Le Maroc se donne les moyens de sa stratégie migratoire

DR MAP

Le royaume s'engage dans un processus irréversible pour encadrer et résoudre les difficultés que posent les flux migratoires. Eclairage.

Le 15/09/2013 à 10h48

En annonçant la mise en place d’une stratégie migratoire globale, le Maroc innove une fois de plus, laissant perplexe ses voisins proches, mais s'attirant la sympathie des pays subsahariens ainsi que l'admiration de la communauté internationale, dont l’ONU, l’Europe et autres agences et ONG spécialisées. "Il est certain qu’après que le roi Mohammed VI a donné ses orientations, le royaume va s’engager dans un processus irréversible pour encadrer et résoudre les difficultés que posent les flux migratoires", a déclaré dimanche à Le360 une source gouvernementale proche de ce dossier.

Outre les migrants subsahariens en situation précaire -des sans papiers et des demandeurs d’asile dont le nombre total est estimé à 20.000 personnes-, le rapport du Conseil national des droits de l'homme (CNDH), dont le roi a approuvé le contenu, recommande aussi la régularisation des ressortissants de pays européens en provenance notamment d’Espagne et de France. Ce rapport recommande en outre d’accorder aux "illégaux" les droits au travail, aux soins, au regroupement familial ainsi que le droit de syndicat et de vote. L’annonce de la mise en œuvre de cette stratégie a reçu un écho favorable dans le monde, sauf de la part de nos voisins algériens et, localement, de l'AMDH qui a co-organisé samedi un sit-in soit disant pour défendre les droits des immigrés.

Implication royale

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki moon, l’Union européenne et des pays africains comme la Côte d’Ivoire ont salué l’initiative du souverain. A la question de savoir pourquoi le Maroc s’est démarqué pour se doter d’une telle stratégie migratoire, le ministre délégué aux Affaires étrangères, Youssef El Amrani, a déclaré à Le360 qu’elle est le fruit d’un "nouveau constat caractérisé essentiellement par l’arrivée de nouveaux migrants au Maroc, devenu terre d’accueil; compte tenu également de cette crise économique mondiale, le royaume connaît une nouvelle forme de migration". "Sous l’impulsion de Sa Majesté le roi, le Maroc procèdera dans les plus brefs délais à la mise en place d’une politique migratoire globale", a-t-il ajouté, indiquant que cette stratégie illustre "l’implication du souverain en faveur de la protection des droits de l’homme". Pour El Amrani, "l’initiative constitue un prolongement normal du projet de société voulu par le roi où tous les Marocains et étrangers peuvent jouir de la liberté, de l'égalité des chances, du respect, de la dignité et de la justice". Et de préciser que "la question migratoire est une question compliquée au niveau régional. Il faut qu’il y ait une responsabilité partagée et que l’ensemble des acteurs soient impliqués", en référence à l’appel du Maroc à l’Europe et à l’Algérie de faire preuve de plus d’engagement dans ce domaine.

Un plan d'action ambitieux

La crainte de certains immigrés subsahariens de ne pas voir cette initiative traduite rapidement par des actions concrètes semble légitime. Mais le gouvernement et des services concernés ont assuré à Le360 qu’un plan d’action en la matière était en cours de préparation. "Une sous-commission ad hoc a commencé samedi le travail. Elle élira prochainement domicile dans un local dédié entièrement à ces services", a indiqué un responsable proche de ce dossier, expliquant que cette commission "s’attaquera d’abord à la priorité des demandeurs d’asile", dont le nombre avoisine le millier de personnes, et notamment à celles en provenance de zones de conflits comme le Congo et la Côte Ivoire. "Nous sommes conscients qu’il faut du temps pour roder la machine de la régularisation mais nos espoirs sont énormes pour vivre dans un Maroc que tous les Africains admirent", a souligné Marcel Amieyeto, un syndicaliste congolais membre déjà de l’ODT mais qui, depuis 2007, réclame en vain la régularisation de sa situation administrative. Le gouvernement d’Abdelilah Benkirane est interpellé pour ne pas décevoir les attentes légitimes de ces Africains. L’Europe et l'Algérie sont aussi appelés à s’engager dans la coopération.

Par Mohamed Chakir Alaoui
Le 15/09/2013 à 10h48