Une source gouvernementale, interrogée ce mardi 31 mars 2020 par Le360, reconnaît la faiblesse de la capacité à mener à très large échelle des tests de dépistages du Covid-19 au Maroc, mais assure que dans les prochains jours la donne va changer, car le nombre des analyses augmentera, non seulement dans les quatre laboratoires actuellement opérationnels, mais aussi dans les laboratoires dédiés des Centres hospitaliers universitaires (CHU) du royaume.
Le chef du gouvernement a précédemment indiqué, en réponse à une question posée par Le360, que ces tests seront étendus aux CHU du Maroc. Toutefois, aucune date de l’entrée en vigueur de ce dispositif n’a encore été annoncée.
La stratégie de communication adoptée par le ministère de la Santé commence par ailleurs à fortement déplaire, tant à l’opinion publique qu’aux partis de l’opposition. Manque de transparence, communication sommaire, absence de points de presse -ne serait-ce qu’en vidéoconférence: les lacunes sont nombreuses, et toutes convergent vers un problème majeur, celui du silence observé par ce département sur le nombre de kits de tests de dépistage du Covid-19 en sa possession.
Lire aussi : Vidéo. Coronavirus: le ministère de la Santé poursuit l’omerta sur le nombre de tests de dépistage
Au cours de ce mois de mars qui prend fin aujourd’hui, les tests de dépistage effectués se sont limités à 2.801 personnes, un nombre très faible en comparaison avec ceux effectués dans d’autres pays du pourtour méditerranéen. En France, par exemple, les tests de dépistage concernent une moyenne de 12.000 personnes par jour et le gouvernement français s’est engagé à porter ce chiffre à 40.000. En Espagne et en Italie, la capacité quotidienne des tests de dépistage effectués dépasse le nombre de 10.000.
Cette source gouvernementale interrogée par Le360 n'est toutefois pas en mesure de «préciser» le niveau que devrait atteindre, dans les tous prochains jours, le dispositif prévu pour les dépistages, par villes, par CHU, par régions. Sur ce point précis, le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, est toujours silencieux, et cette opacité favorise toutes les spéculations et contribue à faire grandir un sentiment d’inquiétude auprès des citoyens.
Le Maroc a certes déjà passé d'importants commandes d’achats, auprès de la Chine et de la Corée du sud, portant sur plusieurs lots de matériels et d’équipements médicaux. Parmi ces commandes, figurerait un lot de 100.000 kits de dépistage. Mais là aussi, on ignore la date précise à laquelle ces commandes seront livrées et donc à quel moment la vitesse d’exécution des analyses de détection du coronavirus, via ces kits, montera en charge dans le pays.
Lire aussi : Covid-19. Adoption de la chloroquine au Maroc: les explications du ministère de la Santé
Le ministre de la Santé sera donc le premier membre du gouvernement à devoir s’expliquer devant les députés du Parlement, après l'ouverture de la session de printemps de la chambre des représentants, prévue le 10 avril 2020.
Pour Jamal Benchekroun, député du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS-opposition), la première des questions qui sera posée à Khalid Aït Taleb «portera sur l'épineuse question du dépistage».
Le ministre doit expliquer, selon ce député, «pourquoi le nombre de décès est plus élevé par rapport aux malades guéris, et pourquoi le nombre de laboratoires d'analyses {opérationnels sur le dépistage du Covid-19} reste insuffisant».
«Nous allons également lui demander d'être plus présent sur le plan de la communication», a affirmé ce député de l’opposition.
De son côté, Mohamed Aboudrar, chef du groupe des députés au Parlement du Parti Authencité et Modernité (PAM -opposition), reconnait «la nécessité d'élever le rythme du dépistage».
Ce parti, que dirige Abdellatif Ouahbi, «a beaucoup de choses à dire sur cette pandémie au Maroc mais le PAM évite actuellement les critiques par respect de l'esprit de solidarité et de consensus qui prévaut dans le pays», indique le chef du groupe des députés du PAM à la première chambre du Parlement.
De son côté, Fatiha Sadas, députée de l'Union socialiste des forces populaires (USFP-majorité), affirme que le groupe des députés de ce parti s’apprêtait à interroger le ministre de la Santé sur un ensemble de questions, dont celles liées à l’insuffisance du nombre de dépistages du Covid-19.
D’autre part, les conférences de presse organisées par le département que dirige Khalid Aït Taleb se limitent à fournir seulement le bilan des cas avérés, des décès, des rémissions et les représentants du ministère n’apportent que quelques maigres éclairages sur la situation de crise sanitaire que traverse le pays.
Lire aussi : Portrait: Mohamed Lyoubi, le communicant du ministère de la Santé disparu des radars
Un exemple parmi d’autres: pas plus tard qu’hier, lundi 30 mars, le directeur du département d’épidémiologie n'a pas été en mesure de dire clairement aux Marocains que le pays était définitivement entré dans la phase 2 du processus d'évaluation de la progression des cas de Covid-19.
Le ministre de la Santé n’a visiblement pas, jusqu’ici, été à la hauteur de cette crise sanitaire à laquelle le pays est confronté. Khalid Aït Taleb ne s’adresse même pas aux Marocains, alors que partout ailleurs dans le monde, les ministres de la Santé de divers gouvernements, aux sensibilités politiques très différentes, montent au front, et sont en première ligne, pour communiquer sur l’action de leur département dans la gestion de cette crise sanitaire, désormais mondiale.
Nous savions déjà que les dirigeants et leaders de nos partis politiques ne disposent pas, hélas, de nombreuses compétences, mais face à une crise sanitaire d’une telle ampleur, le ministre de la Santé se retrouve désormais devant deux options: changer de stratégie et communiquer en toute clarté et transparence avec les citoyens, ou décider de se dessaisir de cette question.