Caftan marocain: comment Alger a transformé l’UNESCO en arène politique et a subi un cuisant revers

Photo du dossier du Maroc inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco portant sur "le caftan marocain: art, traditions et savoir-faire".

Photo du dossier du Maroc inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco portant sur le caftan marocain: art, traditions et savoir-faire.

Le 10 décembre à New Delhi, dans le cadre de la tenue de la 20ème session du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, la dernière tentative de l’Algérie de contrer l’inscription du caftan marocain sur la liste représentative a été sanctionnée par un désaveu de l’ensemble des membres du Comité. Bien plus qu’une humiliation, Alger a aujourd’hui la preuve de son isolation totale sur la scène internationale et de l’échec d’une politique basée sur le mensonge, l’hystérie et la propagande en guise de diplomatie.

Le 10/12/2025 à 18h07

Près d’une heure et trente minutes, c’est le temps incroyablement long qui a été consacré à l’examen de la candidature marocaine portant sur l’inscription du dossier «Le caftan marocain: traditions, art et savoir-faire», lors de la 20ème session du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, le 10 décembre 2025 à New Delhi. Alors que l’examen des 34 dossiers précédents n’a mobilisé qu’une dizaine de minutes à peine par candidature, celles-ci n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, le dossier du Maroc a provoqué, sans aucune surprise, une ultime manœuvre de la délégation algérienne afin d’empêcher son inscription, politisant une candidature qui n’a pas à l’être. Une démarche que le Maroc n’a eu de cesse de dénoncer, mettant à plusieurs reprises en lumière cette instrumentalisation de la culture par un régime déterminé à faire feu de tout bois dans la guerre qu’il mène tous azimuts contre le Maroc, quitte à transformer l’UNESCO en arène politique.

Quand la propagande se trompe de tribune

Ce mercredi 10 décembre, le Comité intergouvernemental et ses membres ont assisté, médusés, à cette manœuvre, laquelle s’est soldée in fine, après 1h30 de débats, par l’inscription du dossier du Maroc sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel.

Aux alentours de 11 heures ce matin, la candidature a été présentée par l’organe d’évaluation de l’UNESCO, reprenant la description du caftan marocain ainsi que les savoir-faire qui le composent. «L’organe d’évaluation recommande d’inscrire ‘le caftan marocain: arts, traditions et savoir-faire’ sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. L’organe d’évaluation considère que les candidatures sont préparées et complétées de manière à refléter au mieux les aspirations et les voix des communautés, groupes et individus concernés et prend note que les éléments du patrimoine culturel immatériel sont partagés par des communautés dans la région et au-delà», a ainsi annoncé le représentant de l’organe d’évaluation.

La décision dudit organe était très attendue, étant d’usage que le Comité intergouvernemental fonde sa décision d’inscrire ou pas un élément sur la base de cette recommandation. En effet, passer outre reviendrait en fait à décrédibiliser le travail même des experts au sein de cet organe. Raison pour laquelle Alger a choisi une stratégie autrement périlleuse, en ne revendiquant pas la propriété des savoir-faire, ni des traditions, ni des arts liés au caftan marocain, mais en tentant de dénoncer un vice de forme de la candidature marocaine. Ainsi donc, faute de pouvoir s’approprier le patrimoine marocain face à un comité d’experts très au fait du dossier, Alger a donc entrepris de remettre en question le fonctionnement même du secrétariat de l’UNESCO, l’accusant à demi-mot de ne pas avoir fait correctement son travail. Il fallait oser.

La délégation algérienne s’est toutefois retrouvée confrontée à un imprévu. À son amendement émis le 5 décembre 2025 s’est ajouté un autre amendement, reçu de la part du Paraguay avec l’appui de Haïti et des Émirats arabes unis et diffusé le 9 décembre au soir. Mais loin d’aller dans le même sens, ce second amendement a mis à mal la manœuvre algérienne de s’opposer au dossier marocain.

Quand l’amendement de l’Algérie se heurte au règlement de l’UNESCO

Ce n’est pas à son diplomate catcheur, Abdennour Khelifi, qu’a été confié le soin de défendre l’amendement porté par l’Algérie. Un choix pour le moins judicieux tant celui-ci a profondément ridiculisé son pays la veille en tentant un coup de force qui a fait pschitt. C’est donc un autre membre de la délégation qui a défendu la position algérienne, prenant la parole au nom de son pays, lequel est «très fier d’avoir significativement participé à la rédaction de cette convention qui se donne à voir comme un cadre multilatéral unique», un pays qui «est aussi très fier d’avoir ratifié cette convention comme premier État au monde». L’Algérie qui aurait également été le premier pays à reconnaitre les États-Unis d’Amérique, selon son ambassadeur à Washington, serait ainsi le père fondateur de la convention de 2003 de l’UNESCO. On aura décidément tout entendu.

