Quitte à se faire encore plus d’adversaires, surtout parmi ses «frères», Amina Maelainine ose s’attaquer à une question très sensible. Pour la députée islamiste, qui n’hésite jamais à truffer son discours de références religieuses, le hijab «n’est pas un piller de l’islam». Dans un entretien fleuve publié par l’hebdomadaire arabophone Al Ayyam dans son édition du 7 au 13 mars, la dirigeante islamiste affirme que l’aspect vestimentaire évolue en fonction du contexte social. «Sans être provocateur, ni dans un sens ni dans l’autre, il doit respecter un minimum de pudeur», pense-t-elle.
Pour cette fille de «alem», qui a été élevée dans la zaouïa d'un petit village au Sud du Maroc, mais qui a fait des études universitaires en philosophie, l’aspect vestimentaire est le fruit d’un «contrat social», lui même né d’un processus où sont emmêlées des considérations culturelles, religieuses et historiques. «Le nu en Afrique tropicale n’a pas la même signification et appréhension qu’au Moyen Orient ou en Amérique Latine», observe-t-elle. Ce sont des «questions relatives qu’on ne peut pas approcher par des jugements absolus qui n’obéissent à aucune logique».
Trêve de philosophie. La députée qui a été récemment au cœur d’une polémique pour avoir choisi d’enlever son voile lorsqu’elle se trouvait à l’étranger, assure que son parti et le mouvement qui le transcende, le MUR, ont connu une évolution remarquable sur ce genre de question. Certes, cette évolution n’a pas encore été consacrée dans la littérature et les positions du PJD et de sa matrice idéologique, mais elle est nettement perceptible dans le comportement de ses membres.
«Je connais des membres dirigeants du PJD qui ont des idées très ouvertes sur la question du hijab. Ce sont des positions très libérales même. Mais ils n’osent pas les exprimer à cause des contraintes que leur imposent leur statut au sein du parti et leur position sociale», assure-t-elle. C’est pour dire que les membres du PJD et du MUR reviennent de très loin. Prenant son cas en exemple, elle assure que lorsqu’elle a décidé de porter le voile, alors qu’elle n’était encore qu’une lycéenne, elle considérait, comme beaucoup de ses «sœurs», que «le voile était l’essence même de la religion». Il faut dire, souligne-t-elle, que nous avions tendance à donner une importance disproportionnée au voile et à l’habit en général. C’est le cas d’ailleurs pour tous les autres aspects qui relèvent de la forme.
Ainsi, pour les hommes, porter la barbe, serrer la main d'une femme ou se mélanger sont des questions qui étaient appréhendées de manière très stricte. Et cela au point de les obnubiler, occultant les vraies problématiques sociales. Aujourd’hui, après la création du parti et son accession à la gestion des affaires publiques, ces mêmes hommes, devenus responsables publics, n'accordent plus aucune importance à ces aspects. «On imagine mal un ministre donner encore de l’importance à ce genre de futilité, au détriment des problématiques liées à la gestion de son département», souligne-t-elle.
Cela d’autant, poursuit la députée islamiste, que même les femmes du MUR, qui, hier encore, considéraient le port de vêtement de couleurs, de maquillage et de parfum comme répréhensible veillent aujourd’hui à paraître élégantes, maquillées et parfumées, tout en suivant les tendances de la mode.
Au risque d'en choquer plus d’un, la dirigeante islamiste va plus loin que ces «considérations vestimentaires et superficielles». Tout en se voulant partisane, et défenseuse des libertés individuelles, elle estime que même la croyance doit faire partie des libertés individuelles. «Je considère que la liberté de conscience doit être garantie pour tout le monde», affirme-t-elle.
Bref, dans cet entretien accordé à l’hebdomadaire Al Ayyam, Amina Maelainine affirme ne rien regretter, «mais garder un pincement de cœur», reconnaît-elle. C’est surtout l’acharnement des siens, ces «frères ennemis» comme elle les nomme, qui, affirme-t-elle, lui a fait le plus mal. Elle exprime, en même temps, son désaccord sur l’initiative de son parti de la faire passer devant la commission de la transparence et de l’intégrité, comme elle rejette que son action politique et sa personnalité «soient réduites à son mode d’habillement». Elle n’a pas non plus manqué de lever le voile sur sa relation avec l’ancien militant de l’USFP, Jaouad Benaissi.