Des centaines de soldats patrouillent dans les rues quasi désertes de la capitale Quito, les habitants se terrant chez eux dans la crainte d’un nouvel épisode de violence qui suscite l’inquiétude de la communauté internationale.
«Il y a de la peur, il faut être prudent, regarder par-ci, par-là, si je prends ce bus que va-t-il se passer?» témoigne auprès de l’AFP sous couvert d’anonymat une femme de 68 ans, qui se rend à son travail dans le nord de Quito. Elle assure être «terrorisée» par la violence en cours dans le pays.
L’évasion dimanche de la prison de haute sécurité de Guayaquil du redouté chef du gang des Choneros, Adolfo Macias, alias «Fito», et les mutineries dans de nombreuses prisons du pays ont déclenché une réponse musclée du président Daniel Noboa, 36 ans, élu à l’automne sur la promesse de rétablir la sécurité dans le pays.
«Paix nationale»
«Nous sommes en état de guerre et nous ne pouvons pas céder à ces groupes terroristes», a assuré mercredi M. Noboa après avoir déclaré la veille le pays en «conflit armé interne». «Nous luttons pour la paix nationale, nous luttons aussi contre des groupes terroristes qui comptent aujourd’hui plus de 20.000 membres», a-t-il ajouté.
Le plus jeune président de l’histoire de l’Équateur a décrété lundi l’état d’urgence pour 60 jours dans tout le pays, y compris dans les prisons qui sont devenues des centres d’opération pour les narcotrafiquants.
«Fito» s’était déjà évadé en 2013 d’une prison de haute sécurité, avant d’être repris au bout de trois mois. Son nom avait fait la Une de la presse après l’assassinat début août de l’un des principaux candidats à la présidentielle, qui avait fait état peu avant son exécution de menaces de mort de la part du chef des Choneros.
Ce gang, d’environ 8.000 hommes selon les experts, est devenu le principal acteur du narcotrafic florissant en Équateur.
Plusieurs mutineries et prises d’otages de gardiens touchent depuis lundi diverses prisons, relayées par d’effrayantes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrant les captifs menacés par les couteaux de détenus masqués et l’exécution d’au moins deux gardiens par arme à feu et pendaison.
Sur la centaine de gardiens et agents administratifs retenus en otage dans au moins cinq prisons, selon l’administration pénitentiaire, 41 ont été libérés.
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Le commandant des Forces armées Jaima Vela a indiqué mercredi que 329 «terroristes» avaient été arrêtés, «cinq ont été tués» et 28 prisonniers en fuite ont été repris. Le dernier bilan officiel est de 14 morts dont deux policiers.
«Mesures concrètes»
Des hommes armés ont même fait irruption mardi sur le plateau d’une télévision publique à Guayaquil, prenant en otage des journalistes et employés jusqu’à l’intervention des forces de l’ordre.
Le même jour, un autre chef de gang (Los Lobos), Fabricio Colon Picole, s’est également évadé.
Les États-Unis, l’Union européenne, le Brésil, la Colombie, le Chili ou encore le Venezuela ont condamné ces violences.
Le porte-parole de la Maison Blanche, John Kirby, a dit que les États-Unis prêts à prendre des «mesures concrètes», excluant cependant tout «soutien militaire».
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres est «très alarmé par la détérioration de la situation» en Équateur, a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric.
La France et la Russie ont déconseillé à leurs ressortissants de se rendre dans le pays et le Pérou a déclaré l’état d’urgence le long de sa frontière. La Colombie a aussi annoncé des renforts à sa frontière avec l’Équateur.
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Les forces de sécurité équatoriennes ont diffusé des images de leurs interventions depuis dimanche dans divers pénitenciers, montrant des centaines de détenus en sous-vêtements, mains sur la tête et allongés sans ménagement sur le sol.
Ces images rappellent la communication du président salvadorien Nayib Bukele, crédité d’avoir rétabli, grâce à sa «guerre» contre les gangs, la sécurité dans son pays, au prix d’une restriction des droits des détenus selon les organisations de défense des droits de l’homme.
L’Équateur, naguère havre de paix, est ravagé par la violence après être devenu le principal point d’exportation de la cocaïne produite au Pérou et en Colombie voisins. Les assassinats y ont augmenté de 800% entre 2018 et 2023, passant de six à 46 pour 100.000 habitants. En 2023, 7.800 homicides ont été comptabilisés et 220 tonnes de drogues saisies.