Le Maroc, puissance antiterroriste

Mustapha Sehimi.

Mustapha Sehimi.

ChroniqueLe Maroc multiplie les opérations de démantèlement de cellules affiliées à Daech, des interventions qui mettent le doigt sur l’ampleur et la gravité d’une menace en mutation continue. Et comme l’indique le Département d’État américain dans son rapport annuel de 2024, le Royaume se classe parmi les dix pays les plus performants dans la lutte contre le terrorisme.

Le 28/02/2025 à 08h59

Après le démantèlement d’une cellule à Had Soualem, il y a un mois, voilà donc cette fois, le 19 février courant, celui d’un grand réseau d’une douzaine de personnes. Les plans terroristes projetés et préparés devaient être perpétrés dans pas moins de neuf villes du Royaume (Casablanca, Fès, Taounate, Tanger, Guercif, Oulad Teima, Tamesna et Laâyoune). Un acte d’une grande gravité. Tous les détails ont été donnés lors d’un point de presse donné par le directeur du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ), le lundi 24 février à Salé.

Quelles observations de principe peut-on avancer à cet égard? La première a trait à l’armement saisi, en particulier les armes de guerre que sont les Kalachnikov. De quoi viser un chiffre important de victimes… C’est là un stade opérationnel supérieur qui témoigne de la forte menace ciblant le Maroc. Cela rappelle le démantèlement de la cellule terroriste d’Amgala, voici quatorze ans, le 11 janvier 2011, avec, à la clé 27 arrestations et la la saisie de 33 Kalachnikov, 2.000 minutions, 2 lance-roquettes RPG et un mortier Hawn.

À Had Soualem, la saisie a été plus modeste -un fusil et des sabres. Qu’en conclure? Qu’il y a pratiquement trois niveaux d’actions terroristes: le premier est basique, éligible à des profils de «loup solitaire», avec des moyens artisanaux; le deuxième est relatif à la possession d’une ou plusieurs armes blanches (ou non); alors que le troisième s’accompagne, si l’on ose dire, d’une montée de gamme, illustrée par l’armement de la cellule d’Amgala (2011) ou celui du réseau terroriste neutralisé la semaine dernière.

Une autre remarque porte sur la dimension et la portée du projet terroriste. À Amgala, il s’agissait, compte tenu de l’arsenal saisi, de ce qui était prévu, à savoir la création d’une base arrière au Maroc pour y préparer des actes terroristes. Enfin, ce dernier aspect: la géographie des villes ciblées. L’objectif était le suivant: créer un climat général de sidération attestant de l’opérationnalité de ce réseau islamiste de Daech, avec un impact considérable sur l’image du Royaume, en première ligne dans la lutte antiterroriste.

Le responsable du projet terroriste n’est autre que Abderrahmane Sahraoui, de nationalité libyenne, qui a gravi les échelons au Sahel. En 2015, son groupe était modeste, réduit à une cellule de quelques dizaines de membres. Depuis, il a élargi et consolidé son périmètre jusqu’à en faire une province -une «wilaya» au Sahel. Le contexte est ainsi marqué par la réorganisation de l’État islamique dans cette région.

«L’expérience du BCIJ est un exemple réussi de la capacité du Maroc à résister et, plus encore, à répondre efficacement aux menaces terroristes.»

Sur ces bases-là, le Maroc multiplie les opérations de démantèlement de cellules affiliées à Daech. Faut-il le rappeler? Ces interventions mettent le doigt sur l’ampleur et la gravité d’une menace, qui traduisent bien sa mutation. Et le Royaume entend bien porter un coup sévère et durable aux projets et aux ambitions de Daech dans cet espace régional.

Dans son rapport annuel 2024, le Département d’État américain analyse l’implication de tous les pays du monde dans la lutte contre le terrorisme. Il s’articule autour de quatre domaines: la lutte contre le terrorisme, la législation et la coopération internationale, l’approche de la lutte contre la radicalisation et de la réhabilitation, et enfin la gestion des frontières et la sécurité intérieure. Le rapport formule cette conclusion: les politiques sécuritaires mises en œuvre par le Royaume sont efficaces et illustrent la capacité de la DGST et du BCIJ à lutter contre le terrorisme. Le Maroc se classe ainsi parmi les 10 pays les plus performants sur ce plan en 2023 et 2024.

Le rapport donne d’autres indications significatives: le Maroc est membre de la Coalition mondiale contre Daech, dont une conférence internationale s’est tenue en mai 2022, à Marrakech, avec pas moins de 80 pays. Il copréside également le groupe de travail sur l’Afrique. Dans ce cadre, il a lancé, avec le Bureau des Nations unies pour la lutte contre le terrorisme (UNOCT) -basé à Rabat-, et la «Plateforme de Marrakech pour les chefs africains des agences de sécurité et de lutte contre le terrorisme». Une deuxième réunion s’est tenue en mai 2023 à Tanger. Ce rendez-vous est un forum annuel d’évaluation des réalisations, des priorités, des besoins et des actions. Il s’attache également à la promotion de la coordination entre les agences, ainsi qu’à l’échange des meilleures pratiques et expériences. C’est là une forte démonstration de la volonté des pays africains de s’engager dans un effort multilatéral fiable et crédible pour lutter contre le terrorisme. La démarche qui se déploie est celle-ci: promotion de l’appropriation par l’Afrique de réponses antiterroristes opératoires et de solutions appropriées, facilitation de l’échange d’expériences africaines et de renseignement, et alignement sur les priorités des initiatives et des efforts dans cette lutte.

L’expérience du BCIJ est «un exemple réussi» de la capacité du Maroc à résister et, plus encore, à répondre efficacement aux menaces terroristes. Cette politique se distingue par ces traits: traque des plans terroristes, analyse de la structure des groupes jihadistes, identification des sources de financement et du corpus idéologique, et examen des liens et des allégeances des suspects. À cette vigilance constante s’ajoute une nouvelle approche: le terrorisme vu comme menace globale, imposant la nécessité d’une coopération internationale renforcée et la non-association du terrorisme à quelque religion ou groupe ethnique.

Par Mustapha Sehimi
Le 28/02/2025 à 08h59

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