Dans son allocution, l’expert algérien s’est attelé à présenter l’amendement émis contre le dossier marocain. Entre autres griefs, qui remettent en question non seulement les compétences du secrétariat de l’UNESCO, mais aussi son intégrité, tout comme celle de l’organe d’évaluation, la délégation algérienne reproche pêle-mêle, au nom du «principe constant de rigueur» dont elle est soucieuse, les «nombreuses irrégularités» du dossier marocain. Sa mise en ligne à plusieurs reprises, des délais non respectés, des modifications de dernière minute, jusqu’au non-respect des procédures de la convention… Tout y passe. À croire que le Maroc est libre de piétiner le règlement de l’UNESCO et que l’organisme lui passerait tous ses caprices.

Et le régime d’Alger de jouer la carte de la victimisation qui lui est si chère en déplorant que ses préoccupations, transmises en amont, n’ont pas été communiquées aux autres membres du comité. À cette longue litanie dans laquelle transparaissent les éléments de langage habituels du régime d’Alger, et la complotite aiguë dont il souffre, le secrétariat a pris le temps de répondre pendant plus d’une vingtaine de minutes, sachant que cette même discussion avait déjà monopolisé la veille une bonne partie des discussions sans que l’Algérie consente pour autant à retirer son amendement. Point par point, les «arguments» de la délégation algérienne ont donc été démontés, preuves, dates et procédures à l’appui, afin de faire toute la lumière sur un dossier transparent mais sur lequel Alger s’obstine à vouloir jeter le discrédit. «Circulez, y a rien à voir!», voilà ce qu’il faut retenir des explications du secrétariat qui aura fait montre de sa rigueur, son intégrité et de son extrême compétence dans le traitement des candidatures reçues.

Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, l’Algérie, après s’être heurtée au mur du règlement de l’UNESCO qu’elle tentait d’ébrécher à coups de mensonges, s’est cette fois-ci vu infliger un revers diplomatique sans précédent dans l’histoire de l’UNESCO.

L’Algérie, premier pays membre du comité intergouvernemental de l’UNESCO désavoué par ses pairs

En effet, l’amendement d’Alger s’est confronté à celui émis la veille au soir par le Paraguay, et soutenu par Haïti et les Émirats arabes unis. Ainsi, les trois pays ont entamé le bal des confrontations avec la délégation algérienne en rappelant, par la voix de la représentante paraguayenne, l’esprit de la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. «L’élément présenté par le Maroc se distingue par sa solidité et sa cohérence, et mérite d’être inscrit. D’après l’organe d’évaluation, la candidature montre de façon convaincante que le caftan marocain constitue un patrimoine vivant du peuple marocain, transmis, cultivé et préservé par les communautés qui en sont détentrices et qui garantissent la vitalité de ce patrimoine. Le Paraguay souligne qu’il est important que l’inscription valorise la spécificité du patrimoine marocain, permettant sa visibilité internationale, sa continuité et il ne faut pas oublier que nous inscrivons ainsi à la liste représentative», a-t-elle ainsi lancé.

Lui emboîtant le pas, l’ensemble des pays membres du comité ont apporté leur soutien non seulement à l’amendement du Paraguay mais aussi à l’inscription du caftan marocain sur la liste représentative. C’est le cas de l’Espagne qui a rappelé que «les décisions de l’organe d’évaluation doivent être acceptées» et que considérant sa décision, au vu de toutes les informations dont il disposait et qui ont été présentées par le secrétariat, «l’Espagne considère que cet élément devrait être inscrit».

La délégation algérienne a alors assisté, impuissante, à un véritable déferlement de réactions allant à l’encontre de son amendement. Après l’Espagne, la Zambie a pris la parole afin de soutenir l’amendement du Paraguay et l’inscription du caftan marocain. Puis est venu le tour de la délégation d’Haïti dont la représentante n’a pas mâché ses mots. Rappelant que le dossier du Maroc remplit les cinq critères requis pour son inscription, celle-ci a tenu à souligner que «les débats de ce comité doivent rester strictement culturels et exempts de toute tentative de dilution et de réinterprétation politique des éléments proposés». Et d’appeler à «reconnaitre pleinement le caractère singulier du caftan marocain. Non pas du caftan. Mais du caftan marocain tel qu’il est présenté par l’État qui en est le dépositaire historique». Sont ensuite intervenus dans la foulée la République Dominicaine, les Émirats arabes unis, le Burkina Faso, dont le représentant a appelé à un consensus qui «évitera de discréditer les institutions que nous avons-nous-mêmes établies».

