Benkirane met ses "faucons" au pied du MUR

Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement.

Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement. . DR

Revue de presseKiosque360. C’est un conseiller du chef du gouvernement qui a remporté le poste enviable de président du Mouvement unicité et réforme, bras idéologique du parti au pouvoir, le PJD.

Le 11/08/2014 à 06h50

"Le cordon ombilical conservé entre le MUR et le PJD", "Benkirane tacle Ahmed Raïssouni pour ses déclarations controversées au sujet de la Commanderie des croyants", "Un conseiller au cabinet de Benkirane décroche la présidence du bras idéologique du PJD", "Le Mur appelle à la création d’un bloc démocratique pour réussir la réforme au Maroc"… La quasi-totalité des quotidiens nationaux paraissant, ce lundi 11 août, sont unanimes pour relever que l’élection du nouveau président du Mouvement unicité et réforme (MUR) a été "politiquement correcte". Explication: Qu’un proche conseiller du chef du gouvernement, un informaticien de son état, en l’occurrence Abderrahim Chikhi, l’emporte face à un Ahmed Raïssouni tout feu tout flamme est tout sauf un hasard des circonstances. "L’élection de Chikhi à la tête du MUR était d’autant moins évidente que les intentions de vote étaient plutôt du côté de son rival Raïssouni", certifie le quotidien Annass, en enfonçant le clou : "N’eût été l’intervention de poids lourds du Mouvement, dont le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, qui se sont succédés à la tribune du congrès pour faire pencher la balance du côté de Chikhi, nul doute que Raïssouni aurait remporté la timbale, en remplacement du président sortant Mohamed El Hamdaoui". A toutes fins utiles, il y a lieu de préciser que cette intervention prétendue ne remet pas en question cette sacro-sainte "légitimité démocratique", dont nos islamistes "light" aiment à se prévaloir. La "démocratie interne" étant un véritable Talon d’Achille de nos partis politiques, ainsi que leurs bras syndicaux et associatifs. Le PJD et son arrière-base idéologique, le MUR, est sinon le seul du moins l’un des rares à privilégier l’option démocratique dans le mode d’élection de ses dirigeants.

Normalisation du MUR

La victoire est en effet du côté de ceux qui détiennent cette arme de persuasion massive : le débat d’idées. Au PJD, "on ne polémique pas, on communique", pour reprendre une expression chère aux sociologues. Après un premier tour nettement favorable à Raïssouni, 340 voix contre seulement 166 au profit de Chikhi, la tendance s’inversera, à une vitesse impressionnante, au profit de Chikhi, lors du second tour, en sorte que le pourtant flamboyant Raïssouni a battu en retraite alléguant, comme le rapportent les quotidiens nationaux, un coup des "ennuis de santé", un autre coup "Sa" volonté de se consacrer, en dehors de toute tutelle, à la prédication. Mais voilà : il semble qu’il y a un autre motif à ce retrait sur la pointe des pieds du néanmoins fracassant Raïssouni. Benkirane n’est pas sans savoir que Raïssouni postule pour la présidence de la Confrérie des Frères musulmans, en remplacement du très controversé Cheïkh Qardaoui. Une "ambition" qui, toute évidence, arrange les calculs de Benkirane, qui s’est empressé de faire, aussitôt après son voyage aux Etats-Unis, une déclaration médiatique où il a nié catégoriquement toute relation de son parti avec le mouvement des "Frères".

En mettant son confrère Raissouni dos au MUR, Benkirane aura fait, en véritable maître des hautes manœuvres, d’une pierre deux coups: éloigner du PJD tout soupçon de collusion avec un mouvement aujourd’hui "diabolisé" et débroussailler le terrain pour une normalisation d’un MUR décrié pour des prises de positions aussi dérangeantes en amont comme en aval. "Benkirane remporte un triomphe sur les Frères musulmans", commente Al Khabar. "La politique a finalement pris le dessus sur la prédication", estime le quotidien. Quand on se rappelle les prêches incendiaires du fauconnier Raïssouni, ses propos haineux contre toutes expressions artistiques ou presque -œuvre du diable, vecteurs de débauche, et lieu du vice, en autres délires-, on a presque envie de crier: Vivement Chikhi!

Par Ziad Alami
Le 11/08/2014 à 06h50