Histoire: il était une fois, Hassan II et Che Guevara

Abdallah Ibrahim en compagnie de Che Guevara à l'ambassade d’Égypte au Maroc, en 1959. . DR

Revue de presseKiosque360. Invité pour une visite officielle lors d’une rencontre au Caire, le Che s’est rendu au Maroc fin août 1959. A sa descente d’avion à la tête d’une délégation cubaine, il a été arrêté par les autorités marocaines. Le reste de sa visite, qui en dira long sur les tensions au sommet de l’Etat, s’est déroulé normalement.

Le 29/08/2021 à 20h34

La visite au Maroc du leader du mouvement de libération en Amérique Latine, Ernesto Che Guevara, a été largement commentée en son temps, c’est-à-dire à la fin des années 50 du siècle dernier. Elle l’a été tout autant depuis, par les spécialistes de l’Histoire moderne du Maroc. Et pour cause. Ce bref épisode de l’histoire récente du Royaume met à jour des tensions, auparavant larvées, d’abord entre le gouvernement et le prince héritier, ensuite entre les deux ailes de l’Istiqlal, l’aile conservatrice incarnée par Allal El Fassi et celle progressiste conduite par Mehdi Ben Barka et Abdallah Ibrahim. 

Le quotidien Al Massae décide de revenir, dans son édition du lundi 30 août, sur les péripéties de cette visite, qui a eu lieu fin août 1959, et sur la rencontre, quelques mois plus tôt au Caire, entre le leader latino-américain et plusieurs personnalités marocaines. Il s’agit d’Abdelkerim El Khettabi, Abdelkhalek Torres, alors ambassadeur du Maroc en Egypte, Abdallah Ibrahim, président du Conseil (chef du gouvernement d’alors) et Mehdi Ben Barka qui, sans en avoir le titre officiel, se chargeait des relations internationales du gouvernement, notamment avec le mouvement des Non-alignés et le reste des pays du Tiers-monde.

C’est justement lors de cette rencontre que le chef du gouvernement avait officiellement invité le Che à rendre visite à notre pays. Le quotidien rappelle qu’à cette époque, le leader socialiste avait pour projet d’exporter la révolution latino-américaine dans plusieurs pays du monde. Il a ainsi entamé, à cette époque, une visite au Moyen-Orient et en Afrique du Nord qui l’a notamment conduite en Palestine, en Syrie, en Egypte, en Algérie et, plus tard, au Maroc.

D’après le quotidien, on retiendra de cette visite l’effet surprise que le débarquement du Che, accompagné d'une délégation cubaine en treillis kakis, à l’aéroport, a eu sur les services de sécurité marocains. La police et l’armée, qui relevaient alors du Prince héritier Moulay El Hassan, n’avaient pas été informées de cette visite. A peine avaient-ils frôlé le sol marocain que les hôtes du chef du gouvernement ont donc été arrêtés. Ce qui a valu de vives remontrances au chef de la Sûreté nationale d’alors, Mohamed Laghzaoui, de la part d’Abdallah Ibrahim. Ce dernier a signifié au directeur de ce qui est devenu, plus tard, la DGSN, que c’était à lui, le chef du gouvernement, de décider de la façon dont ses invités se devaient d’être accueillis.

Pour l’aile conservatrice de l’Istiqlal, il ne pouvait y avoir meilleure occasion que ce vif échange pour régler ses comptes avec les progressistes. Dans un édito du journal Al Ayyam, organe de presse de l’Istiqlal signé par Allal El Fassi, il a été rappelé à Abdallah Ibrahim que les bons usages voudraient que, lorsque le chef du gouvernement invite des personnalités de marque à rendre visite au Royaume, tous les cercles du pouvoir en soient informés. 

Bref, poursuit Al Massae, le Che et les quatre membres de la délégation qui l’accompagnait ont passé leurs deux premiers jours au Maroc à l’hôtel Balima, devant le Parlement, dans ce qui ressemble à une assignation à résidence. Ils n’en sont sortis que lorsque le chef du gouvernement leur a rendu visite lui-même, mettant par la même occasion une voiture officielle à leur disposition. Ils sont ensuite allés s’installer dans une villa du quartier Souissi. La délégation cubaine a finalement été mise à l'honneur lors des cérémonials réservés au visites des hauts responsables étrangers.

La première réunion officielle entre les responsables du gouvernement et la délégation cubaine a eu lieu au siège du secrétariat d’Etat au Commerce et à l'Industrie, relève le quotidien. Plusieurs conventions ont ensuite été signées entre les deux parties. La rencontre officielle entre Abdallah Ibrahim et Che Guevara a eu lieu plus tard, à Casablanca, dans un bureau provisoire du chef du gouvernement, aménagé dans le siège de la préfecture. Avant la fin de sa visite, le Che a effectué un voyage à Marrakech où il a décidé de séjourner dans un centre d’accueil sis dans un quartier populaire, plutôt que dans un hôtel de luxe.

Par Amyne Asmlal
Le 29/08/2021 à 20h34