«Sept membres ont exprimé leur soutien en faveur de l’amendement du Paraguay et de l’inscription de cet élément», a rappelé le président du Comité, Vishal V. Sharma, également ambassadeur et délégué permanent de l’Inde auprès de l’UNESCO. «À ce stade, je me tourne vers l’Algérie, est ce que vous voulez bien retirer votre amendement après avoir entendu les sept États membres qui se sont exprimés?», a-t-il demandé à la délégation algérienne. Mais c’est mal connaître ce pays aux mains d’un régime irrationnel, qui malgré ce cinglant revers, a demandé à ce que des discussions soient organisées et à entendre d’autres délégations sur les deux amendements.

L’obstination de la délégation algérienne

«J’entends votre demande pour avoir une discussion, cela étant dit, je ne peux contraindre aucun État membre à prendre la parole», a rappelé le président. Le Bangladesh n’a toutefois pas résisté à enfoncer le clou en récapitulant les faits et en observant le consensus du comité. «Ce comité doit évaluer un dossier en toute objectivité et non pas adopter une analyse subjective. Là, nous parlons du caftan marocain. Notre décision doit s’appuyer sur la convention et nous devons faire preuve de la plus grande prudence et rigueur lorsque nous prenons une décision afin de ne pas mettre à mal la convention», a déclaré le représentant bangladais appelant à respecter la décision de l’organe d’évaluation et à se tenir à l’esprit de la convention.

Le Nigéria a ensuite pris la parole afin d’exprimer son attachement à l’esprit de la convention et a renouvelé son respect de l’organe d’évaluation. «Nous devons veiller à ce que les décisions qui se prennent ici se fondent sur l’objectivité et tiennent compte d’une certaine majorité. Nous pensons que ce dossier doit obtenir un avis positif du comité. Nous pensons que si nous laissons passer un précédent qui laisserait entendre que nous n’avons pas suffisamment confiance en nous-mêmes ou en l’organe d’évaluation, ce ne serait pas une bonne chose».

La France s’est ensuite exprimée à son tour en faveur de l’inscription du caftan marocain, appelant l’Algérie à retirer son amendement et à accepter la proposition du Maroc pour changer le terme portant sur des éléments «partagés» par le terme «disséminés» dans l’article 4 de la proposition du secrétariat.

En réponse, l’Algérie, bien que complètement isolée au sein d’un comité dont elle est pourtant membre a encore une fois refusé de répondre à la question, de retirer son amendement et appelé à d’autres discussions informelles avec les pays membres afin de trouver un consensus, en dénonçant dans le même temps, «un seuil de tolérance qui crée des discriminations entre les États».

«Le dossier de ce caftan soulève des irrégularités qui nous imposent de réfléchir. Où va ce comité si on continue à être aussi tolérants?» a lancé toute honte bue l’oratrice algérienne. «Est-il possible de discuter avec les délégations qui ont présenté des amendements pour essayer de trouver une issue qui prendrait aussi en considération nos préoccupations?», a-t-elle insisté, entrainant l’exaspération du président qui a refusé d’accepter, expliquant avoir «accordé suffisamment de temps aux consultations» et appelé à aller de l’avant pour examiner les autres candidatures.

«J’estime que la proposition de l’Algérie est la plus éloignée sur le fond de la proposition originale qui recommande d’inscrire l’élément», a-t-il déclaré, appelant les pays membres à s’exprimer sur l’acceptation ou pas de l’amendement algérien, avant d’être interrompu à nouveau par une prise de parole de l’Algérie qui a déclaré cette fois-ci ne pas comprendre la démarche et ce qui est demandé. «Nous souhaitons avoir une discussion avec la France», a demandé l’oratrice pensant pouvoir obtenir un autre type de consensus en sa faveur avec l’hexagone, devenu soudainement un possible allié. Quelle ironie pour un pays qui s’obstine à refuser les mains tendues et à choisir l’escalade dans ses relations avec les autres, que de se rendre compte soudainement à quoi sert la diplomatie! «Et moi je voulais aller voir le Taj Mahal personnellement, ce monument magnifique, mais je dois avancer avec ce projet de décision», a alors rétorqué le président avec ironie, visiblement à bout de patience. Une exaspération partagée par les Émirats arabes unis qui ont alors demandé à donner la parole au Maroc.

