Gad Elmaleh a reçu la radio France Culture chez lui, à Paris, pour l’enregistrement d’un podcast intitulé «Gad Elmaleh: le funambule». Dans une série de cinq entretiens, animés par Marie-Laure Delorme, l’humoriste casablancais se livre sans fard, toujours avec une pointe d’humour pour dissimuler sa pudeur, et une émotion palpable, notamment quand il s’agit d’évoquer le Maroc, son enfance et sa famille.
Un nom de famille non assuméDans le deuxième épisode du podcast, consacré au «Clan Elmaleh», Gad Elmaleh revient tout d’abord sur une époque de sa vie, à ses débuts aux cours Florent à Paris, au cours de laquelle il souhaitait changer de nom de famille. Ressentant, en 1992, que ce nom était trop typé, qu’«il ne se fondait pas dans le groupe d’apprentis comédiens avec qui (il) était», que ça poserait plus tard problème avec la presse et surtout parce qu’il avait «un problème avec le H de la fin», Gad Elmaleh réfléchit à modifier son nom en «Elmaley», puis «Malé», et enfin «Mahler»…
Et pourtant, poursuit-il, «j’étais et je suis très fier de mes origines, je suis profondément marocain, attaché à mon pays, à mes valeurs, à ma culture, aux artistes marocains, à notre patrimoine».
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In fine, l’un de ses professeurs l’en dissuadera en lui disant: «il est très beau ton nom. (…) Si tu aimes ton nom, les gens t’aimeront». Il finira d’être convaincu en étudiant par la suite avec un autre professeur la tradition du signe et du geste, et comprend alors que ses origines «vont être un atout dans (son) jeu, dans (sa) manière de performer, d’interpréter les rôles».
L'humour marocain«Les Séfarades sont héritiers d’une double culture, tradition. J’ai toujours pensé que c’étaient des arabes-juifs. Ils ont une liturgie très belle parce que mélangée à des sonorités, mélodies andalouses et arabes, en même temps avec la langue hébraïque, donc c’est assez riche ce qu’on apprend étant petit», explique-t-il s’agissant de l’aspect religieux. Mais du point de vue de l’esprit et de la mentalité de la communauté juive marocaine, Gad Elmaleh met en lumière «l’humour séfarade», «une tradition qui est un mélange de la culture arabe et juive, c’est-à-dire avec l’auto-dérision, la moquerie, la charriade…», énonce-t-il.
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«Se piquer, se tacler, est un exercice auquel on est rompu depuis qu’on est enfants», poursuit-il rappelant que cela fait partie du quotidien au Maroc, car «ça n’appartient pas qu’aux juifs, les Marocains dans leur ensemble ont un sens de l’humour très aiguisé qui est un langage, vraiment. C’est dans la culture marocaine, dans le rapport aux autres… Peut-être parce qu’il y a de la pudeur, des non-dits, des tabous, l’humour est un super bouclier, un vecteur, une connexion pour pouvoir faire passer des choses», explique Gad Elmaleh, évoquant cette langue imagée propre, au Maroc, dans laquelle l’humour ne laisse pas de place à la susceptibilité.
L'enfance de l'artGad Elmaleh évoque ensuite son père, fils d’un juif berbère, qui «parlait le berbère et l’hébreu», qui était un homme très modeste, «qui a fait le voyage quasiment à pied, des montagnes d’un petit village berbère du sud marocain», jusqu’à Casablanca pour y faire de l’argent. Sa mère, poursuit-il, originaire d’Essaouira, qui a grandi dans l’imaginaire du cinéma, elle dont le père a travaillé comme assistant décorateur sur le tournage d’Othello à Essaouira. «Mes parents ne se sont pas réalisés vraiment», confie-t-il, ceux-ci ayant beaucoup changé de métier en espérant des jours meilleurs. Employé d’une pizzeria, vendeur de robinet, mime… «Ils ont bricolé (..) avec toujours cette quête d’un mieux», rapporte Gad Elmaleh qui se décrit comme un enfant mélancolique, présent, mais absent en classe.
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De son enfance, il garde aussi et surtout des souvenirs très vifs de sa nounou, sa deuxième maman, Fatima Jamali. «Il n’y a pas que les liens du sang, surtout dans la tradition séfarade», explique l’artiste pour présenter cette femme à laquelle il est «très attaché». «Les souvenirs maternants, maternels que j’ai d’elle sont troublants parce que j’ai une maman, j’ai grandi avec une maman, mais très souvent au Maroc, il y avait cette femme qui était là, qui aidait. C’est vraiment dans la culture, (…) parfois c’est quelqu’un de la famille, parfois quelqu’un qui travaille, (…) elle fait partie de ma famille, elle m’a bercé, elle m’a accompagné au sens propre du terme puisqu’elle m’accompagnait à l’école et c’est sa main que je tenais dans ma main. Les chansons que je chante aujourd’hui à mon fils pour l’endormir sont des chansons marocaines et ce sont des chansons qu’elle me chantait», se souvient-il ému.