Pédophilie: le mea culpa des évêques de France

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Messe, vêpres, jeûne pour les victimes de pédophilie! Réunis à Lourdes, haut-lieu de pèlerinage catholique dans le sud-ouest de la France, les évêques français ont demandé pardon lundi pour le "trop long silence coupable" de l'Eglise face aux abus sexuels commis par des prêtres.

Le 07/11/2016 à 17h46

Le principe de ce "temps de prière et de pénitence" avait été annoncé en septembre dernier par le Vatican, à l'initiative du Pape François, qui a laissé à chaque conférence épiscopale le soin d'en choisir les modalités.

L'initiative est déjà en place dans plusieurs pays, alors que les scandales de pédophilie ont éclaboussé l'Eglise catholique ces dernières années dans le monde, aux Etats-Unis, au Canada, en Belgique, en Irlande, en Pologne... En Australie, l'Eglise a choisi le 11 septembre, Journée nationale de la protection de l'enfance, pour prier pour les victimes d'abus sexuels.

En France, les 115 évêques présents à Lourdes ont profité de leur grande assemblée annuelle d'automne pour vivre cette initiative collective inédite, marquée par un jeûne.

Cette journée revêt une dimension particulière dans ce pays où l'Eglise est touchée par des révélations en chaîne d'affaires de pédophilie ou d'abus sexuels impliquant des prêtres. Dans le diocèse de Lyon (Sud-Est), l'affaire du prêtre Bernard Preynat, soupçonné d'avoir abusé de près de 70 jeunes scouts, a terni l'image du cardinal Philippe Barbarin, même si l'enquête pour non-dénonciation visant ce dernier a été classée sans suite.

L'onde de choc s'est propagée dans les diocèses du pays, d'autant plus que d'autres cas ont été signalés ou ont ressurgi aux quatre coins de la France, de Paris à Toulouse (Sud) en passant par Clermont-Ferrand (centre).

L'Eglise a été pressée de réagir. La Conférence des évêques de France (CEF) a annoncé en avril dernier une série de mesures, dont une boîte mail dédiée au recueil de la parole des victimes. Une centaine de courriels ont été reçus en six mois pour des abus sexuels souvent antérieurs à 1970.

A la Basilique du Rosaire de Lourdes, une messe en présence de tous les évêques a été présidée par l'archevêque de Paris, André Vingt-Trois, lundi à la mi-journée. "Nous avons manqué de miséricorde (...), nous n'avons pas assez écouté ces victimes comme elles l'attendaient, (...), nous avons manqué de courage pour prendre les mesures qui s'imposaient", a-t-il dit.

"Oui, il nous faut sortir du trop long silence coupable de l'Eglise et de la société et entendre les souffrances des victimes: les actes pédophiles, ces crimes si graves, brisent l'innocence et l'intégrité d'enfants et de jeunes. Oui, il nous faut oser prendre tous les moyens pour que la Maison Eglise devienne un lieu sûr", a quant à lui insisté Mgr Luc Crepy, responsable de la Cellule permanente de lutte contre la pédophilie de l'épiscopat.

En fin d'après-midi, les vêpres seront l'occasion pour les évêques d'entendre, à huis clos, "une parole de victime qui dit sa souffrance, sa douleur, son ressentiment", a-t-il précisé à l'AFP.

L'Association La Parole libérée, rassemblant les victimes du père Bernard Preynat, reste perplexe. "Le temps de prière, les cellules d'écoute sont potentiellement une bonne chose, mais s'il n'y pas de volonté de l'Eglise derrière, c'est insuffisant", estime son président, François Devaux.

Son association plaide notamment pour un allongement du délai de prescription, alors qu'en France les victimes ont aujourd'hui jusqu'à leur 38e anniversaire pour porter plainte. Les agressions sexuelles sur mineurs sont imprescriptibles en Suisse ou au Royaume-Uni.

La "démarche spirituelle" des évêques a résonné au-delà de Lourdes. A Paris, une vingtaine de paroisses avaient prévu des messes et prières à l'intention des victimes de pédophilie. A Sainte-Foy-lès-Lyon (Sud-Est), une messe sera dite lundi soir dans la paroisse où a officié le père Preynat: 70 bougies, nombre potentiel de ses victimes, devaient y être allumées.

Le 07/11/2016 à 17h46