L’échec du congrès de la Soummam dont les préconisations auraient pu donner naissance à une Algérie tournée vers l’avenir, et non sur un passé réécrit et ressassé, a sans doute empêché un développement harmonieux du Maghreb.
À la fin du mois d’août 1956, dans le douar d’Ighbal, dans la vallée de la Soummam, en pays kabyle, se tint un congrès des combattants réunis à l’initiative du kabyle Ramdane Abane, et qui rassembla les responsables de quatre des cinq wilayas de l’intérieur dans le but d’établir une coordination. Celle de l’Aurès Nemencha ne fut pas représentée, car elle se débattait alors dans des querelles internes.
Lors de ce congrès, quatre grandes décisions furent prises qui définissaient l’orientation que les combattants souhaitaient donner à la future Algérie indépendante:
1- «primauté du politique sur le militaire»;
2- «primauté de l’intérieur sur l’extérieur»;
3- refus de tout projet théocratique islamiste;
4- refus d’alignement sur tel ou tel pays étranger, car le mouvement «n’est inféodé ni au Caire, ni à Londres, ni à Moscou, ni à Washington».
La tenue de ce congrès déclencha une guerre fratricide au sein du courant nationaliste, car les «extérieurs», donc les non-combattants, y virent une tentative de prise du pouvoir par les Kabyles. Le plus virulent fut Ahmed Ben Bella qui était alors au Caire et qui fit trois grands reproches à ceux qui avaient participé au congrès:
1-Ce congrès n’était pas représentatif en raison de l’absence de délégués de l’Oranie, des Aurès-Nemencha et de la Délégation extérieure;
2-Totale opposition à la décision du congrès d’affirmer la primauté du politique sur le militaire, et de l’intérieur sur l’extérieur;
3-Refus du laïcisme affiché par les congressistes, et tout au contraire, affirmation du caractère islamique des institutions de l’Algérie indépendante.
«Des cadres militaires, dont les états de service au feu étaient au maximum «anecdotiques», arrivaient au pouvoir»
— Bernard Lugan
Ben Bella mit également Abane Ramdane et son équipe en accusation au motif qu’ils n’avaient aucune légitimité puisqu’ils n’avaient pas déclenché la guerre contre la France au mois de novembre 1954… Certes, mais sur le terrain, c’étaient eux qui la menaient depuis 1954…et non les «planqués» installés au Caire, au Maroc et en Tunisie.
Un an plus tard, au mois d’août 1957, le congrès de la Soummam fut totalement remis en question à l’occasion d’une réunion du CNRA (Conseil national de la révolution algérienne) où furent abandonnées la primauté du politique sur le militaire et celle de l’intérieur sur l’extérieur. Le laïcisme d’Abane Ramdane étant considéré comme du berbérisme tournant le dos à l’Islam, sa liquidation physique fut alors décidée, et le 27 décembre 1957, à Tétouan, il fut assassiné et son nom effacé de la mémoire nationale algérienne.
Cette élimination, ainsi que le piège tendu à Amirouche qui, le 28 mars 1959, fut précipité dans une embuscade montée sur renseignement donné à l’armée française, préparaient le coup d’État de 1962.
Ce dernier fut opéré par l’armée des frontières, l’ALN (Armée de libération nationale) commandée depuis 1960 par le colonel Houari Boumediene. Une force qui était intacte, car, installée en Tunisie et au Maroc, elle n’avait plus combattu les Français depuis ses sanglants échecs d’avril 1958 et de novembre 1959 sur le barrage tunisien. Ses chefs renversèrent alors le GPRA, en écrasant la résistance des maquisards. La page du congrès de la Soummam était donc définitivement tournée et des cadres militaires, dont les états de service au feu étaient au maximum «anecdotiques», arrivaient au pouvoir. Ce qui fit dire au président du GPRA, Benyoucef Benkhedda que: «certains officiers qui ont vécu à l’extérieur n’ont pas connu la guerre révolutionnaire comme leurs frères du maquis (…)».
Les historiens algériens connaissent évidemment ces réalités, mais il leur est interdit d’en faire état sous peine de voir s’abattre sur eux l’accusation de traitrise…et d’être jetés en prison comme Boualem Sansal.






