Ukraine: la Russie se concentre sur le Donbass et subit une contre-offensive à Kharkiv

De la fumée s'échappe d'un supermarché de la périphérie nord de Kharkiv le 23 avril 2022. Le gouverneur de cette région a déclaré que les soldats ukrainiens avaient repris trois villages près de la frontière russe.

De la fumée s'échappe d'un supermarché de la périphérie nord de Kharkiv le 23 avril 2022. Le gouverneur de cette région a déclaré que les soldats ukrainiens avaient repris trois villages près de la frontière russe. . Sergey BOBOK / AFP

L'Ukraine se prépare à une intensification des attaques russes dans le Donbass, dans l'est du pays, objectif prioritaire de Moscou mais où ses forces sont à la peine, tandis que l'armée ukrainienne poursuit sa contre-offensive dans la région de Kharkiv.

Le 16/05/2022 à 06h27

«On se prépare à de nouvelles tentatives de la Russie d'attaquer au Donbass, pour en quelque sorte intensifier son mouvement vers le sud de l’Ukraine», a lancé le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans une vidéo publiée dimanche soir. Et pourtant selon lui, «les occupants ne veulent toujours pas admettre qu'ils sont dans une impasse».

Les Russes transfèrent des troupes de la région de Kharkiv (nord) à celle de Lougansk, dans le Donbass, dans le but de prendre Severodonetsk, a assuré de son côté dimanche soir le conseiller présidentiel ukrainien Oleksiy Arestovich. L'état-major ukrainien a confirmé ce lundi matin que l'armée russe concentrait ses forces à Izioum, entre Kharkiv et Severodonetsk.

«On se prépare à de grandes offensives à Severodonetsk, et autour de l'axe Lyssytchansk-Bakhmout», affirmait déjà samedi Serguiï Gaïdaï, gouverneur ukrainien de la région de Lougansk, qui forme avec celle de Donetsk le bassin minier du Donbass. Il décrivait aussi une situation humanitaire de plus en plus critique.

Près de trois mois de guerre ont par exemple transformé Lyssytchansk, ville minière de quelque 100.000 habitants essentiellement russophones, en une zone abandonnée, dépourvue d'eau, d'électricité ou de réseau téléphonique, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Les Russes disent qu'ils sont en train de gagner et les Ukrainiens aussi», dit Natalia Gueorguievna. «Quand on avait encore internet, on pouvait regarder les infos, mais maintenant... nous n'avons pas idée de qui sont derrière ces voix ni d'où elles viennent», déplore-t-elle.

Mais pour les services de renseignement militaire britannique, l'offensive russe dans l'est de l'Ukraine a «perdu de son élan».

Les troupes de Moscou n'ont pas réussi à réaliser des gains territoriaux substantiels, mettant leur plan de bataille «considérablement en retard», selon ces sources.

Contre-offensive«La Russie a maintenant probablement subi des pertes d'un tiers de la force de combat terrestre qu'elle a engagée en février», ont-elles ajouté. «Dans les conditions actuelles», elles jugent «peu probable» que la Russie n’«accélère considérablement son rythme de progression» au cours du prochain mois.

De leur côté, les Russes égrènent leurs succès en annonçant avoir visé par des missiles de «haute précision» deux points de commandements ukrainiens et quatre dépôts de munitions d'artillerie près de Zaporijjia, Paraskovievka, Konstantinovka et Novomikhaïlovka dans la région de Donetsk (est).

L'aviation russe a détruit deux lance-missiles et un système radar dans la région de Soumy, dans le nord-est,et les systèmes de défense anti-aérienne russes ont détruit 15 drones ukrainiens, selon Moscou.

A Marioupol, à la pointe sud du Donbass, l'armée russe continue ses bombardements et ses tirs d'artillerie intensifs sur l'aciérie d'Azovstal, dernière poche de résistance ukrainienne dans ce port stratégique, selon l'état-major ukrainien.

Les forces russes font aussi désormais face au nord à la contre-offensive des forces ukrainiennes dans la région de Kharkiv, deuxième ville du pays, où ces dernières s'approchent de la frontière avec la Russie.

«L'ennemi concentre ses efforts sur le maintien de ses positions et pour empêcher la progression de nos troupes en direction de la frontière», a indiqué ce lundi matin l'état-major de l'armée ukrainienne.

A Vilkhivka, village à l'est de Kharkiv repris par les Ukrainiens, les stigmates des violents combats demeurent sur les maisons éventrées par les obus, rues jonchées de débris, douilles de balles et autres restes de munitions ou encore les chars hors d'usage abandonnés sur la route.

Symboliquement, l'inscription «Azov était là», avec le symbole du régiment ukrainien ressemblant à la croix gammée nazie, a été apposé sur un des chars à côté du «Z» qui y avait été peint par les troupes russes, a constaté un journaliste de l'AFP.

Le corps d'un soldat russe gisait encore samedi dans un jardin alors que dans un gymnase, apparemment utilisé comme dortoir par les Russes, s'entassent des caisses de munitions antichar vides, des sacs de couchage, des pâtes instantanées dans un capharnaüm où figurent aussi un ballon de basket et des livres scolaires.

«Un précédent»Sur le terrain diplomatique, Moscou voit l'Otan sur le point de se renforcer à ses frontières.

Le parti social-démocrate au pouvoir en Suède a approuvé dimanche soir une candidature à l'Alliance atlantique, ce qui constitue un revirement historique pour cette formation. La Première ministre Magdalena Andersson a ensuite estimé qu'une candidature commune avec la Finlande était «le mieux pour la Suède» et sa sécurité.

Helsinki avait en effet annoncé quelques heures plus tôt qu'elle allait demander officiellement à adhérer à l'Otan, malgré les menaces de représailles de la Russie qui partage une frontière de 1.300 kilomètres avec la Finlande.

Ces candidatures sont la preuve «qu'une agression ne paie pas», a jugé le secrétaire général de l'Alliance atlantique Jens Stoltenberg, en assurant que l'Otan est prête à renforcer les «garanties de sécurité» pour ces deux pays.

Il s'est aussi dit «confiant» dans la possibilité pour les pays de l'Alliance de trouver un compromis avec la Turquie, qui avait manifesté son hostilité à l'adhésion de la Suède et de la Finlande.

A l'issue d'une réunion des chefs de la diplomatie des pays de l'Otan à Berlin, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a affirmé que les pays de l'Alliance, individuellement, ne relâcheraient pas leurs efforts «en particulier en matière d'assistance militaire» à l'Ukraine.

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a d'ailleurs salué, dans une vidéo publiée dimanche, les livraisons d'armes lourdes à Kiev par l'Allemagne.

«Le jour où je suis arrivé à Berlin, il y avait une formation pour des soldats ukrainiens à l'utilisation d'artillerie automotrice allemande de 155 mm», a déclaré Dmytro Kouleba. «Bientôt, ces Howitzer automoteurs frapperont l'ennemi. Un précédent a été créé. L'obstacle psychologique (à la fourniture d'armes lourdes à l'Ukraine) a été surmonté», a-t-il affirmé.

Le 16/05/2022 à 06h27