L’exercice se voulait une analyse approfondie des tenants et aboutissants de l’actuelle crise diplomatique entre le Maroc et la France. Il pèche toutefois par nombre d’imprécisions, quand il ne glisse pas vers de la désinformation. Il en va ainsi de l’article intitulé «Les dessous d’une fâcherie franco-marocaine», paru dans l’édition du mois d’octobre du mensuel français Le Monde diplomatique.
Dans un rappel des tensions passées entre Rabat et Paris, l’article cite notamment l’épisode où Abdellatif Hammouchi aurait été la cible des services sécuritaires français. Nous sommes le jeudi 20 février 2014, au plus fort d’une saison de froid entre les deux pays. Le Monde diplomatique affirme que le patron du pôle DGSN-DGST se trouvait à Paris quand «il est surpris par la visite d’officiers de la police judiciaire venus lui remettre une convocation à comparaître devant le juge qui instruit l’une des affaires l’incriminant». Le tout, sur fond de «plusieurs plaintes» pour, excusez du peu, «tortures et crimes contre l’humanité».
Vérification faite, rien n’est moins vrai. Quand cet incident s’est produit, Abdellatif Hammouchi ne se trouvait nullement en France, mais dans son bureau à Rabat, comme l’a souvent mentionné au demeurant Le360 au moment des faits. Si sept policiers français se sont effectivement rendus à Neuilly-Sur-Seine, en banlieue parisienne, à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris, Chakib Benmoussa à cette époque, pour notifier ladite convocation, le responsable sécuritaire marocain ne s’y trouvait pas. Au moment des faits, Chakib Benmoussa y était, précise une source sûre, en compagnie de Mohamed Hassad, alors ministre de l’Intérieur.
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On précisera par ailleurs que la plainte déposée portait sur une «complicité de torture». On s’en souvient, un communiqué de l’ambassade du Maroc en France avait alors exprimé «son étonnement face à l’absurdité de cette affaire, aussi bien au niveau de la procédure adoptée qu’au niveau des cas judiciaires évoqués», ajoutant que «la violation des règles et usages diplomatiques universels et le non-respect des conventions entre les deux pays suscitent de nombreuses interrogations sur les motivations réelles de cette affaire et ses véritables commanditaires». De même, «la forte présence policière est intervenue curieusement à un moment où le ministre de l’Intérieur du Maroc était en réunion à la résidence avec plusieurs journalistes». Mohamed Hassad se trouvait à Paris dans le cadre d’une réunion sécuritaire avec ses homologues français, portugais et espagnol, portant sur l’immigration, sujet sensiblement éloigné des prérogatives de Hammouchi.
On rappellera également que l’action avait été enclenchée suite à une plainte de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), une association qui avait pris fait et cause pour deux personnes impliquées dans des crimes de droit commun et condamnées par la justice marocaine. Il s’agissait d’Adil Lamtalsi, un Franco-Marocain condamné pour trafic de drogue, et Ennaâma Asfari, accusé de complicité dans l’assassinat de 11 éléments des forces de l’ordre lors du démantèlement du camp Gdim Izik en 2010.
L’affaire s’était soldée par une convocation de l’ambassadeur de France à Rabat, un rappel de Chakib Benmoussa par Rabat, et le gel, notamment, de la coopération judiciaire avec Paris. C’était avant que la justice française ne classe l’affaire et que la France ne présente implicitement ses excuses en faisant amende honorable. Un an plus tard, et pratiquement jour pour jour, le ministre français de l’Intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve, annonçait, le 14 février 2015, la décoration d’Abdellatif Hammouchi en tant qu’officier de la Légion d’honneur.