Après l’accumulation de tant de dysfonctionnements, M. Mohamed M’hidia fait figure d’homme providentiel, sauveur ultime chargé d’une mission suprême.
C’est que les attentes sont énormissimes et les compétences du nouveau wali de la région et gouverneur de la préfecture de Casablanca reconnues tout au long de sa carrière administrative.
Tout le monde le sait: Casablanca souffre depuis plusieurs années d’un problème de gouvernance.
À elle seule, la métropole concentre, tout en paradoxes, les marques du progrès en tant qu’épicentre des finances, de l’industrie et du commerce, accompagnés de germes du sous-développement dans un mélange tout aussi contradictoire d’asphyxie de plus en plus ressentie par ses habitants et de constante attractivité, faisant affluer, sans arrêt, de nouveaux résidents, contribuant tous joyeusement à cette croissance tentaculaire.
Au fil des ans, citoyens, société civile, médias et politiques ont reconnu l’ampleur des problèmes. Mais qu’est-ce qui bloque concrètement les stratégies de sortie de crise?
Il va de soi que je n’ai pas de réponse, mais je ne cède pas pour autant au fatalisme non plus qu’au mythe accommodant d’une ville ingouvernable.
D’un côté, il y a les grands chantiers et la course contre la montre pour les achever, d’autant que se profilent 2030 et la co-organisation de la Coupe du monde. De l’autre, se trouvent un tas de petites nuisances qui demandent juste à sortir des bureaux et à imposer l’ordre là où certains se complaisent dans l’anarchie et tentent d’imposer le règne de la siba.
Souvenons-nous, pour le premier point, que le Plan de Développement du Grand Casablanca, lancé concrètement en 2015, devait arriver à son terme en 2020.
Nous sommes quasiment aux portes de l’année 2024!
Si l’on exclut les quelques chantiers livrés, couronnés de succès (tels le super collecteur ouest, le pont à haubans de Sidi Maârouf, la trémie du boulevard Ghandi, la promenade de la mosquée Hassan II et la place Rachidi), d’autres accusent des retards de livraison ou de mise en service aussi inexplicables qu’inexpliqués.
Parmi eux: la Casablancaise, ex-lieu mythique dont le marché de réaménagement a été approuvé en 2015 pour un budget global de 46,79 millions de dirhams, pris en charge par le ministère de la Jeunesse et des sports, tandis que la wilaya et la Commune de Casablanca restent impliquées dans la remise à niveau puisque ledit stade est bâti sur un terrain communal.
Le projet devait être bouclé en 18 mois!
Autre retard conséquent: celui du Grand Théâtre, lancé dès le mois d’octobre 2014.
Mais alors que le blockhaus imposant est achevé dans ses grandes lignes, à la date d’aujourd’hui, nulle visibilité ne se profile autour des orientations de ce qui était présenté comme «l’un des plus importants complexes culturels d’Afrique et du monde arabe» dédiés aux arts de la scène.
Que dire du parc zoologique d’Aïn Sbaa, faisant partie du patrimoine casablancais depuis plus de 80 ans et dont les travaux ont été lancés en 2015 pour une réouverture prévue initialement en 2018!
À ces chantiers, on peut ajouter une pléiade de grands dossiers, dont la gestion des déchets urbains avec le blocage de la création du futur centre d’enfouissement et de valorisation prévu à Mediouna, qui est visiblement acculée à devenir la décharge de Casablanca, accueillant ses 4.000 tonnes quotidiennes de déchets.
Au niveau des transports publics, évoquons juste le cas des taxis, qu’ils soient rouges ou blancs, avec pour maîtres-mots l’anarchie et les défaillances en matière de contrôle des autorités devant la puissance du lobby des exploitants qui freine toute velléité de restructuration et d’assainissement.
Les chauffeurs invoquent, à ce propos, des difficultés sociales et financières entre prix de l’assurance, paiements de l’agrément, de la visite technique et autres frais généraux... Sans oublier la précarité de l’emploi et l’absence de couverture sociale. Autant de facteurs qui mettent à mal leur situation et se répercutent sur les usagers et sur l’image de la capitale économique.
Et puis, il y a les dizaines de mini-harcèlements quotidiens qui, une fois cumulés, deviennent un énorme calvaire: incivisme, mendicité à chaque rond-point, gardiennage anarchique dans un mélange d’opacité dans l’octroi des autorisations, de non-contrôle des tarifs de stationnement ou de chevauchement incohérent avec l’activité des horodateurs...
Dans ce qui s’assimile à un capharnaüm où chacun fait sa loi, cafetiers, restaurateurs, commerçants, artisans, marchands ambulants, particuliers… opèrent une mainmise illégale sur l’espace public, débordant allègrement sur les trottoirs, et tant qu’à faire, sur les chaussées.
Alors que les commerçants s’acquittent de leurs taxes et impôts, d’autres boudent les marchés-pilotes et squattent partout, de manière quasi fixe, en contribuant à la ruralisation de la métropole, sachant que même la campagne possède des normes de fonctionnement avec des souks hebdomadaires et non des charrettes quotidiennes à chaque recoin, assorties, pour mieux empoisonner la vie aux riverains, de hauts parleurs!
Et c’est à un clair rappel à l’ordre que nous assistons actuellement dans différents arrondissements avec cette opération d’assainissement de l’espace public, alors que parallèlement, les grands projets sont dans le viseur du nouveau gouverneur.
Lors de sa participation à la session extraordinaire du conseil de la région, il exposait ainsi sa feuille de route avec en tête des priorités: la pénurie d’eau, la création d’emplois ou encore la prolifération des bidonvilles.
Malgré les obstacles liés notamment au lobbying local et à certaines formes de résistance impénétrables, nous croyons encore et toujours que la puissance de la volonté et le travail rigoureux peuvent accomplir des miracles.