Il y a un complexe chez nos voisins de l’Est qui a pour nom le Maroc. Quand on regarde un quatuor d’experts s’exprimer sur Canal Algérie, une chaîne de télévision publique, financée par l’Etat algérien et tellement dithyrambique envers le régime que les Algériens la surnomment «Canal Boutef», on prend la mesure de l’ampleur de la désinformation et de la haine rageuse contre le Maroc. Alors que l’émission de 60 minutes a pour thème «Sommet de l’UA: quelles perspectives pour l’Afrique ?», les quatre intervenants ont passé le plus clair de leur temps à parler de la réintégration du Maroc dans l’UA. «Non, ce n’est pas une réintégration. C’est une admission», crie le plus enragé d’entre eux, le directeur de la publication d’un journal algérien. Pourquoi cette supposée précision? Pour dire que le Maroc n’est pas un membre fondateur de l’Union africaine et que notre pays n’a pas pris part à l’émergence d’une conscience africaine.
L'intégralité de l'émission diffusée sur Canal Algérie.
Le déni de l’HistoireUne partie de cette émission est consacrée à «la naissance de l’idée africaine». Les quatre experts citent les pères fondateurs d’une conscience africaine: le Ghanéen Kwamé Nkrumah, le Guinéen Ahmad Sékou Touré, le Malien Modibo Keita. Ces mêmes experts parlent même de l’année 1960 durant laquelle ont été posés les premiers jalons qui ont conduit à l’émergence d’une unité continentale. Tout cela est vrai, à une ellipse près qui renseigne sur la psychologie du quatuor: à aucun moment, oui à aucun moment dans une émission de 60 minutes, Mohammed V n’est nommé. Le rôle décisif joué par Mohammed V dans la construction de l’unité africaine a été effacé. Le quatuor a fait un montage inédit de l’histoire du panafricanisme, en vue de bannir le Maroc.
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Il faut toujours revenir aux sources pour confondre les imposteurs. Il est très difficile d’imaginer la création de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine, ancêtre de l’UA) sans l’activisme et le panafricanisme de Mohammed V. Au lendemain de l’indépendance du royaume, Mohammed V, qui a été longtemps exilé avec sa famille à Madagascar, donnera une orientation résolument africaine à sa politique. Déjà en août 1960, Mohammed V recevait le leader nationaliste congolais Patrice Lumumba et lui déclarait: «Le Maroc est à vos côtés et met à votre disposition les enseignements de son expérience, ainsi que ses moyens d’action diplomatiques, militaires et techniques (…). Vous êtes du côté du droit et de la justice qui finissent toujours par triompher».
En janvier 1960, il lance un appel aux leaders africains pour une réunion historique à Casablanca qui constitue, selon tous les historiens de l’Afrique contemporaine, le premier pas décisif qui conduira à la création de l’OUA.
En janvier 1961, des progressistes comme Modibo Keita du Mali, Ahmad Sékou Touré de la Guinée, Gamal Abdel Nasser de la République arabe unie (future Egypte), Kwamé Nkrumah du Ghana, l’empereur Hailé Sélassié d’Ethiopie ou encore Ferhat Abbes du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) répondent à l’appel de Mohammed V. Même Idris 1er de la Libye, empêché, envoie un émissaire en la personne d’Abdelkader Allam. Le groupe de Casablanca est né et dès le 7 janvier la charte éponyme est signée, prônant une rupture avec les puissances coloniales. La réunion de ce groupe, avec des accents anticolonialistes très appuyés, s’est bel et bien déroulée à Casablanca.
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Continuons notre plongée dans l’histoire contemporaine de l’Afrique pour arriver à la création de l’OUA. Parallèlement au groupe de Casablanca, d’autres leaders plus modérés se sont réunis à Monrovia, capitale du Liberia. Ce groupe se compose de Léopold Sédar Senghor du Sénégal, Houphouët Boigny de la Côte d’Ivoire, William Tubman du Libéria, Amadou Ahidjo du Cameroun et Hamani Diori du Nigéria.
En mai 1963, le groupe de Casablanca et celui de Monrovia dépassent leur différence et s’inspirent de la Charte de Casablanca pour créer, à Addis-Abeba, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) avec 32 pays membres fondateurs.
Mohammed V fait partie des pères fondateurs de l’Union africaine. Il s’en est d’ailleurs fallu de peu pour que le siège de l’OUA ne soit érigé à Casablanca au lieu d’Addis-Abeba. Voilà ce qu’ont volontairement omis de dire les quatre experts algériens.
«Je suis membre, mais je ne reconnais pas la RASD»
Dans l’émission de Canal Algérie, l’un des intervenants pointe du doigt ce qu’il considère comme un paradoxe dans le retour du Maroc à l’UA. Il se pose des questions, supposées de bon sens, sur le fait que le Maroc siège dans une organisation sans en reconnaître un Etat membre. «Je suis membre, mais je ne reconnais pas la RASD», s’écrie-t-il. Or ce que ne dit pas cet expert aux téléspectateurs, c’est que le Maroc n’est pas le seul pays à siéger dans l’UA sans reconnaître la «RASD». Il y a beaucoup de pays africains membres de l’UA qui savent très bien que la «RASD» n’aurait pu exister sans le soutien inconditionnel de Houari Boumedienne et à ce titre, ils ne la reconnaissent pas. Mieux: les pays africains qui ne reconnaissent pas la «RASD» sont plus nombreux que ceux qui la reconnaissent. Pour être plus précis, sur 54 Etats membres de l’UA, seulement 17 pays attribuent le statut de pays à la «RASD». Donc, le Maroc va siéger dans une organisation où plus des deux tiers des Etats membres ne reconnaissent pas la «RASD». Le cas isolé n’est donc pas celui du Maroc, mais plutôt celui de l’Algérie qui défend avec une poignée de pays une entité qui ne dispose d’aucune composante pour statuer au rang d’Etat.