Le camouflet final administré par le Maroc à l’Algérie

Invité à s’exprimer sur les soi-disant irrégularités du dossier marocain, Samir Addahre, ambassadeur, représentant permanent du Royaume du Maroc auprès de l’UNESCO, a alors mis les pendules à l’heure. «Je voudrais appuyer les clarifications données par le secrétariat, lesquelles sont parfaitement claires, sauf pour ceux qui ne veulent pas entendre», a-t-il débuté, rappelant par ailleurs dans un deuxième temps que le professeur Skounti à ses côtés, «a été l’un des rédacteurs de cette convention de 2003. Donc, nous sommes aussi pères fondateurs de cette convention». Une précision à l’adresse de la délégation algérienne qui prétend quasiment en avoir la paternité. Enfin, a-t-il ajouté, «j’estime que c’est un jour triste aujourd’hui, où les valeurs qui nous réunissent sont piétinées malheureusement à travers cette démarche de l’État partie qui conteste l’inscription du Maroc». Ce qui est présenté à travers ce dossier, a rappelé l’ambassadeur marocain, l’est «au nom des communautés, et au nom des peuples et non au nom des gouvernements. Nous nous sommes toujours tous battus pour bannir la politisation qui est un fléau pour cette convention, pour cette organisation et je demande humblement aux honorables membres du comité d’avoir en tête le contexte qui prévaut malheureusement aujourd’hui et qui est la principale motivation de la démarche de l’État qui conteste l’inscription d’un dossier évalué positivement et recommandé pour inscription».

La France appelant à nouveau l’Algérie à supprimer son amendement, la délégation algérienne a cette fois-ci rendu son verdict, contrainte et forcée face à un comité unanime. «Malheureusement, le responsable de cette situation est celui qui a été à l’origine des irrégularités. Encore une fois nous sommes là pour les soulever et pour prévenir le fait qu’elles n’arrivent plus à l’avenir (…)», a répondu l’oratrice algérienne en une ultime et vaine pique à l’encontre du Maroc, avant de soulever une énième question, poussant le ridicule jusqu’à demander à nouveau des explications sur la proposition de texte.

À bout de souffle, le président a enfin pu obtenir la réponse à sa question: «Monsieur le président, je suis ravie de vous annoncer que nous nous joignons au consensus si tel est le souhait du comité».

«L’ambassadeur du Maroc a dit que c’était une triste journée, mais cher frère, soyez en assuré, avant la fin de la journée, vous serez un homme heureux, je l’espère inchallah», a alors lancé le président à l’adresse de Samir Addahre avant d’inviter le comité à délibérer et à accepter le projet de décision dans son intégralité. Chose faite. Clap de fin d’un mauvais film qui n’aura que trop duré.

Le rappel à l’ordre du Maroc face à une dérive qui ne saurait se reproduire

L’ambassadeur du Maroc a enfin présenté ses remerciements à l’assemblée, partageant la joie du Maroc suite à l’inscription du caftan sur la liste représentative. «Ce vêtement traditionnel qui est un marqueur essentiel de l’identité culturelle marocaine incarne l’histoire d’un patrimoine vestimentaire ancestral de la nation marocaine, son ingéniosité, l’inspiration créative d’un savoir-faire», a-t-il débuté en préambule de son discours, estimant que cette inscription rend justice aux communautés marocaines autochtones, représentant les différentes régions du Maroc, qui ont porté ces savoir-faire, chevillés au corps et au cœur, pendant 13 siècles.

«Chaque fil de soie, chaque perle, chaque touche de broderie reflète une part de nous-mêmes, de notre mémoire et nos traditions», a rappelé Samir Addahre, insistant sur le fait que «notre convention ne peut en aucun cas être instrumentalisée à des fins d’usurpation culturelle ou d’instrumentalisation politique» eu égard à ce qu’il qualifie de «première dans l’histoire du comité», à savoir «l’objection nourrie d’hostilité de la part de l’Algérie à destination d’un élément évalué positivement par l’organe dévaluation». Et d’inviter le comité «à réfléchir sur les conséquences de tels agissements sur l’image et la crédibilité de notre organisation», étant donné que «la noblesse des valeurs portées par notre convention vise essentiellement le rapprochement entre les peuples à travers leur patrimoine vivant et ne doit en aucun cas devenir un instrument qui navigue des tensions ou des conflits affectant la souveraineté culturelle de nos sociétés ou porter atteinte à leurs attributs historiques et civilisationnels».

Et de conclure sur des mots forts qui témoignent de l’attachement du Maroc à son patrimoine: «En portant, en célébrant, en faisant connaître le caftan marocain, nous ne transmettons pas seulement une esthétique, nous transmettons une histoire, une culture, une fierté. Nous partageons avec le monde ce que le Maroc a de plus précieux, son âme. Que vive le caftan marocain, que vive le savoir-faire marocain, et que perdure de génération en génération cette élégance qui fait rayonner notre pays!».

Par Zineb Ibnouzahir
Le 10/12/2025 à 18h07