Cybersécurité et souveraineté numérique

Mustapha Sehimi.

Mustapha Sehimi.

ChroniqueLa cybersécurité s’impose aujourd’hui comme une question d’intérêt national, posée en des termes à la fois conséquents et opérationnels. C’est dans cet esprit que se tient, du 15 au 19 septembre à Rabat, l’édition 2025 du «Regional Cyber Week», organisée par la Direction générale de la sécurité des systèmes d’information (DGSSI) en partenariat avec le Centre arabe de la cybersécurité.

Le 18/09/2025 à 16h03

Le programme de cette rencontre s’articule autour de thématiques de premier plan: «Intelligence artificielle, technologies quantiques, souveraineté numérique, développement durable et coopération internationale». L’événement a réuni des participants issus de divers horizons, opérateurs et responsables publics et privés, venus du Maroc, d’Afrique et d’autres régions du monde.

Il a également marqué la première apparition publique du nouveau directeur de la Direction générale de la Sécurité des systèmes d’information (DGSSI), le général de brigade Abdellah Boutrig, qui a livré une communication sur les enjeux et défis de la cybersécurité. Le ministre délégué chargé de l’Administration de la Défense nationale, Abdellatif Loudiyi, a également abordé ce sujet central.

Une convergence d’approches s’est ainsi dessinée: comment ériger la cybersécurité en pilier de la souveraineté numérique, tout en en faisant un levier stratégique de développement durable?

La cybersécurité n’est pas une simple affaire «technique», bien au contraire. Il s’agit de protéger les institutions, de renforcer la confiance et de sensibiliser tant les acteurs que les citoyens, tout en améliorant en permanence les pratiques. Car la transformation numérique s’accélère, engendrant des menaces de plus en plus complexes et multiformes. Face à ces défis, une exigence demeure: faire de la confiance le principe cardinal de toute démarche.

Le Maroc figure parmi les pays africains les plus exposés, avec plus de 52 millions de menaces détectées ou neutralisées en 2024, dont près de 40 millions via les courriels. Le domaine «.ma» a, à lui seul, enregistré plus d’un million de comptes compromis au cours de l’année. À cela s’ajoutent des attaques par logiciels de vol d’informations et plusieurs cas de fuites de données touchant divers secteurs stratégiques.

Le Maroc s’est doté d’une stratégie Digital 2030, prolongeant une première initiative lancée en 2012 qui avait permis d’enregistrer des avancées notables. Celle-ci s’était appuyée sur un cadre juridique et normatif adapté, sur la diversification des programmes de renforcement des compétences et sur des actions de sensibilisation ciblant les professionnels. Un volet important concernait également la coopération internationale, à travers des accords de partenariat favorisant le partage d’informations et l’échange d’expertise.

«Le quatrième pilier de la stratégie Digital 2030 concerne la coopération internationale, dimension incontournable au regard de la nature transfrontalière du cyberespace.»

—  Mustapha Sehimi

La nouvelle stratégie a été conçue comme une véritable architecture d’orientation, permettant de guider l’action des différents acteurs et d’assurer une mise en œuvre efficiente des programmes. Elle s’articule autour de quatre piliers majeurs, chacun décliné en objectifs stratégiques précis: la gouvernance nationale de la cybersécurité, le renforcement de la résilience du cyberespace, le développement des capacités et la sensibilisation, ainsi que la promotion de la coopération régionale et internationale.

Le premier pilier consiste à renforcer l’arsenal juridique et normatif, afin de faire face à l’évolution constante et à la complexification des cybermenaces. Il s’accompagne d’un effort d’amélioration de la gouvernance, à travers la mise en place de mécanismes institutionnels destinés à optimiser l’action publique et à assurer une coordination efficace entre les différents acteurs.

Le deuxième pilier est d’ordre opérationnel: il vise à consolider la sécurité et la défense du cyberespace national face aux défis croissants de ce secteur. Cela se traduit par un ensemble d’initiatives préventives et réactives, notamment le développement des capacités de détection et de réaction, la promotion des standards et normes de cybersécurité, ainsi que l’appui à la prise de décision éclairée.

Le troisième pilier met l’accent sur l’éducation, la sensibilisation et le développement des compétences. Il englobe également la création d’un écosystème national de cybersécurité robuste et informé, propice à l’innovation et au développement d’entreprises spécialisées dans ce domaine stratégique.

Enfin, le quatrième pilier concerne la coopération internationale, dimension incontournable au regard de la nature transfrontalière du cyberespace. Des partenariats bilatéraux et multilatéraux, établis avec des institutions internationales et des autorités nationales compétentes, s’avèrent indispensables. Ce dernier axe traduit la volonté du Royaume de contribuer à la consolidation de la paix et de la sécurité du cyberespace mondial.

Il y a près de quatre mois, le Maroc a franchi une nouvelle étape en matière de cybersécurité avec la création, par arrêté ministériel du 26 mai dernier, d’un Centre d’innovation en cybersécurité (CIC). Ce nouvel organe, fruit d’un partenariat élargi réunissant plusieurs entités étatiques et le monde académique, prend la forme juridique d’un groupement d’intérêt public (GIP).

Ses missions sont multiples: encourager la recherche et la formation, stimuler l’innovation et le développement des connaissances et technologies avancées, promouvoir les partenariats nationaux et internationaux, soutenir l’esprit d’entreprise ainsi que l’essor des startups innovantes et spécialisées.

Le CIC s’inscrit dans une perspective stratégique à l’horizon 2030, portée par un plan d’action structuré, une vision claire, un tableau de bord de suivi et des bilans périodiques visant à assurer une gouvernance rigoureuse et une mise en œuvre efficiente.

Par Mustapha Sehimi
Le 18/09/2025 à 16h03