Après avoir séché les travaux du Parlement pendant longtemps, le député et ancien secrétaire général de l’Istiqlal, Hamid Chabat, aurait présenté sa démission. Il l’aurait remise au groupe parlementaire qui, selon les procédures, devrait la transmettre à la présidence de la Chambre. Sauf que cette démission a été rejetée par le parti, et ce pour des raisons éminemment politiques, rapporte le quotidien Assabah dans sa livraison du week-end des 8 et 9 février.
En effet, après la démission de Hamid Chabat et sa validation par la Cour constitutionnelle, cette dernière doit déclarer le siège vacant et inviter le candidat qui suit le député démissionnaire sur la liste électorale à l’occuper. Et c’est là où la situation devient délicate. Le candidat en question est l’ancien détenu salafiste Mohamed Abdelouahab Rafiki, alias Abou Hafs. En d’autres termes, l’Istiqlal refuse d’être représenté au Parlement par Abou Hafs qui l’a d’ailleurs rejoint juste avant les élections de 2016, en provenance du PRV de Mohamed Khallidi, ancien compagnon de route du docteur El Khatib.
Le quotidien assure que les raisons de ce refus n’ont rien à voir avec le passé salafiste et jihadiste du lauréat de l’Université Ibn Saoud et encore moins avec son statut d’ancien détenu dans une affaire de terrorisme. La députation d’Abou Hafs est en fait rejetée en raison de ses récentes convictions, notamment en ce qui concerne les libertés individuelles, relève le quotidien. Des idées, souligne Assabah, qui sont aux antipodes de l’héritage idéologique «égalitariste» du fondateur du parti qui reste le référentiel idéologique de l’Istiqlal.
Par conséquent, note le quotidien, l’accès d’Abou Hafs au Parlement sous la bannière de l’Istiqlal risque de provoquer un séisme au sein du parti. Le siège d’Hamid Chabat, qui vit aujourd’hui en exil volontaire en Allemagne, reste donc inoccupé mais pas légalement vacant, en attendant sans doute les prochaines élections prévues dans un peu plus d’un an et demi. Notons que Mohamed Abdelouahab Rafiki, peu avant de rejoindre l’Istiqlal, avait lancé un projet de «Centre des études et de recherches sur le salafisme national». Le projet a été parrainé par le parti dirigé alors par Hamid Chabat qui a d’ailleurs fait d’Abou Hafs son co-listier dans la circonscription de Fès au titre des législatives de 2016.
En outre, pendant ses dix années de réclusion, -il a été libéré suite à une grâce royale en 2012-, Abdelouahab Rafiki a opéré une révision profonde de ses convictions. Ainsi, il est devenu défenseur du libéralisme social et d’un islam modéré, tolérant et ouvert. Abou Hafs, qui se présente aujourd’hui comme un chercheur en études islamiques, au demeurant très présent sur les réseaux sociaux, estime qu’en matière de libertés publiques, la société marocaine doit inéluctablement s’engager dans un débat ouvert et franc pour une législation en phase avec l’évolution sociale. Abou Hafs a également exprimé des idées avant-gardistes sur d’autres sujets tout aussi controversés, comme l’héritage. Ce qui ne cadre pas forcément avec la vision conservatrice de l’Istiqlal sur ce genre de questions.