L’arrestation récente de l’activiste Ibtissame Lachgar a déclenché une tempête médiatique et politique, opposant deux figures connues du paysage juridique et militant marocain: Mustapha Ramid, ancien ministre PJD de la Justice et des Libertés, et Abderrahim Jamaï, avocat et ancien bâtonnier. Les deux hommes se sont livrés à un échange musclé de lettres ouvertes, où accusations de «provocation», de «radicalisme» et d’atteinte aux libertés se sont croisées, indique le quotidien Assabah dans son édition du week-end du 16 et 17 août.
Tout a commencé par une publication de Mustapha Ramid sur Facebook, réagissant à l’arrestation de Lachgar. Selon Jamaï, le ton employé par l’ancien ministre relevait «de l’avertissement d’un imam à ses fidèles» et traduisait une intolérance au débat. Dans une lettre au titre évocateur, intitulée «Tu n’es ni mufti ni guide, ne sois pas un provocateur», l’avocat accuse Ramid d’avoir «revêtu la toge du prédicateur extrémiste» en appelant à des sanctions sévères contre une femme et ce, en s’appuyant sur une interprétation idéologique et politique des faits.
Jamaï compare cette posture à celle qui, dans l’Histoire, avait conduit certains penseurs comme Averroès, Al-Ghazali ou Ibn Sina à être exilés ou voir leurs ouvrages brûlés. Il interpelle Ramid en lui rappelant son passé de ministre de la Justice. «Hier, vous donniez des instructions en tant que ministre. Aujourd’hui, vous siégez au tribunal de la rue, exerçant votre liberté d’expression pour appeler à restreindre celle d’autrui», écrit-il.
La riposte de Mustapha Ramid ne s’est pas fait attendre, relate Assabah. Dans une lettre, il reproche à Jamaï de défendre ce qu’il considère comme une «grave offense à la divinité», dissimulée derrière l’argument de la liberté d’expression. L’ancien ministre affirme que Lachgar n’a pas simplement exprimé une opinion, mais qu’elle a «insulté de manière explicite la divinité, socle de la foi et des constantes nationales consacrées par la Constitution».
Pour Ramid, les réactions indignées qui ont suivi ne sont que la conséquence logique d’un «propos provocateur». Il reproche à Jamaï de «s’être autoproclamé juge» en décidant, sans consulter les autorités religieuses compétentes, que les propos incriminés relevaient du droit au désaccord. Selon lui, une telle position revient à «ouvrir la voie à la remise en cause de la foi de plus d’un milliard de musulmans dans le monde».