Pour aller jusqu’au bout de la logique, l’élément étranger dans l’UA est celui dont ne veulent pas la majorité des Etats membres. Cet élément étranger est d’ailleurs condamné, tôt ou tard, à être enlevé du corps de l’UA.
De plus, si on suit l’argumentaire décliné par cet intervenant, on concluerait à une reconnaissance mutuelle entre deux Etats chaque fois qu’ils s’asseyent dans la même enceinte d’une institution internationale. L’Algérie siège avec Israël à l’ONU et dans plusieurs organismes dépendant des Nations unies. Est-ce que les experts algériens conclueraient pour autant à la reconnaissance de l’Etat hébreu par leur pays?
L’ogre marocain
Aussi incrédule que désarçonné par la puissance du Maroc en Afrique et par l’intérêt médiatique suscité par son retour à l’UA, l’un des invités s’écrie: «le Maroc n’est pas un ogre !» C’est vrai, d’autant plus que la percée africaine du Maroc repose sur une vision de longue haleine. Est-il besoin de rappeler que le roi Mohammed VI a effectué quarante-sept visites dans vingt-six pays africains. A l’occasion de chacune de ces visites, le souverain arrivait avec des projets structurants qui concrétisent sa vision de l’enracinement continental du Maroc et une coopération résolument Sud-Sud. Le roi Mohammed VI a d’emblée commencé son règne avec des gestes à forte charge symbolique. Lors du sommet Afrique-Europe en 2000, le Maroc a annulé l’ensemble des dettes des PMA (Pays les moins avancés) africains et supprimé les barrières tarifaires pour les produits en provenance de ces pays. Il a fallu attendre 2010 pour que la riche Algérie en fasse autant!
Au lieu de manifester leur mécontentement en direction du Maroc, les invités de Canal Algérie auraient été fondés de demander à leur pays de suivre l’exemple de Mohammed VI et de s’investir dans le continent africain. La réussite du modèle marocain n’est pas le fruit du hasard. Elle repose sur la réforme de l’administration, ainsi que la formation de cadres et de gestionnaires qui ont appris à concrétiser des projets dans des environnements spécifiques. Ils ont également appris à former des compétences locales et à s’instruire de l’expérience des pays africains. Ce modèle de coopération Sud-Sud est un motif de fierté pour le continent.
Parmi le flot des mensonges qui traversent de bout en bout cette émission, les invités ont affirmé que le Maroc a réintégré l’UA avec le dessein de servir les intérêts des Occidentaux et d’Israël. La preuve selon eux, le Maroc a un statut particulier dans l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE). Et en tant que seul pays africain et de la région MENA lié par un programme avec l’OCDE, le royaume serait entré dans l’UA pour servir un agenda dont les grandes lignes ont été écrites en Occident. Les experts de la théorie conspirationniste passent, évidemment, sous silence la coopération Sud-Sud patiemment mise en place par Mohammed VI depuis 1999. Ce partenariat gagnant-gagnant entre le Maroc et les pays africains trouve sa source dans la communauté de territoire et de destin et non pas dans un complot, tramé il y a quelques mois dans des officines en Occident.
Un leadership sans gaz, ni pétroleLe roi Mohammed VI a rappelé dans son discours historique à Addis-Abeba que le Maroc ne disposait ni de gaz, ni de pétrole. Alors que l’Etat algérien dépend totalement des hydrocarbures qui représentent 98% de ses exportations, le Maroc a multiplié les initiatives et les innovations pour trouver de nouvelles sources de revenus.
L’Algérie importe tout et n’exporte que le gaz et le pétrole. Ce pays s’est tellement habitué à vivre de la rente des hydrocarbures qu’il importe jusqu’à la main d’œuvre qui intervient dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). A titre d’exemple, la grande mosquée d’Alger est construite pas des ouvriers importés de Chine ! C’est dans cette situation anormale que le quatuor d’experts devrait chercher les raisons de l’échec de l’Algérie à percer dans le continent. L’économie de la rente, telle que pérennisée par Alger, est impossible à exporter en Afrique.
Il est toutefois très peu probable que les intervenants de Canal Algérie puissent pointer du doigt les raisons de la paralysie de leur pays. Ils sont invités pour se livrer à une vaste entreprise d’intox. Et ils ont essayé de faire le job. Dans leur culot et le flot de boniments qu’ils déversent avec un aplomb désarmant, les quatre experts semblent oublier que leurs mensonges gros comme des montagnes s’écroulent vite à l’épreuve des nouveaux moyens de communication.
Le quatuor d’invités à l’émission de Canal Algérie est surtout expert dans la désinformation et la falsification de l’Histoire. Ces intervenants ont au moins le mérite de nous renseigner sur la rage qui s’est emparée d’Alger à la suite de son échec à contrer le retour du Maroc à l’UA. Ils nous instruisent sur le complexe de certains Algériens avec le passé du Maroc. On sait qu’un pays sans passé est plus pauvre qu’un pays sans avenir. Le problème de l’Algérie, c’est qu’elle n’a pas le passé du Maroc. Et le passé ne s’achète pas.