La 13ème édition de la conférence internationale annuelle Atlantic Dialogues, organisée par le Policy Center for the New South (PCNS) au campus de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) de Rabat, s’est clôturée le samedi 14 décembre. Durant trois jours, plus de 400 participants, venus de quelque 80 pays, ont assisté à onze séances plénières animées par d’anciens chefs d’État et de gouvernement, des ministres, des diplomates, des hauts fonctionnaires, des chercheurs et des représentants de think tanks.
Plusieurs thématiques ont été abordées par les panélistes, notamment l’impact de l’Initiative royale pour l’Atlantique, la diplomatie culturelle, le projet de Gazoduc Africain Atlantique, le Sud global et le multilatéralisme, le coût de la transition énergétique, les infrastructures intelligentes, ou encore la sécurité régionale.
Initiative royale pour l’Atlantique
Youssef Amrani, ambassadeur du Maroc aux États-Unis:
«Cette initiative incarne une vision ambitieuse et inédite, et propose non seulement un modèle innovant de coopération régionale, mais également une approche géopolitique audacieuse, fondée sur des dynamiques fortes et structurelles de connectivité, d’interdépendance et, surtout, de développement durable. Conçue par l’Afrique et pour l’Afrique, cette initiative repose sur des partenariats transfrontaliers apportant des solutions concrètes, tout en transformant les défis en opportunités. Elle intègre développement économique et sécuritaire pour promouvoir une stabilité durable et inclusive.»
Gazoduc Africain Atlantique
Amina Benkhadra, directrice générale de l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM):
«Le projet Gazoduc Africain Atlantique donne une dynamique nouvelle à la coopération Sud-Sud, parce qu’il permet d’avoir un projet d’intégration régionale, catalyseur de la croissance du continent, puisqu’il concerne seize pays, dont trois pays enclavés. C’est un projet structurant, intégrateur et porteur d’une dynamique économique pour l’Afrique.»
Sud Global et multilatéralisme
Omar Hilale, ambassadeur représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU:
«Le terme Sud global est pluriel. Il englobe les économies émergentes, les îles et les Nations qui luttent pour leur survie. Avec 85% de la population mondiale et 50% du PIB, cette communauté représente une force politique à condition de renforcer son unité.»
Jacques Attali, écrivain et futurologue, président d’Attali Associés:
«Le totalitarisme est un désastre pour l’humanité. Même si aujourd’hui, les gens pensent que l’autocratie est meilleure pour l’environnement et pour prendre des décisions impopulaires, je ne crois pas que ce soit vrai. La démocratie est le pire, mais aussi le meilleur des systèmes.»
Lire aussi : Omar Hilale: l’Initiative royale pour l’Atlantique, un jalon essentiel pour le renforcement du Sud global
Erika Mouynes, ancienne ministre des Affaires étrangères du Panama:
«Plutôt que de se concentrer sur les étiquettes ou les débats sur la terminologie, l’accent devrait être mis sur la création de systèmes équitables et la promotion de connexions entre les jeunes générations à travers les régions, en particulier par le biais de la coopération Sud-Sud.»
Démocratie dans l’espace atlantique
Mohamed Béavogui, ancien Premier ministre guinéen:
«Les influences jouent un rôle important dans la formation de l’opinion publique, d’autant plus que les influenceurs numériques fournissent une connexion alternative pour ceux qui ont du mal à s’identifier avec les partis politiques. Les systèmes culturels traditionnels renforcent les principes démocratiques en plaçant le peuple au centre et incarnent ainsi l’essence de la démocratie, qui donne la priorité aux intérêts du public.»
Paulo Portas, ancien ministre des Affaires étrangères du Portugal:
«La démocratie numérique et les algorithmes ont transformé la nature de la politique. Ce changement représente un défi pour l’Occident, qui est en déclin, par rapport à l’Est, qui est en plein essor. Ce qui a radicalement transformé la politique, c’est la démocratie digitale, qui semble avoir remplacé la démocratie représentative.»
