Formule désuète et décrédibilisée, «la conspiration étrangère» continue de faire recette dans les cuisines du pouvoir, dans ce palais El Mouradia désert depuis l’hospitalisation d’Abdelmadjid Tebboune, le 27 octobre dernier. Les accusations formulées à l’égard du Royaume concernant les feux de forêts qui ont embrasé le pays constituent une vaine tentative pour faire diversion.
Le Maroc est à nouveau dépeint comme cet ennemi, obsédé par la «déstabilisation» de son voisin. «Des terroristes infiltrés par la frontière ouest seraient derrière ces incendies criminels», clament haut et fort, les porte-voix de la propagande du régime algérien, qui, visiblement, ne craignent pas le ridicule. Et puis quoi encore? C’est aussi le Maroc qui aurait contaminé par le coronavirus le sommet du pouvoir algérien et plusieurs ministres, en les ciblant avec des drones israéliens? En tout cas, une telle élucubration pourrait paraître plus crédible puisque le Covid-19 est officiellement quasi-inexistant chez nos voisins. Les plumitifs des services algériens trouveront alors moins du mal à tisser un tel mensonge que de romancer une histoire de commando-pyromanes des Forces armées royales…
Se lancer dans ce genre d’hallucinations revient à jouer avec le feu. L’effet escompté par cette manœuvre de créer une mobilisation nationale. Mais très peu probable que le peuple algérien ne succombe à la thèse de l’ennemi extérieur. Bien au contraire, cette grotesque manœuvre risque de se retourner contre une nomenklatura qui a du mal à sortir de l’ère de la guerre froide.
Lire aussi : Vidéos. Des feux de forêts ravagent l'Ouest algérien, la presse accuse le Maroc
L’abstention record au référendum constitutionnel du 1er novembre –avec le taux de participation le plus faible de l’histoire de l’Algérie indépendante– aurait dû servir de leçon aux oligarques du régime. Les supporters traditionnels du régime n’ont pas fait le poids face à une volonté populaire grandissante et dont les composantes semblent converger vers un seul objectif: en finir avec un régime jurassique qui n’apporte pas de véritables solutions pour sortir d’une crise politique et économique inédite.
Déjà en décembre dernier, Abdelmadjid Tebboune se sentait en mal de légitimité au lendemain de son élection avec son petit score inférieur à 40%. L’histoire nous dira un jour comment il a encaissé le discrédit de son «rendez-vous avec l’histoire» du 1er novembre avec ses 3 millions de «oui» sur un corps électoral de 24 millions. Car pour l’heure, c’est l’omerta au sujet de l’état de santé du président depuis son transfert en Allemagne suite au Covid-19 qui aurait favorisé un AVC aux séquelles indélébiles.
Lire aussi : Algérie: enfin des nouvelles de Tebboune et elles ne sont pas très bonnes
Depuis ce 27 octobre, l’Algérie erre tel un bateau ivre qui doit subir les «clapotements furieux des marées» engendrées par un malaise social pesant, par une faillite économique pointant son nez et par une crise politique, jamais vue, doublée d’une nouvelle vacance de pouvoir. Il n’y a visiblement personne pour tenir la barre: la constitution algérienne, même dans sa nouvelle formule, ne prévoit pas de vice-président. A s’en référer au précédent Abdelaziz Bouteflika, l’intérim au palais El Mouradia devrait-être assuré par le président du Conseil de la Nation: Salah Goudjil, un monstre politique du FLN, 89 ans au compteur.
Cela revient à dire que le gouvernail Algérie est désormais tenu par la junte militaire. Des généraux qui ont toujours tenu ou partagé le pouvoir, mais qui aimaient rester en coulisses, laissant les dividendes de la corruption, du clientélisme, des choix hasardeux et de la mauvaise gouvernance aux «élus de la Nation». Désormais, il n’y a plus de sas entre les militaires et le peuple. La gronde populaire qui répétait au temps du Hirak «généraux à la poubelle!» risque de s’amplifier davantage. Et l’ingéniosité des galonnés à s'inventer des «ennemis imaginaires» n’évitera pas un vent de changement – qui soufflera de l’intérieur.