La SG du Parti des travailleurs ne s’encombre pas de formules pour dire ce qu’elle pense, surtout quand il s’agit d’établir le diagnostic de la situation dans son pays. Mais il faut dire que la dame courage de l’Algérie, Louisa Hanoune, en a dressé cette fois le meilleur, passant en revue, l’un après l’autre, les symptômes d’une chute irréversible du régime du président Bouteflika, chute qu’elle compare à celle qu’a connue le président égyptien déchu Hosni Moubarak, le 11 février 2011, ou, bien avant lui, celle du président tunisien Ben Ali, le 14 janvier de la même année.
Pas besoin de revenir sur ce fatidique vendredi 11 février 2011 quand le vice-président et non moins ex-patron des renseignements égyptiens, feu Omar Souleiman, a annoncé, via la première chaîne de télévision publique, le départ du président Moubarak, forcé par la rue de quitter le pouvoir après quatre décennies de règne, cédant ainsi la place au maréchal Tantaoui pour diriger une période de transition qui n’aura finalement que trop duré.
Le chef d’état-major algérien, Gaïd Salah, ne serait-il pas en train de préparer pareil scénario, s’offrant une présence ubuesque sur la petite lucarne publique, tantôt pour définir des «lignes rouges» pour les Algériens, tantôt pour lancer des mises en garde contre ceux qu’il appelle «les ennemis extérieurs de l’Algérie» et, last but not least, cette loi du silence imposée aux généraux limogés pour avoir été proches de l’ex-patron du renseignement militaire algérien, DRS, Mohamed Lamine Mediene, alias «Tewfik».
C’est à Gaïd Salah que les généraux «mis la retraite», et dont Khaled Nezzar est le porte-parole, reprochent d’être à l’origine de la déchéance du tout puissant général Lamine Mediene, fin décembre 2015.
Mais passons, car l’Algérie, qu’à Dieu ne plaise, est au bord d’une nouvelle guerre civile ! A la crise financière historique que vit ce pays, en raison du plongeon des cours des hydrocarbures (98% des exportations et 60% du budget de l’Etat), avec ce que cela comporte de répercussions sur la paix sociale (que l’Etat n’a plus les moyens de s’acheter), il y a cette chasse aux sorcières orchestrée par un régime despotique et dont les opposants paient les frais aujourd’hui de la manière la plus brutale. Côté médias, il y a eu l’incarcération, vendredi dernier, du directeur de la chaîne de télévision privée KBC et du producteur de l’émission satirique, «Nass Stah», sous prétexte de non conformité du contenu de cette émission à une autorisation de tournage délivrée par le ministère de la Culture. Jeudi dernier encore, le nouveau siège du quotidien à grand tirage «El Watan» a été encerclé par la police, sous l’alibi de «non conformité au permis de construire initial délivré en octobre 2010» !
Tous les moyens sont ainsi bons pour étouffer la liberté d’expression ou d’opinion, des journalistes aux généraux, en passant par le Parlement.
Ah, on allait en effet oublier ce «temple de la démocratie algérienne» ! On ne vous parle pas du «sevrage de parole» imposé au député Tahar Missoum, surnommé «monsieur spécifique» pour ses piques humoristiques anti-système, sanctionné pour avoir osé critiquer «son excellence Abdessalam Bouchouareb» (ministre de l’Industrie d’un pays qui n’a pas d’industrie !). Le clan présidentiel joue aujourd’hui la montre pour verrouiller un nouveau dispositif législatif taillé sur mesure et s’assurer ainsi une survie post-Bouteflika, aux dépens de la volonté populaire et au détriment de l’opposition ou ce qu’il en reste. Pour ce faire, le clan El Mouradia veut dominer à 90% la représentation nationale algérienne en perspective de la présidentielle de 2019, si tant est que ce pays puisse attendre jusqu’à cette année, la santé de Bouteflika se dégradant lamentablement. En effet, la SG du Partides travailleurs, à la lumière de cette situation, prédit à son pays un scénario similaire à celui de la fin du régime de l’ancien président Hosni Moubarak, ou encore celui du président tunisien Ben Ali.
Le «printemps algérien» est-il, enfin, arrivé ?