Je ne sais pas si vous l’avez remarqué mais dès qu’on parle d’un des membres de la clique militaro-politique qui gère l’Algérie, on le présente par son nom et par son pseudonyme.
L’effet est comique. Au cours des dernières semaines et au gré des nominations et des destitutions, on a pu faire connaissance avec le colonel Anis, alias ‘Marwane’, et avec le général Abdelkader Aït Ouarabi, dit ‘Hassan’, nommé à la DGSI, en remplacement d’Abdelkader Haddad, qui n’est autre que ‘Nacer El Djenn’. On a également évoqué le général Fethi Moussaoui, dit ‘Sadek’, patron du renseignement extérieur algérien et on s’est souvenu avec effroi du général-major Mohamed Mediene, alias ‘Tewfik’.
Que des personnalités liées aux services de renseignements se cachent derrière des pseudonymes, pourquoi pas? Pendant longtemps, le chef du MI6 britannique était connu par la lettre ‘C’– et c’est tout. C’est-à-dire qu’à part quelques rares initiés, dont le ministre des Affaires étrangères auquel il rendait compte, personne ne connaissait le vrai nom de ‘C’– et, est-il besoin de le préciser, personne ne disposait de sa photo.
Dans les romans d’espionnage de John le Carré, le pseudonyme ‘Karla’ désigne le chef des espions soviétiques. On ne saura jamais quel était son vrai nom. Le colonel Rémy, qui organisa et perfectionna le réseau de renseignements français en métropole occupée par les Allemands, s’appelait Gilbert Renault; mais à part De Gaulle, peu de gens le savaient. Même chose pour son patron Dewavrin, qu’on ne connaissait que sous le nom de ‘colonel Passy’. On peut multiplier les exemples, tirés d’un peu partout dans le monde. On connaît le nom ou le pseudo– mais pas les deux.
La particularité attendrissante des barbouzes algériennes, qui les rend vraiment uniques, est qu’elles s’affichent avec leur nom et leur pseudo, d’emblée et en même temps.
– Bonjour. Je suis Fethi Moussaoui, dit ‘Sadek’.
– Enchanté, je m’appelle Tartempion. Dites-moi, quel est l’intérêt d’avoir un pseudo si vous dévoilez votre véritable identité?
– Hello sir, my name is Abdelkader Haddad, also known as ‘Nacer El Djenn’, Nacer the Devil.
– Impressive. But why the Hell do you give me your code name?
Je me suis souvent posé la même question. Je n’ai pas la réponse. Réduite aux conjectures, en voici quelques-unes:
1. Les espions et les militaires algériens, à cause d’une déficience dans leurs compétences linguistiques, n’ont rien compris au mot ‘pseudonyme’.
– Colonel Anis, votre pseudonyme sera désormais ‘Marwane’. C’est votre alias.
– Chef, oui, chef! Je m’appelle donc Anis-Alias-Marwane à partir d’aujourd’hui?
Chic!
2. Le pseudonyme n’est qu’un attribut du pouvoir, comme le passeport diplomatique ou la voiture de service.
– Allo chérie, grande nouvelle: j’ai été promu, on m’a accordé le pseudo ‘Hassan’!
– T’barkallah, chéri. Je vais commander pour toi des cartes de visite au nom d’Abdelkader Aït Ouarabi, dit ‘Hassan’. Ma copine Hassiba va être folle de jalousie, son colonel de mari n’a pas encore reçu son pseudo.
3. Les services sont tellement mal organisés que les fuites sont quasi-immédiates.
– Mediene, votre pseudonyme sera ‘Tewfik’. Ne le dites à personne, c’est secret!
– Secret? Mais le planton m’a salué tout à l’heure par un tonitruant ‘Bonjour, Tewfik!’
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