L’inculpation d’Abdelali Hamieddine pour «complicité de meurtre» ne cesse de faire des remous. Le PJD est, pour ainsi dire, au cœur d’une tourmente. El Othmani, le chef du gouvernement, fait, en effet, face au risque d’une «rébellion politique» au sein de son propre parti. D’après le quotidien Assabah, qui rapporte l’information dans son édition du jeudi 13 décembre, les «faucons du PJD» menacent, ainsi, de mener une fronde au Parlement au cas où le procès de leur frère, le conseiller parlementaire Hamieddine, serait mené à terme. Il est certain, ajoute le journal, qu’il y aura un avant et un après cette réunion extraordinaire du secrétariat général, lundi, si ce membre venait à être condamné par le juge.
Ce qui est encore plus grave, souligne Assabah, c’est que le cercle des contestataires ne se limite plus au clan des pro-Benkirane, mais compte également des partisans de l’actuel chef du gouvernement. El Othmani, lui-même tentant de limiter la fronde, n’essaie même pas de s’y opposer. Cependant, il a bien veillé à ce que la teneur du communiqué du secrétariat général ne sorte pas du cadre des considérations légales et judiciaires, évacuant toute référence à une prise de position politique ou à la menace d’un éventuel retrait du gouvernement. Il n’empêche que, précise le journal, dans les coulisses du parti, on essaie de faire passer des messages signifiant que ce procès aura certainement des conséquences politiques fâcheuses.
D’après le journal, ce qui préoccupe le plus les frondeurs, c’est que l’ouverture de ce procès risque d’ouvrir la porte à des poursuites contre d’autres dirigeants et élus du parti. C’est sans doute pour cette raison, ajoute Assabah, que le secrétariat général s’est empressé de mettre en place un comité ad hoc chargé du suivi de ce dossier et d’apporter tout le soutien du parti au mis en cause. Ce comité est présidé par le ministre d’Etat, Mustapha Ramid, dont les déclarations, suite à l’annonce de l’inculpation de Hamieddine, lui ont attiré, ainsi qu’à son parti, de nombreuses critiques, commente pour sa part le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son numéro du même jour.
Selon le journal, d’après ces critiques, il est inconcevable qu’un ancien ministre de la justice doublé d’un juriste expérimenté et très au fait des arcanes de la justice, commette des déclarations à même d’influencer le cours de la justice et d’empêcher les magistrats de faire leur travail. Cela alors que l’on l’attendait de lui, précisément, de s’en remettre à la justice qui, elle seule, décidera de la légitimité de poursuivre Hamieddine.
Citant un avocat du barreau de Rabat, le journal estime que le ministre s’est précipité dans sa réaction. D’après ce juriste, le juge s’est basé, pour décider de poursuivre Hamieddine, sur l’article 369 du code de la procédure pénale. Et, contrairement à ce qu’avance le ministre, la révision du dossier est tout à fait possible, selon ce texte, parce que l’inculpé a été condamné pendant le premier procès. Quant à la déclaration universelle des droits de l’Homme, invoquée à la fois par le ministre et son parti, le magistrat assure que, même dans ce cas, celle-ci renvoie au droit interne de chaque pays, et donc au code de la procédure pénale.
Le fait est que Hamieddine est aujourd’hui poursuivi selon les dispositions des articles 128, 393, 394 et 395 du code pénal, précise, pour sa part, le quotidien Al Akhbar dans son édition de jeudi. Il sera poursuivi devant la chambre criminelle de la Cour d’appel de Fès et son procès s’ouvrira le 25 décembre. Le journal revient sur les faits de ce 25 février 1993, jour où le défunt Benaissa Ait El Jid a été intercepté, alors qu’il se rendait chez lui avec un ami aujourd’hui témoin dans l’affaire, par un groupe d’islamistes d’Al Adl Wal Ihssane et d’Al Islah Wattajdid (devenu le MUR), dont Abdelali Hamieddine.
Les deux clans ont même eu l’audace de se disputer pour savoir à qui reviendra l’honneur de mettre fin aux jours de la victime, se souvient le témoin. La suite est connue et dûment archivée dans les PV de la police. Le mis en cause a été condamné une première fois pour «avoir participé à une rixe qui a débouché sur un homicide». Le journal a relaté une grande partie de ce procès qui s’est déroulé au cours de cette même année.
Aujourd’hui, alors que le procès est sur le point d’être rouvert, outre le ministre Ramid, les parlementaires et le secrétariat général du PJD, c’est également le MUR qui apporte son soutien indéfectible à l’inculpé tout en mettant aussi en doute l’intégrité et l’indépendance de la justice. Les derniers à prendre position, écrit Al Massae également dans son édition de ce jeudi, ce sont les membres du groupe parlementaire du parti à la deuxième Chambre. Ils ont qualifié cette mise en accusation de «précédent dangereux» qui «fait perdre confiance en la justice». Accusations, souligne le journal, que Hakim El Ouardi, substitut du procureur général près la Cour d’appel de Casablanca, qualifie de «très graves» et d’atteinte à la Constitution, notamment à l’article 109 qui proscrit toute intervention dans les affaires soumises à la justice.