On se rappelle comment, en novembre 2017, une opération de distribution des denrées alimentaires dans la région d’Essaouira a coûté la vie à une quinzaine de personnes et causé plusieurs blessés. Des centaines de personnes s’étaient rassemblées lors de cette opération menée chaque année par un imam de Casablanca, et l’organisation a été submergée par la foule. Ce drame avait alors mis le doigt sur l’impératif de revoir le cadre juridique, dépassé et vétuste, qui régit ce genre d’activité, rappelle l’hebdomadaire La Vie éco dans son numéro du vendredi 15 juillet.
Ce cadre juridique, le projet de loi 18.18 en l’occurrence, est actuellement en phase finale d’adoption. C’est un texte qui a été élaboré en 2018 et n’a été déposé au Parlement qu’en février 2019. Ce projet de loi 18-18 relatif à l’organisation des appels à la générosité publique et la distribution d’aides à des fins caritatives a été présenté en commission à la deuxième Chambre le 29 juin 2021 pour être adopté une année plus tard, le 10 mai 2022. Il vient tout juste d’être voté en commission, le 6 juillet, à la première Chambre.
Selon l’hebdomadaire, ce texte n’aura certes pas eu le sort du projet de réforme du code pénal, retiré du Parlement après plusieurs années de blocage, mais dont la trajectoire ressemble à celle du projet de loi-cadre relative à la réforme de l’enseignement et du projet de loi organique relatif à l’amazigh. Dans tous les cas, les textes de loi en question ont été confrontés à une farouche opposition du PJD. Dans notre cas, sur une centaine d’amendements proposés par les membres de la deuxième Chambre, 25% ont été déposés par les deux élus de l’UNTM, le bras syndical du parti islamiste.
Rappelons que la deuxième Chambre compte huit groupes et trois groupements parlementaires. Sur l’ensemble des membres de la commission qui ont voté le texte à la première Chambre, seul le député du PJD s’est abstenu de voter. Ce qui est un rejet à peine déguisé de ce projet de loi. Pourquoi rejeter un projet attendu depuis des années?
Privées des aides publiques accordées aux partis, de la manne gouvernementale et des largesses des conseils communaux que le parti dirigeait, les associations qui gravitent autour du parti islamiste se voient privées de ressources. Le parti ne peut donc plus accéder au cœur des électeurs à travers les actions caritatives, note l’hebdomadaire. Aujourd’hui, poursuit La Vie éco, alors que les électeurs les ont éjectés de toutes les institutions élues, et donc privés des actions caritatives indirectement financées par les moyens de l’État et les collectivités territoriales, ils se voient aussi privés de la charité électorale autofinancée.
En réaction, au moment où les formations de la majorité suggèrent que les associations qui appellent à la générosité publique soient légalement constituées et à jour en termes d’organisation, les parlementaires du PJD invoquent la liberté d’association. Ils exigent que la procédure d’appel à la générosité publique soit ouverte à tout le monde. Ils proposent même que les associations puissent puiser dans les fonds collectés pour financer leur propre gestion.
Ils veulent aussi soustraire le contrôle de l’opération de collecte des fonds au pouvoir de l’autorité locale, soit la partie la mieux dotée en moyens techniques et humains pour contrôler et éviter le détournement de ces opérations à des fins électorales. C’est d’ailleurs pour cela que les autres formations ont proposé d’arrêter toutes les opérations caritatives à l’approche des élections. C’est là, souligne l’hebdomadaire, une clause doublement fatale. Le PJD et ses partisans ne peuvent plus y recourir mais ne peuvent plus accuser les autres de le faire.