El Guerguerat: pour défendre ses intérêts bafoués par le Polisario, la Mauritanie monte au créneau

Ismaïl Cheikh Ahmed, ministre mauritanien des Afaires étrangères et de la coopération. 

Ismaïl Cheikh Ahmed, ministre mauritanien des Afaires étrangères et de la coopération.  . DR

C'est la première réaction officielle de la Mauritanie au blocage du passage d’El Guerguerat par 100 miliciens du Polisario qui cachent des armes sous des tentes. La Mauritanie, qui pâtit durement de l’approvisionnement de ses marchés à partir du Maroc, pourrait retirer sa reconnaissance à la RASD.

Le 12/11/2020 à 12h11

Le porte-parole du gouvernement mauritanien, Sidi Ould Salem, a affirmé, à l’issue du Conseil des ministres tenu hier, mercredi 11 novembre à Nouakchott sous la présidence de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, chef de l’Etat, que la diplomatie mauritanienne s’active actuellement en vue «de trouver, et dans les plus brefs délais, une solution à la crise qui prévaut au niveau du passage d’El Guerguerat».

Le ministre a précisé que la «crise d’El Guerguerat concerne une zone démilitarisée, sous contrôle des Nations Unies, même si elle fait l’objet d’un vieux litige». Et d’ajouter: «nous ne sommes pas partie prenante dans ce litige, mais nous sommes concernés au premier chef, et en tant que voisins des différentes parties, par cette crise» qui sévit aux frontières nord de la Mauritanie, et qui a créé des perturbations au niveau de l’approvisionnement de ses marchés, lequel dépend en grande partie de ses importations à partir du Maroc voisin.

Cette première réaction officielle du gouvernement mauritanien depuis le déclenchement de la crise d’El Guerguerat, suite à l’obstruction de cette zone par le Polisario, intervient après un exposé fait par le ministre mauritanien des Affaires étrangères, de la coopération et des Mauritaniens de l’extérieur, Ismail Ould Cheilh Ahmed, en Conseil des ministres, en ce même mercredi 11 novembre.

Selon l’Agence mauritanienne d’information (AMI), le chef de la diplomatie mauritanienne a eu, au cours de la journée du mercredi, un entretien téléphonique avec le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. «L’entretien a porté sur la situation conflictuelle» dans la zone tampon jouxtant le passage d’El Guerguerat, une situation que les deux parties ont qualifiée de grave, inquiétante et pouvant dégénérer à tout moment.

Alors que le chef de la diplomatie mauritanienne a «affirmé au secrétaire général de l’ONU que Nouakchott mène ses bons offices depuis quelques jours, et de manière intensive», il a également exhorté Antonio Guterres à agir rapidement en vue de dénouer cette crise, «dans les plus brefs délais, vu le rôle pionnier de l’ONU» en la matière.

Guterres a déclaré qu’il avait lui aussi initié des contacts «depuis deux jours et a fait part de ses préoccupations face à la gravité de la situation sur le terrain», ajoute l’AMI, qui conclut que «les deux parties ont convenu de maintenir les contacts et l’échange d’informations» sur l’évolution de la situation à El Guerguerat.

En décodé, ces contacts que mènent l’ONU et la diplomatie mauritanienne signifient plusieurs choses.

Primo, les démarches que le secrétaire général de l’ONU dit initier «depuis deux jours» ne peuvent l'être qu’auprès des autorités algériennes. Parce que d’une part, l’Algérie est la principale partie prenante du conflit créé autour du Sahara, comme l’a qualifiée le dernier rapport sur le Sahara présenté par Guterres. D’autre part, les agissements actuels du Polisario n’étant que mépris et défi à l’égard des décisions de l’ONU, Guterres est obligé de faire fi à son tour des dirigeants du mouvement séparatiste. En effet, en obstruant le passage d’El Guerguerat, le Polisario a foulé aux pieds les constantes injonctions du secrétaire général de l’ONU, violé les résolutions du Conseil de sécurité et bafoué l’autorité de la Minurso, chargée de surveiller et de faire respecter les accords de cessez-le-feu de 1991.

Deuxio, la diplomatie mauritanienne dispose, de son côté, d’une carte maîtresse pour faire pression sur l’Algérie afin que cette dernière donne l’ordre au Polisario de se retirer du passage d’El Guerguerat, et dans les «plus brefs délais», comme l’affirme le porte-parole du gouvernement mauritanien.

Cette carte maîtresse n’est autre que la reconnaissance du Polisario par la Mauritanie, qui ne tient d’ailleurs depuis longtemps qu’à un fil très ténu. Or, étant économiquement étouffée par les agissements du Polisario, qui a gravement porté atteinte à ses intérêts vitaux de la Mauritanie, il suffit de brandir le retrait de sa reconnaissance à la «RASD» pour qu’Alger sorte rapidement du buisson. Car un retrait de la reconnaissance au Polisario par la Mauritanie aura inévitablement un effet boule de neige au sein de l’Union africaine, et pourrait précipiter l’expulsion de la «RASD» de l'instance continentale. 

Par Mohammed Ould Boah
Le 12/11/2020 à 12h11