«Prigojine est déjà en train de voyager en avion. Oui, en effet, il est au Bélarus aujourd’hui», a annoncé mardi le président bélarusse Alexandre Loukachenko, dans une déclaration ambiguë rapportée par l’agence de presse officielle Belta. Des médias bélarusses ont rapporté qu’un jet privé appartenant à M. Prigojine avait atterri à Minsk mardi matin.
Le patron de Wagner s’était volatilisé depuis l’annonce de la fin de sa rébellion samedi soir, après 24 heures de chaos qui ont vu ses hommes s’emparer de bases militaires et marcher sur Moscou, avant de faire soudain volte-face. Si l’onde de choc de la révolte reste à mesurer, le Kremlin a d’ores et déjà nié que le président russe soit sorti affaibli de cette crise, pourtant la pire en plus de deux décennies de règne.
M. Poutine a remercié mardi les militaires qui ont, selon lui, empêché une «guerre civile». «Vous vous êtes opposés à ces troubles dont le résultat aurait inévitablement été le chaos», a- t-il salué lors d’une cérémonie dans l’enceinte du Kremlin. Il a ensuite fait observer une minute de silence en hommage à des pilotes de l’armée tués par les mutins alors qu’ils «accomplissaient leur devoir avec honneur».
Désarmer Wagner
Plus tôt, le ministère russe de la Défense, bête noire du groupe Wagner, avait annoncé que «des préparatifs (étaient) en cours pour le transfert des équipements militaires lourds de Wagner aux unités actives des forces armées» régulières. Une telle mesure semble destinée à neutraliser le groupe paramilitaire, qui était jusque-là chargé d’accomplir les basses œuvres du Kremlin en Ukraine, en Syrie et dans plusieurs pays d’Afrique.
Alors que les autorités russes niaient autrefois tout lien avec Wagner, M. Poutine a reconnu mardi que l’Etat avait «complètement financé» cette armée privée, lui versant près d’un milliard d’euros au cours de l’année écoulée. Lundi soir, le président russe avait dénoncé une «trahison» de M. Prigojine, tout en assurant que les membres de Wagner pouvaient intégrer l’armée régulière ou se rendre au Bélarus, dont le dirigeant a servi de médiateur pour stopper la crise.
Critiquant implicitement M. Poutine, M. Loukachenko a estimé que la rébellion était le résultat d’une mauvaise gestion des rivalités entre Wagner et l’armée russe qui n’ont cessé de croître depuis le début du conflit en Ukraine. Le dirigeant bélarusse a aussi assuré avoir déconseillé à M. Poutine de «buter» M. Prigojine, et estimé que le Bélarus pourrait profiter de l’«expérience» des combattants de Wagner qui viendront s’y réfugier.
Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a mis en garde Moscou et Minsk contre toute «menace» qu’engendrerait la présence du patron de Wagner au Bélarus, frontalier avec la Pologne, la Lituanie et la Lettonie, trois pays membres de l’alliance.
«Nous avons envoyé un message clair à Moscou et à Minsk: l’Otan est là pour protéger chaque allié et chaque parcelle du territoire de l’Otan», a-t-il affirmé à La Haye après un dîner avec sept chefs d’Etat ou de gouvernement des pays de l’alliance. «Il n’y a donc aucune place pour un malentendu à Moscou ou à Minsk quant à notre capacité à défendre les alliés contre toute menace potentielle».
Abandon des poursuites
Dans un message audio diffusé lundi, M. Prigojine s’était défendu d’avoir tenté de «renverser le pouvoir», affirmant seulement vouloir «sauver» son groupe menacé d’être absorbé par l’armée régulière. Signe en tout cas qu’un accord a bien été trouvé avec le Kremlin, les services de sécurité (FSB) ont annoncé l’abandon des poursuites contre Wagner pour «mutinerie armée».
Cette mansuétude contraste avec l’implacable répression visant opposants et anonymes dénonçant l’offensive militaire en Ukraine. Certains analystes estiment que cette crise pourrait affaiblir les forces russes en Ukraine et profiter à Kiev dans sa contre-offensive. Le Pentagone a annoncé mardi une nouvelle tranche d’aide militaire de 500 millions de dollars à l’Ukraine, comprenant notamment des défenses antiaériennes et des véhicules blindés.