Dans une vidéo qui marque un changement net de ton, le président républicain s'est dit "scandalisé par la violence" déployée par quelques centaines de ses sympathisants, qui ont envahi le siège du Congrès, mercredi 6 janvier 2021.
"Nous venons de vivre une élection intense et les émotions sont fortes", mais "il faut se calmer", a-t-il ajouté, alors que pendant deux mois il n'a cessé de souffler sur les braises de la division en brandissant des théories du complot.
A aucun moment, dans ce message, il n'évoque une quelconque responsabilité dans les violences de la veille.
"Je vais désormais me concentrer sur une transition de pouvoir ordonnée et sans accrocs", a-t-il encore assuré dans ce message très proche d'un discours de concession, même s'il ne reconnaît pas explicitement sa défaite face à Joe Biden.
Le démocrate, dont la victoire a été certifiée par le Congrès malgré ce coup de force sur le Capitole, s'installera à la Maison Blanche dans 13 jours.
Sans attendre, il a endossé le rôle du dirigeant chargé de panser les plaies d'une Amérique meurtrie qui a, selon lui, vécu "l'un des jours les plus sombres" de son histoire.
Donald Trump a, depuis quatre ans, "multiplié les assauts" contre les institutions démocratiques américaines et sa campagne a "culminé" mercredi, a-t-il accusé depuis son fief de Wilmington.
De plus en plus isolé, Donald Trump avait, avant la mise en ligne de cette vidéo, passé la journée en retrait. Temporairement privé de réseaux sociaux, il avait laissé la porte-parole de la Maison Blanche condamner en son nom "des violences effroyables".
A l'inverse, un concert démocrate a bruyamment réclamé son départ immédiat.
"Pas un jour de plus""Ce qui s'est produit au Capitole était une insurrection contre les Etats-Unis, incitée par le président", a tancé le chef des sénateurs démocrates Chuck Schumer. Il "ne peut pas rester au pouvoir un jour de plus".
En écho, Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre des représentants, a estimé que démettre Donald Trump était une "urgence de la plus haute importance".
Ils ont exhorté le vice-président Mike Pence à déclarer, avec une majorité du gouvernement, que Donald Trump était "inapte" à remplir ses fonctions, sur la base du 25e amendement de la Constitution.
Premier républicain à sauter le pas publiquement, un élu de la Chambre, Adam Kinzinger, a appelé jeudi à suivre cette voie, inédite, "pour le bien" de la démocratie américaine.
Le loyal Mike Pence n'y est toutefois pas favorable parce qu'il craint d’aggraver les tensions, selon un de ses proches cité dans le New York Times.
S'il n'agit pas, le Congrès pourrait lancer une procédure de destitution, selon Chuck Schumer et Nancy Pelosi.
Un groupe d'élus démocrates à la Chambre des représentants, contrôlée par leur parti, se préparaient jeudi matin à présenter des articles d'"impeachment".
"Insurrection"Mike Pence a certifié la victoire de Joe Biden (306 grands électeurs contre 232) au milieu de la nuit, devant les deux chambres du Congrès réunies pour une session extraordinaire.
Censée être une simple formalité, cette certification a tourné à "l'insurrection", "presque à la sédition" selon les termes du président élu, quand une foule de partisans du président sortant a envahi le Capitole, interrompant les débats.
Les images prises de l'intérieur du majestueux bâtiment marqueront l'Histoire: élus portant des masques à gaz, agents de la police en civil arme au poing, manifestants installés dans les bureaux des parlementaires.
Ces scènes ont suscité consternation et indignation à travers le monde, et l'image des Etats-Unis, qui se posent volontiers en modèle démocratique, a été durablement abîmée.
Très critiqué pour son manque d'anticipation, le chef de la police du Capitole, Steven Sund, a présenté sa démission.
La justice a elle commencé la traque des responsables. Le procureur fédéral de Washington, Michael Sherwin, a ouvert 55 procédures ont en 36 heures et n'a pas exclu d'étendre ses investigations à Donald Trump.
"Ce n'est que le début", a-t-il assuré, en expliquant que des centaines d'agents épluchaient les réseaux sociaux pour identifier les acteurs de ce coup de force.
"Trop c'est trop"Dans le camp de Donald Trump, au sein du parti républicain, de son gouvernement, et dans son équipe rapprochée, le malaise est palpable. Son jusqu'au-boutisme a aliéné une partie de son propre camp.
Deux membres du gouvernements, les ministres de l'Education, Betsy Devos, et des Transports, Elaine Chao, ont démissionné.
"Il est indéniable que votre rhétorique a eu un impact sur la situation, et c'est un point de bascule pour moi", a accusé Betsy Devos dans une lettre adressée à Donald Trump, dont plusieurs médias américains ont obtenu la copie.
Mick Mulvaney, émissaire des Etats-Unis en Irlande du Nord, a lui aussi pris ses distances. "Je ne peux pas rester, pas après hier", a déclaré sur CNBC celui qui fut le chef de cabinet du tempétueux président.
Plusieurs membres du Conseil de sécurité nationale ont aussi annoncé leur départ.
Inquiet de cette possible hémorragie, le sénateur républicain Lindsey Graham, un proche du président, les a exhortés à "rester". "Nous avons besoin de vous plus que jamais", a-t-il dit.
Arrivant au pouvoir dans un moment difficile de l'histoire américaine, Joe Biden bénéficiera cependant de tous les leviers du pouvoir pour au moins deux ans.
Les violents incidents sont intervenus au lendemain de deux élections partielles en Géorgie remportées par les démocrates, qui ont ainsi repris le contrôle du Sénat aux républicains.