Mohammed Loulichki, chercheur principal au Policy Center for the New South (PCNS), lors de la conférence inaugurale de la 13ème édition des Atlantic Dialogues, le jeudi 13 décembre 2024 à Rabat.. Policy Center for the New South
Infrastructures intelligentes
Jorge Arbache, secrétaire international du ministère brésilien de la Planification:
«La technologie est essentielle pour le développement de l’Afrique. L’énergie verte, les minéraux critiques, la production alimentaire et la tarification de l’énergie sont des domaines dans lesquels les technologies intelligentes sont essentielles.»
Arkebe Oqubay Metiku, professeur de la British Academy Global à la SOAS University of London:
«La technologie intelligente signifie combiner l’intelligence artificielle, le calcul quantique et le big data avec des technologies vertes, pour un progrès transformateur. Les technologies vertes, comme le stockage sur batterie et l’énergie solaire, remodèlent les systèmes énergétiques et réduisent les émissions. Les progrès technologiques de l’Afrique augmentent, mais le rythme mondial crée une fracture digitale. Il est essentiel de combler le gap pour favoriser un développement durable.»
Nicolas Massot, économiste, membre du Congrès national en Argentine:
«L’expertise de l’Amérique du Sud en matière de modèles agricoles familiaux et évolutifs est riche d’enseignements pour l’Afrique. Les transferts de technologie, comme l’agriculture sans labour, peuvent réduire les coûts, préserver les ressources et s’aligner sur les objectifs climatiques. L’agriculture est un secteur clé pour la collaboration entre les régions situées au sud de l’Atlantique. L’Afrique détient 60% des terres fertiles inutilisées dans le monde, mais importe 80 milliards de dollars de nourriture par an.»
Coût de la transition énergétique
Laura Albornoz Pollmann, directrice de la Compagnie pétrolière nationale du Chili:
«Le monde dépense 30 fois plus en budgets militaires qu’en solutions climatiques, ce qui aggrave les vulnérabilités. Le manque de volonté politique parmi les gouvernements des régions en développement entrave l’alignement efficace des politiques nationales sur les changements climatiques et sur les objectifs internationaux.»
R. Andreas Kraemer, fondateur de Ecologic Institute en Allemagne:
«Les gouvernements dépensent environ 7.000 milliards de dollars par an pour subventionner les combustibles fossiles, au lieu de demander des comptes aux entreprises. Ce qui pèse sur les générations futures. La transition vers les énergies renouvelables est plus rentable, coûtant environ un quart des subventions aux combustibles fossiles. Des systèmes de production d’éolien, de solaire, et de stockage d’énergie sont désormais moins chers à construire et à exploiter que de nombreuses centrales à combustibles fossiles et nucléaires.»
Dominique Strauss-Kahn, associé gérant, Parnasse International:
«Les pays en développement, qui contribuent peu aux changements climatiques, souffrent de manière disproportionnée de ses effets, ce qui suscite des inquiétudes quant aux répercussions intergénérationnelles et à l’équité du partage des charges.»
Financement climatique
Nizar Baraka, ministre de l’Equipement et de l’Eau:
«La majorité des fonds est allouée à l’atténuation plutôt qu’à l’adaptation. Les engagements annoncés lors de la COP 29 restent bien en deçà des objectifs fixés. Au Maroc, les politiques publiques se caractérisent par leur orientation durable, guidées par une vision royale claire et ancrées dans le cadre constitutionnel. Les lois organiques jouent un rôle important pour assurer la continuité à long terme des grandes stratégies nationales, indépendamment des changements de gouvernement.»
Lire aussi : Amina Benkhadra: comment le Gazoduc Africain Atlantique va stimuler la croissance et l’intégration régionale
Matata Ponyo Mapon, président du conseil d’administration du cabinet de conseil Congo Challenge:
«Les idées audacieuses émanent des pays du Sud. Un leadership de qualité est essentiel, et cela nécessite des valeurs axées sur le bien public. Dans ce contexte, le financement suit naturellement. Le leadership est un élément clé, mais il doit s’accompagner d’une gouvernance efficace. Il appartient aux pays du Sud de mener les discussions sur le changement climatique et le financement du développement, car ces questions ne peuvent être initiées par le Nord.»
Joaquim Levy, directeur de la stratégie économique et des relations avec le marché à Banco Safra (Brésil):
«La COP 29 n’a pas fixé de priorités claires sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Aucun plan n’a été défini pour l’élimination progressive du charbon qui est la principale source de ces émissions.»
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