L’histoire s’accélère donc avec la normalisation et la consolidation des relations entre Rabat et Tel-Aviv. En quelques jours, le calendrier a été le suivant: la lettre en date du 17 juillet courant de Benjamin Netanyahu, Premier ministre de l’État d’Israël, informant Sa Majesté le Roi de la décision de «reconnaître la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental» et d’examiner positivement «l’ouverture d’un consulat dans la ville de Dakhla».
Ainsi encore, la lettre royale, deux jours après, qui met l’accent sur plusieurs points: la décision israélienne qui «a été hautement saluée par le peuple marocain et ses forces vives»; une «décision importante»... à la fois «juste» en ce qu’elle «conforte le Maroc dans ses titres juridiques authentiques et ses droits historiques irréfragables sur ses provinces sahariennes»; «clairvoyante» aussi dans la mesure où «elle s’inscrit dans la dynamique internationale irréversible qui voit de nombreux pays, de toutes les régions du monde, favoriser une solution politique définitive à ce différend régional anachronique, sur la base de l’initiative marocaine d’autonomie pour la région du Sahara et dans le cadre de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Royaume».
Le Souverain souligne encore que l’invitation qu’il adresse au chef de l’Exécutif israélien pour effectuer une visite au Maroc offre de «nouvelles possibilités»: le renforcement des relations entre les deux pays, la promotion aussi de «perspectives de la paix pour tous les peuples de la région (…)», y compris «les principes devant guider la résolution du conflit israélo-palestinien».
Ces actes -des actes forts- doivent être mis en perspective pour mesurer leur dimension. Et c’est la déclaration tripartite entre les États-Unis, le Maroc et Israël, signée le 22 décembre 2020, qui est à cet égard la référence de principe. C’est ce texte de base qui permet d’en appréhender la portée. Une dizaine de jours auparavant, le 10 décembre, Washington avait reconnu la «souveraineté du Royaume du Maroc sur le Sahara occidental», et ce en réaffirmation de «leur soutien à la proposition d’autonomie sérieuse, crédible et réaliste du Maroc comme seule base pour une solution juste et durable sur le territoire du Sahara occidental». Il a même été précisé qu’un consulat américain sera ouvert à Dakhla «pour promouvoir opportunités économiques et commerciales en faveur de la région». Lors de l’entretien, le même jour, entre le président Trump et SM le Roi, le Souverain a réitéré la position du Maroc sur ces deux points: le premier a trait à la constante du Royaume sur la question palestinienne, le second regarde l’importance de la préservation du «statut spécial de la ville sacrée de Jérusalem pour les trois religions monothéistes».
Cet accord tripartite, en vigueur depuis plus de deux ans et demi, est une grande promesse: il emporte des effets entre les trois pays, mais également sur les plans régional et international. Il participe de ce que le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita avait souligné: les «Trois P», entente entre les peuples, partenariat et paix. L’entente? Référence est faite, de manière hautement symbolique, au renouvellement des liens de près d’un million d’Israéliens d’origine marocaine avec le Royaume, leur pays d’origine. Une dimension culturelle et humaine traduite et vivifiée par la Constitution de 2011, laquelle dans son préambule fait référence à l’affluent hébraïque -avec d’autres- comme composante de l’identité nationale du Maroc.
Le deuxième «P» est celui du partenariat entre les trois pays, un «work in progress», notamment pour ce qui est des échanges commerciaux à booster avec Washington et Tel-Aviv. En particulier, le Maroc appelle à la concrétisation du projet américain des Zones industrielles qualifiées («Qualified industrial zones»). Cette initiative implique aujourd’hui deux pays, l’Égypte et la Jordanie, qui peuvent exporter des produits vers les États-Unis sans taxe si ces produits incluent une composante de l’État hébreu.
Reste le dernier «P», la paix. Pour Rabat, ce principe commande la résolution du conflit du Sahara. L’accord tripartite est à cet égard, pour le ministre marocain, «un véritable message de paix»: il renforce la souveraineté marocaine sur le Sahara. La paix? C’est aussi celle du Moyen-Orient et la résolution du conflit israélo-palestinien.
L’accord tripartite de décembre 2020 est global. Il intéresse les relations entre les trois États, mais surtout entre Rabat et Tel-Aviv, Washington parrainant et garantissant avec tout son poids sa bonne application. Il consolide de manière substantielle les rapports entre le Maroc et Israël sur la base de «relations diplomatiques complètes, pacifiques et amicales». Il vise également à renforcer la sécurité régionale, à ouvrir et à flécher de nouvelles opportunités pour la région du Moyen-Orient.
La diplomatie marocaine est productive de paix, de stabilité, de sécurité et de coopération. Elle veille à ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures des autres États, elle respecte leur souveraineté et leur intégrité territoriale, elle prône avec constance le dialogue, la concertation et la négociation. Une responsabilité et des principes conformes à ceux de la Charte des Nations unies. Elle soutient activement la cause palestinienne, en première ligne même. Avec la reprise des relations avec Tel-Aviv, n’est-ce pas une opportunité conséquente pour mettre sur la table, de nouveau, la question palestinienne sur la base des décisions de la communauté internationale? La résolution 242 du Conseil de sécurité du 22 novembre 1967 est claire: retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés, fin de toute belligérance et respect du droit de chaque État de la région de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, un juste règlement du problème des réfugiés, un règlement pacifique et accepté.
Le Maroc préside le Comité Al Qods depuis sa création par l’Organisation de la coopération islamique (OCI) en mai 1979 -SM Hassan II en a assuré la présidence puis, en 1999, SM Mohammed VI. La cause palestinienne est une cause nationale pour le Maroc, au même titre que celle des provinces méridionales récupérées en 1975. Elle se fonde sur deux crédos de la diplomatie du Royaume: deux États et Jérusalem-Est comme capitale de l’État palestinien. L’accord tripartite avec les États-Unis et la normalisation avec Tel-Aviv imposent pratiquement un cahier de charges aux trois États signataires, en particulier à l’Exécutif israélien. De nouvelles perspectives de paix se présentent. Un processus est à relancer. Pour l’heure, il enregistre bien des blocages. Le Maroc plaide et entend œuvrer non pas sur le registre du populisme et de la surenchère comme d’autres, mais de manière constructive en favorisant le dialogue et le consensus. Hors de cette voie, pas de solution et les risques de conséquences néfastes d’une situation actuelle largement problématique. Et périlleuse…