Le passage frontalier algéro-mauritanien met à nu la chimère des «territoires libérés»

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Des dizaines de Sahraouis de Tindouf ont été interdits d’entrer ce week-end en territoire algérien à leur retour du territoire mauritanien. Et pour cause, ils ont choisi de «brûler» par la zone tampon du Sahara marocain plutôt que d’emprunter la voie légale du poste frontière algéro-mauritanien.

Le 22/10/2018 à 10h08

Vendredi dernier, des éléments armés du Polisario, stationnant entre la frontière algérienne et la zone tampon du Sahara marocain, ont empêché des dizaines de Sahraouis de Tindouf, en provenance du nord de la Mauritanie, de revenir en territoire algérien. Motif invoqué: la police algérienne des frontières ne travaillant pas le vendredi (jour de repos hebdomadaire localement), il va falloir obligatoirement attendre son retour. Condamnés à passer la nuit à la belle étoile, dans un lieu où il n’existe ni gîte ni couvert, ces voyageurs, dont des «enfants, des vieillards et des femmes», ont exprimé leur ras-le-bol face au mépris algérien.

Comment s’est produit ce blocage entre éléments du Polisario et habitants sahraouis de Tindouf? En réalité, avec l’ouverture du passage frontalier avec la Mauritanie, l’Algérie s’est trouvée face à un dilemme. D’une part, empêcher tout mouvement des habitants des camps de Tindouf vers «l’extérieur», c’est courir le risque d’une explosion de colère qui pourrait attirer l’attention internationale sur la réelle séquestration de ces populations. C’est d’ailleurs ce qui a failli se passer lors de la fermeture par les Mauritaniens de leurs frontières avec l’Algérie en juillet 2017, une situation qui a obligé l’Algérie à négocier l’ouverture d’urgence, et pour la première fois, d’un poste-frontière entre les deux pays.

D’autre part, laisser les Sahraouis de Tindouf emprunter librement le nouveau poste-frontière, cela pourrait créer une ruée vers la Mauritanie et vider les camps de Rabouni, ville qui se trouve en Algérie.

Pour résoudre ce dilemme, les autorités algériennes ont récemment instauré des restrictions draconiennes aux Sahraouis pour mieux réguler le mouvement des biens et des personnes entre Tindouf et le nord de la Mauritanie. Entre autres restrictions, par exemple, tout camion ne peut quitter Tindouf vers la Mauritanie sans autorisation préalable des autorités algériennes. Au retour, il doit obligatoirement attendre un mois afin de traverser la frontière dans le sens inverse. Pour les voitures légères, cette restriction peut aller jusqu’à une semaine.

C’est pour contourner ces restrictions que les Sahraouis qui ont quitté le nord de la Mauritanie vers Tindouf, ce 19 octobre en voitures légères, ont choisi de bifurquer par la zone tampon pour entrer en Algérie, sous prétexte que les soldats du Polisario les laisseraient passer à travers ce que la propagande séparatiste appelle des «territoires libérés». Or le Polisario n’a aucune autorité sur les frontières et encore moins le moindre attribut d’un Etat. C’est ce qu’ont découvert les Sahraouis bloqués dans la zone tampon. Ces laissés-pour-compte n’ont finalement dû leur salut, quelques 24h plus tard, qu’à leurs familles qui ont réussi, tout en médiatisant leur mésaventure, à négocier avec les Algériens leur retour à Tindouf.

Pourtant d’aucuns avaient prédit que l’ouverture, en août dernier, du poste frontalier entre l’Algérie et la Mauritanie serait du pain béni pour le Polisario. Or ce passage a porté un coup dur au trafic de l’aide alimentaire détournée par les dirigeants séparatistes, en raison des droits de douane qui y ont été instaurés par la Mauritanie. Mieux, ce passage vient de mettre à nu la chimère des «territoires libérée», car son contournement est devenu illégal pour toute circulation des biens et personnes entre la Mauritanie et l’Algérie.

Par Mohammed Ould Boah
Le 22/10/2018 à 10h08