Le suspense paraît limité sur le papier: la censure du gouvernement de M. Barnier, un vétéran de la droite française de 73 ans, est d’ores et déjà demandée par une large majorité de députés issus de la gauche et de l’extrême droite, avant même le débat prévu à partir de 15h00 GMT, et le vote attendu vers 18h00 ou 19h00 GMT.
Les deux motions de censure déposées par l’opposition de gauche (Nouveau Front populaire) et par l’extrême droite (le Rassemblement national et ses alliés) sont soutenues par 325 députés, largement plus que les 288 nécessaires pour faire tomber le gouvernement, ce qui n’est plus survenu en France depuis 1962.
Un «réflexe de responsabilité» des députés est toutefois «possible» pour éviter la censure de l’exécutif, dans «l’intérêt supérieur du pays», a espéré mardi soir Michel Barnier, interrogé sur deux chaînes de télévision.
Le président Emmanuel Macron, en voyage en Arabie Saoudite, a de son côté affirmé qu’il ne pouvait «pas croire au vote d’une censure» du gouvernement, ajoutant que renverser l’exécutif serait «une dissolution des esprits».
Cette possible censure fait suite à des mois d’une vie politique mouvementée, démarrée par la dissolution de l’Assemblée nationale décidée en juin par le chef de l’Etat, après des élections européennes qui avaient acté la déroute de ses troupes face à l’extrême droite.
S’en étaient suivies de longues discussions aboutissant à un fragile gouvernement de droite et du centre, quand la gauche représente la première force de la chambre basse, devant le centre macroniste et l’extrême droite, sans qu’aucune de ces forces ne dispose d’une majorité.
La gauche, dénonçant un «hold-up électoral», avait déjà présenté une motion de censure début octobre, que l’extrême droite s’était refusée à voter, permettant au gouvernement de survivre.
Budget «punitif»
«Censurer ce budget est, hélas, la seule manière que nous donne la Constitution pour protéger les Français d’un budget dangereux, injuste et punitif», a toutefois justifié mardi Marine Le Pen, à qui le Premier ministre a tenté, en vain, d’arracher la neutralité dans un vote relatif aux dépenses de santé et de retraites.
Trois fois candidate malheureuse à l’élection présidentielle, Mme Le Pen a les yeux rivés sur le prochain scrutin présidentiel prévu en 2027. Mais son destin politique est suspendu à une décision de justice attendue le 31 mars: elle risque une peine de cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat pour un détournement de fonds du Parlement européen au profit de son parti.
En cas de censure, il reviendrait à M. Macron, élu en 2017 et réélu en 2022, de désigner un nouveau Premier ministre. Il lui avait fallu près de 50 jours pour nommer M. Barnier le 5 septembre, après moult rebondissements et polémiques.
Cette instabilité politique explique en partie la nervosité des marchés, dans un contexte de lourd endettement : le taux d’emprunt à 10 ans de la France est même passé très brièvement au-dessus de celui de la Grèce, traditionnel mauvais élève en la matière dans l’UE, mercredi dernier.
Le gouvernement français risque de tomber pour avoir prévu 60 milliards d’économies dans son projet de budget 2025. Son objectif est de ramener le déficit public par rapport au PIB d’abord autour de 5% - contre 6,1% en 2024 -, puis en dessous du plafond européen autorisé de 3% en 2029.
Cette nouvelle crise politique survient juste avant la réouverture ce week-end de la cathédrale Notre-Dame de Paris, cinq ans après son incendie le 15 avril 2019, avec de nombreuses personnalités attendues dont le président élu américain Donald Trump. La France avait déjà un gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes quand elle a accueilli les JO l’été dernier.