Le ministre algérien des Affaires étrangères est en déplacement, à partir de ce lundi 11 janvier, en Afrique du Sud. Selon l’APS, l'agence de presse algérienne officielle, il rencontrera, au cours des deux jours que durera sa visite, la cheffe de la diplomatie sud-africaine, Naledi Pandor, et sera «reçu en audience par les hautes autorités de ce pays ami».
Pour sa part, un communiqué du MAE algérien, explique que la virée sud-africaine de Sabri Boukadoum a pour objectifs «un échange de vues et d’analyses dans le cadre de la tradition de concertation entre les deux pays sur les différentes questions liées à la paix et à la sécurité en Afrique et dans le monde, de même qu'elle permettra de renforcer la coordination sur les questions importantes liées aux thématiques politiques et sécuritaires au sein des organisations régionales et internationales». Vaste programme.
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La question se pose donc de savoir pourquoi cette visite à ce moment précis et dans ce pays en particulier? Tout d’abord, la diplomatie algérienne a été vivement critiquée ces dernières semaines, quand son inefficacité a été clouée au pilori de la part même de médias proches du pouvoir. Ce à quoi Boukadoum avait réagi en promettant qu’avec «le retour du président Abdelmadjid Tebboune, l’Algérie va passer à la vitesse supérieure». Une façon pour lui de rejeter indirectement la responsabilité de la profonde léthargie de son département sur le vide que le sommet de l’Etat algérien a connu pendant ces deux derniers mois.
Ensuite, c’est au moment même où le président algérien entame une nouvelle absence du pays, pour cause de nouveaux soins en Allemagne, que Sabri Boukadoum s’envole pour l’Afrique du Sud.
Or, si l’aura et la puissance du pays de Nelson Mandela sur l’échiquier continental ne sont pas négligeables, ce grand allié d’Alger n’a plus le moindre poids dans les dossiers les plus stratégiques pour cette dernière, en particulier celui du Sahara. Tout au long de sa présidence de l’Union africaine, qui prend fin le mois prochain, mais aussi de sa présence en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, où elle a siégé pendant deux ans et qu’elle a également présidé, l’Afrique du Sud a été impuissante dans les dossiers qu’elle gérait par procuration au profit d’Alger.
En effet, malgré plusieurs tentatives du chef de l’Etat sud-africain, Cyril Ramaphosa, également président en exercice de l’UA, de faire revenir la question du Sahara dans l’agenda de l’UA, la troïka, constituée en plus de l’actuel président de l’UA, du président sortant et du prochain président, ainsi que l’exécutif, à savoir la Commission de l’UA, s’y sont toujours fermement opposés en rappelant à chaque fois que cette question relève en exclusivité de la seule compétence l’ONU.
De même, c’est durant le mandat sud-africain au Conseil de sécurité que ce dernier a voté deux résolutions, 2494 en 2019 et 2548 en octobre 2020, appelant à une solution réaliste au conflit du Sahara et soutenant le plan marocain d’autonomie, proposé par le Maroc.
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De plus, l’Algérie est de plus en plus isolée dans la guerre qu’elle mène depuis 45 ans contre le Maroc. Ce pays perd chaque jour du terrain à la fois sur le continent et dans la Ligue arabe. Meurtris par le peu de poids d’Alger parmi les nations arabes, les médias proches du pouvoir appellent régulièrement l’Algérie à quitter la Ligue arabe. Et ce n’est pas la récente décision du Conseil de coopération du Golfe, soutenant l’intervention décisive du Maroc à El Guerguerat, qui risque de leur faire changer de position.Sur le plan bilatéral, la diplomatie algérienne ne pouvait que constater, impuissante, la reconnaissance officielle par les Etat-Unis d’Amérique de la marocanité du Sahara et du sérieux du plan marocain de règlement du conflit. A cela s’ajoute l’ouverture de dizaines de consulats africains, arabes et américain dans les principales villes du Sahara marocain, Laâyoune et Dakhla.
Isolée et incapable de trouver le moindre soutien parmi les pays voisins, la diplomatie algérienne fait un énorme saut géographique du point le plus au nord à la pointe méridionale du continent dans l’espoir de quémander une déclaration ou un communiqué qui montre, enfin, des éléments de langage liés à une supposée convergence de vues sur le dossier du Sahara. Un grand écart qui trouvera essentiellement écho auprès de la fabrique de fake news, devenues la pierre angulaire de la communication d’Etat en Algérie.