Mohamed Tamalt a été enterré lundi au cimetière de Bachdjarah, un quartier populaire d’Alger où il a grandi et qui a été un fief islamiste.
Une foule nombreuse a accompagné sa dépouille pour lui rendre un dernier hommage:
Critique envers le pouvoir, cet homme de 42 ans avait été arrêté le 27 juin dernier et avait entamé aussitôt une grève de la faim pour dénoncer sa détention. Le 11 juillet, il a été condamné à deux ans de prison et à 200.000 dinars d’amende (environ 19.000 DH) pour "offense au président de la République" Abdelaziz Bouteflika. Son tort? Avoir publié sur sa page Facebook "un poème contenant des vers insultant M. Bouteflika", selon HRW.
Mohamed Tamalt, qui possède également la nationalité britannique, animait une page Facebook suivie par près de 10.000 personnes et sur laquelle il publiait des contenus mettant en cause des responsables du pays ou des membres de leurs familles.
Diabétique, Mohamed Tamalt avait vu son état de santé se dégrader rapidement. La mort en détention du journaliste, une première en Algérie, a suscité de nombreuses protestations de la presse algérienne.
Ce décès "n'est pas pour soigner l'image d'un Etat qui, en matière de respect des droits de l'Homme, a squatté durablement le bas des classements", a jugé le quotidien Liberté.
Le site TSA souligne de son côté que “depuis hier, militants politiques, défenseurs des droits de l’Homme et ONG s’interrogent sur cette mort qui, pour certains d’entre eux, paraît énigmatique.”
La France n'a pas tardé à réagir, exprimant ce mardi sa "préoccupation". Le porte-parole du Quai d'Orsay, Romain Nadal, a ainsi déclaré: "La France réitère son attachement à la liberté de la presse et à la liberté d'expression partout dans le monde".
Ce matin, sur France Info, dans sa chronique quotidienne, Karl Zéro rend hommage à Mohamed Tamalt dans un billet "Si j’étais Mohamed Tamalt" dans lequel il s’imagine à sa place.
De son côté, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) s'est dit "stupéfait du dédain montré par les autorités (algériennes) à l'endroit du journaliste et du blogueur qui exprimait ses opinions de manière pacifique".
Les organisations internationales de défense des droits de l’Homme ont également réagi à la mort du journaliste. Amnesty international a appelé les autorités algériennes, dimanche, à "ouvrir une enquête indépendante, approfondie et transparente sur les circonstances de la mort" du journaliste.
"Cette nouvelle est un véritable coup de massue pour tous ceux qui défendent la liberté d’informer en Algérie, a réagi Yasmine Kacha, directrice du Bureau Afrique du Nord de Reporters sans frontières (RSF). […]. Pourquoi une telle condamnation pour des propos exprimés sur Facebook, qui ne mettaient concrètement personne en danger?"
Fin août, Human Rights Watch (HRW) alertait les autorités sur son cas: «La liberté d’expression ne sera jamais garantie en Algérie tant qu’un poème mis en ligne sur Facebook risque de valoir deux ans de prison ».