut d’un financement compétitif, le choix du Maroc pour investir posera problème. L’ouverture de pourparlers entre le gouvernement et le système bancaire en vue d’arriver à une solution préservant à la fois l’intérêt national et la rentabilité «normale» de ces entreprises est fortement recommandée.
Parmi les souhaits avancés par les investisseurs, il y a aussi une fiscalité incitative. Les exemptions doivent être importantes et s’inscrire dans la durée. D’autres pays le font, les exemples sont légion (Irlande). Nos gouvernements soumis aux contraintes budgétaires ont cru bien faire, quelques fois, en essayant de reprendre d’une main ce qui a été donné par l’autre. Bien mal leur en a pris, ils ont été source de frayeurs. La solution est là et elle ne peut être contournée: offrir des incitations similaires aux standards internationaux aux investisseurs et élargir la population éligible à l’impôt pour couvrir les besoins du budget.
La nouvelle charte de l’investissement, toujours selon les déclarations gouvernementales, doit inclure un chapitre important et novateur: le développement des territoires. L’objectif étant la valorisation de notre patrimoine naturel (production) et culturel (tourisme). La mise en place d’un scoring (indice de développement humain, taux de chômage, PIB par habitant…) pour chaque province du Royaume va permettre de moduler les incitations, les CRI (Centres régionaux d’investissement) vont être mis d’avantage à contribution pour mieux faire connaître les richesses locales et assurer un premier accompagnement des investisseurs. Le financement va s’appuyer dans un premier temps sur le crédit FORSA (probablement appelé à évoluer en montant).
La nouvelle approche proposée par le gouvernement devrait être le prolongement naturel de la politique de la régionalisation initiée par l’Etat. Le cadre juridique existe, la philosophie aussi. La charte va-t-elle s’adosser aux PDR (Plan de développement régional) et PDP (Plan de développement provincial), ce n’est pas encore clair. Quel rôle sera dévolu aux instances élues régionales et provinciales? Car avant toute autre chose, il faut promouvoir une «gouvernance de l’attractivité des territoires» qui se jauge à la capacité d’un territoire à «attirer et à retenir les facteurs mobiles de la production et/ou de la population». L’investisseur n’est pas un électron libre intéressé uniquement par la «carotte», il doit se mouvoir dans un «environnement ami» qui lui assure une «capacité d’être et d’agir» (cf. les travaux de Amartya Sen). La participation des élus «encadrés» est plus que souhaitable, elle est nécessaire.
L’acte d’investir n’est que la réponse à un besoin qui s’exprime dans un environnement accueillant. La charte de l’investissement est un pilier, important, qui devrait augmenter l’attractivité de notre pays pour nos compatriotes investisseurs d’abord et pour les étrangers ensuite.