Condamnations internationales et appels à un cessez-le-feu se multiplient après que des soldats israéliens ont ouvert le feu sur une foule pendant une distribution d’aide, le jeudi 29 février, faisant plus de 110 morts parmi les civils palestiniens dans le nord de la bande de Gaza.
Un médecin de l’hôpital al-Chifa a affirmé que des soldats israéliens avaient tiré sur «des milliers de citoyens» qui se précipitaient vers les camions d’aide à Gaza-ville, le ministère de la Santé du Hamas annonçant 112 morts et 760 blessés dans ce «carnage».
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est dit «choqué» par ces événements qu’il a «condamnés», plaidant pour «une enquête indépendante efficace» afin d’identifier les responsabilités. «Que ces gens aient été tués par des tirs israéliens, qu’ils aient été écrasés par la foule, ou renversés par des camions, ce sont des actes de violence liés à ce conflit», a déclaré son porte-parole, Stéphane Dujarric. Le Conseil de sécurité s’est réuni en urgence et à huis-clos jeudi soir pour en discuter.
À Washington, le porte-parole du Département d’État Matthew Miller a indiqué que son pays, premier allié d’Israël, exige «des réponses». «Nous sommes en contact avec le gouvernement israélien depuis tôt ce matin et comprenons qu’une enquête est en cours. Nous suivrons cette enquête de près et nous ferons pression pour obtenir des réponses», a-t-il ajouté.
«Priver les gens de l’aide humanitaire constitue une violation grave» du droit humanitaire international, a précisé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, réclamant «un accès humanitaire sans entrave à Gaza» et dénonçant un «nouveau carnage» et des morts «totalement inacceptables».
À Madrid, le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a jugé «inacceptable ce qui s’est produit à Gaza, avec des dizaines de civils palestiniens morts tandis qu’ils attendaient de la nourriture». «Cela souligne l’urgence d’un cessez-le-feu», a-t-il dit.
Plusieurs pays arabes ont également condamné ces tirs de l’armée israélienne. Dans un post sur X, le ministère saoudien des Affaires étrangères a «condamné fermement et dénoncé la prise pour cible de civils sans défense», qui a conduit à «la mort de centaines de personnes, quand les forces d’occupation ont bombardé des files d’attente où des civils tentaient d’obtenir de l’aide».
Pour les Émirats arabes unis, «les forces d’occupation israéliennes ont pris pour cible un rassemblement de milliers de résidents palestiniens de la bande de Gaza qui attendaient qu’on leur apporte de l’aide humanitaire».
Massacre odieux selon le Qatar
Le gouvernement du Qatar a pour sa part «condamné avec la plus grande fermeté le massacre odieux commis par l’occupation israélienne contre des civils sans défense». «La poursuite des crimes de l’occupation, dans le cadre de sa guerre brutale contre la bande de Gaza, prouve jour après jour la nécessité d’une action internationale urgente pour mettre fin immédiatement à cette agression sans précédent dans l’histoire récente», a ajouté le ministère des Affaires étrangères.
Cette tragédie «intervient alors qu’il n’y a pas de position internationale pour arrêter cette guerre et ce massacre qu’Israël commet contre les Palestiniens et que le Conseil de sécurité des Nations unies est incapable de prendre une décision de cessez-le-feu immédiat pour mettre fin aux crimes de guerre commis contre les Palestiniens à Gaza», a déclaré le ministère jordanien des Affaires étrangères.
Selon l’ONU, 2,2 millions de personnes, soit l’immense majorité de la population, sont menacées de famine dans la bande de Gaza, en particulier dans le nord, où des Palestiniens ont raconté manger du fourrage ou abattre des animaux de trait pour survivre. D’après le ministère de la Santé du Hamas, sept enfants sont morts «de déshydratation et de malnutrition» à l’hôpital Al-Chifa de Gaza-ville (nord), et sept autres à l’hôpital Kamal Adwan, également dans le nord.
Le drame est survenu le jour où le Hamas a annoncé que plus de 30.000 personnes y ont été tuées par les opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre. De nouvelles frappes israéliennes à Gaza ont fait 83 morts dans la nuit de jeudi à vendredi, selon la même source.
L’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 sur le sol israélien a entraîné la mort de plus de 1.160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles israéliennes.
En représailles, Israël pilonne depuis plus de 4 mois la bande de Gaza, qu’il maintient sous blocus depuis 17 ans et sous un siège total depuis le début de la guerre. Les bombardements et les opération terrestres de l’armée israélienne ont tué plus de 30.035 Palestiniens, en grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, et fait près de 71.000 blessés, selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas.
En Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967 et où le Hamas n’est pas représenté, plus de 450 Palestiniens ont été tués par les soldats et les colons israéliens depuis le 7 octobre, et des centaines de personnes ont été «arrêtées» par les forces israéliennes.
Négociations en vue d’une nouvelle trêve
Joe Biden s’est dit conscient que le drame de jeudi compliquerait les négociations en vue d’une nouvelle trêve avant le début du ramadan, qui commence autour du 10 ou 11 mars. Il n’y aura «probablement» pas d’accord d’ici lundi, a-t-il affirmé, alors qu’il espérait auparavant un cessez-le-feu d’ici au 4 mars.
Depuis des semaines, les médiateurs internationaux -Qatar, États-Unis, Égypte- tentent d’arracher un accord en vue prévoyant une trêve de six semaines associée à la libération d’otages et de prisonniers palestiniens détenus par Israël, ainsi que l’entrée à Gaza d’une importante quantité d’aide humanitaire.
Environ 1,5 million de personnes, selon l’ONU, soit plus de la moitié des habitants de la bande de Gaza, dont beaucoup déplacées à plusieurs reprises par la guerre, s’entassent à Rafah, transformée en un gigantesque campement. Plongée dans une crise humanitaire majeure, sans approvisionnement en eau, en nourriture, en médicaments, en électricité et en carburant, la population y vit dans l’angoisse d’une offensive israélienne. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se dit cependant déterminé à y lancer une offensive terrestre.