Mes amis, réjouissez-vous: sauf miracle, Donald Trump sera le prochain président des États-Unis. S’il y avait encore un doute, la tentative d’assassinat dont il a été victime vient de le lever. Parce que le symbole est fort: avec l’oreille en sang mais toujours debout, le poing levé dans un magnifique geste de résistance, la bannière étoilée en toile de fond, et ce mot magique («fight», c’est-à-dire combat, lutte), le père Donald a déjà gagné.
Comme à la fin d’un film d’action, où le personnage principal a été malmené avant de crier victoire, in extremis, avec un happy end magnifique, on a envie d’applaudir et de crier victoire à notre tour.
Pour un peu, on se croirait revenus à l’Amérique triomphante et tellement patriote des années Reagan, Arnold Schwarzenegger et Rocky.
Yes, God bless America! Forever!
Le cliché qui a immortalisé l’agression de Trump est exceptionnel. Il fait de la victime un vainqueur. Comme un blessé de guerre, un martyr, une sorte de messie sauveur qui a donné son sang pour l’Amérique. Mais qui n’a pas renoncé!
Sans ce cliché, le futur ex-président serait en train de soigner ses blessures dans un hôpital de Washington en rongeant son frein et en criant désespéramment au complot. Sans être écouté, ni pris au sérieux.
Mais le cliché, c’est-à-dire l’image, change tout!
Dans son cynisme, Trump pourrait presque remercier son agresseur (et le génial photographe, bien sûr). L’oreille de Donald Trump semble sortie d’un film hollywoodien, au scénario et à la mise en scène parfaitement ciselés.
Dans quelques mois, quand Trump reviendra officiellement à la Maison Blanche, les complotistes de tous bords vont évidemment revenir à la charge. On la voit d’ici la ficelle, elle est grosse comme une montagne.
Les mêmes qui crient que l’homme n’a jamais marché sur la lune, que la Terre n’est pas ronde ou la Shoah est une fiction, vont nous assurer que Trump a tout prémédité. Que son agresseur a reçu quelques millions de dollars pour le récompenser de son geste. Et que le candidat aux présidentielles portait une oreille en plastique.
Mais bien sûr!
Quand on ne veut pas croire à la réalité, on peut croire à toutes les fictions.
En parlant de fiction, les Américains avaient produit un film étonnant: «Des hommes d’influence», réalisé au moment où le scandale Bill Clinton/Monica Lewinsky était sur le point d’être rendu public, à la fin des années 1990. Dans le film, on voit aussi un président au cœur d’un scandale sexuel alors qu’il est candidat pour sa réélection. Pour détourner l’attention de l’opinion publique, ses conseillers décident de créer une fausse guerre en Albanie. Une guerre de cinéma. Ils font appel à un producteur hollywoodien pour préparer le scénario d’un film où le président se réserve le beau rôle: celui de sauver l’Amérique alors qu’elle est en train de perdre la guerre d’Albanie!
Les images du film de guerre seront ainsi diffusées en direct sur les plateaux télé. Et tout le monde croit que la guerre est réelle…
Je ne vous raconte pas la fin de cette duperie monumentale. Ceux parmi mes amis qui croient aux théories du complot, doivent la connaitre. L’oreille de Trump rejoint la chaussure (d’un journaliste irakien) qui a frappé le président Bush en 2008. Des moments d’anthologie tellement «bigger than life» qu’ils raviront les complotistes. Et peut-être bien les autres aussi.