Harcelé depuis son selfie avec Merkel, un jeune Syrien attaque Facebook

Accusé à tort d'actes terroristes à cause d'un selfie, Anas Modamani attaque Facebook en justice. 

Accusé à tort d'actes terroristes à cause d'un selfie, Anas Modamani attaque Facebook en justice.  . DR

Las d'être pris pour cible depuis son "selfie" avec Angela Merkel, un réfugié syrien de 19 ans assigne Facebook ce lundi 6 février devant la justice allemande pour contraindre le site à censurer les photomontages faisant de lui un "terroriste" ou un criminel.

Le 06/02/2017 à 10h01

Examinée à partir de 15H00 (14H00 GMT) à Wurtzbourg (centre), cette requête civile est une nouvelle offensive lancée en Allemagne contre le réseau social américain, déjà inquiété par une enquête pénale pour "incitation à la haine" et pressé par le gouvernement d'agir face aux contenus racistes.

L'affaire mêle le sort d'un adolescent à un symbole politique: le cliché d'Anas Modamani avec la chancelière, pris en septembre 2015 dans un centre de réfugiés de Berlin, avait fait le tour du monde, illustrant la main tendue par la dirigeante aux centaines de milliers de personnes fuyant guerre et misère au plus fort de la crise migratoire.

L'image n'a cessé de réapparaître depuis, au grand dam de son auteur, dans des photomontages l'impliquant à tort dans des attaques terroristes ou des faits divers.

Abondamment partagés et commentés sur Facebook, ces contenus participent à une campagne plus large, alimentée par des groupes hostiles à l'islam et aux réfugiés, accusant Mme Merkel d'avoir mis l'Allemagne en danger avec sa politique migratoire.

Le jeune homme s'est ainsi vu associé aux attentats de Bruxelles du 22 mars 2016, à l'attaque au camion-bélier de Berlin le 19 décembre, et à la tentative de meurtre d'un SDF berlinois par six adolescents demandeurs d'asile la nuit de Noël.

Après avoir demandé au réseau social de supprimer ces images, son avocat Chan-jo Jun a déposé auprès du tribunal de Wurtzbourg une requête en injonction qui doit être examinée ce lundi 6 février.

Il s'agit de contraindre Facebook Ireland Limited, filiale européenne du groupe, à "empêcher la diffusion sur Internet de photos du requérant qui l'associent à des infractions pénales ou des attaques terroristes", selon le tribunal.

Le groupe assure lui avoir "rapidement supprimé l'accès au contenu signalé" par le jeune Syrien et "ne voit pas la nécessité d'une action en justice", selon un porte-parole interrogé par l'AFP.

"La principale motivation d'Anas Modamani est que ça s'arrête", explique de son côté Me Jun, précisant que son client, qui sera présent à l'audience, "rêve d'étudier en Allemagne" et finit d'en apprendre la langue tout en travaillant dans un fast-food.

Les clichés en cause relèvent "de la diffamation" et de la violation du "droit à l'image", estime l'avocat, déjà à l'origine de plusieurs procédures visant Facebook sans aboutir jusqu'ici à un procès.

En mars dernier, le parquet de Hambourg avait rejeté une de ses plaintes pour "incitation à la haine", estimant que les dirigeants de Facebook ne relevaient pas de la législation allemande, mais le parquet de Munich en examine depuis novembre une deuxième sur le même motif.

Depuis des mois, Facebook essuie en Allemagne un feu de critiques portant sur deux aspects: la propagation de fausses nouvelles, contre laquelle le réseau vient de s'engager à lutter plus efficacement, et la diffusion de positions racistes, antisémites et d'appels au meurtre.

Complexe, le cas d'Anas Modamani mêle les deux dimensions, puisque sa photo est détournée pour lui prêter des activités criminelles, entraînant dans un deuxième temps des propos haineux.

En octobre dernier, un haut responsable du parti d'Angela Merkel, Volker Kauder, avait menacé les réseaux sociaux d'instaurer un système d'amendes si les contenus signalés n'étaient pas supprimés assez vite, évoquant la somme de 50.000 euros par publication incriminée.

Le ministre de la Justice Heiko Maas, qui négocie depuis un an avec les réseaux sociaux, a aussi indiqué réfléchir à des sanctions financières.

Des géants du web, dont Facebook, s'étaient engagés en décembre 2015 à examiner et supprimer dans un délai de 24 heures les commentaires signalés par les utilisateurs qui se répandent en ligne en Allemagne, notamment à la suite de l'afflux de 890.000 migrants cette année-là.

Les autorités jugent insuffisants les efforts de ces sites. Facebook assure faire son possible tout en insistant sur la difficulté de distinguer ce qui est pénalement répréhensible de ce qui relève de la liberté d'expression.

Le 06/02/2017 à 10h01