Près d’un million et demi de personnes, selon l’ONU, sont massées dans la ville de Rafah, située dans le sud du territoire palestinien contre la frontière fermée avec l’Égypte, dont la population a été multipliée par six depuis le début de la guerre, le 7 octobre, entre Israël et le Hamas.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé une prochaine offensive sur la ville surpeuplée, visée quotidiennement par des frappes israéliennes, afin de vaincre le mouvement islamiste palestinien dans son «dernier bastion» et libérer les otages retenus à Gaza.
Cette perspective inquiète la communauté internationale, alors que les espoirs d’un arrêt des combats sont de plus en plus minces. Le chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, installé au Qatar, est toutefois arrivé mardi au Caire pour de nouvelles discussions sur une trêve avec des responsables égyptiens.
Dans le même temps, les États-Unis ont mis leur veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui exigeait un cessez-le-feu «humanitaire immédiat». Premier soutien d’Israël, Washington estime que cette résolution aurait mis en danger les négociations diplomatiques délicates sur le terrain pour obtenir une trêve incluant une nouvelle libération d’otages.
L’ambassadeur palestinien à l’ONU a fustigé un veto «dangereux», le Hamas y voyant un «feu vert» à Israël pour perpétrer davantage de «massacres».
Au moins 15 personnes ont été tuées mardi soir dans «un bombardement israélien qui a visé une maison à Deir al-Balah», dans le centre du territoire, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Plus tôt, des frappes ont visé Khan Younès, à quelques kilomètres au nord de Rafah, selon un journaliste de l’AFP, où les soldats israéliens traquent les combattants du Hamas au milieu des ruines.
L’ONG Médecins sans Frontières (MSF) s’est dite inquiète de la situation à l’hôpital Nasser de Khan Younès, où selon elle du personnel médical et des patients sont bloqués depuis le raid de l’armée israélienne du 15 février. «Profondément préoccupée» par le sort de ces patients, MSF a appelé «à leur évacuation en toute sécurité».
«Humiliés et détruits»
«Nous ne savons pas où aller», a raconté Abdullah Al-Qadi, un homme de 67 ans qui habite Zaytoun, un quartier de Gaza-ville, dans le nord, également bombardé. «Nous mourrons dans notre maison et cela vaut mieux que l’humiliation dont nous parlent nos proches qui ont été déplacés. Les gens sont humiliés et détruits.»
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Les rapports des organisations humanitaires sont de plus en plus alarmants sur la situation dans la bande de Gaza, dévastée et assiégée par Israël, où 2,2 millions de personnes sont menacées de famine, selon l’ONU.
Les denrées alimentaires et l’eau potable sont devenues «extrêmement rares» à Gaza, selon les agences de l’ONU qui s’inquiètent d’une «explosion» imminente du nombre de décès d’enfants.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a suspendu à nouveau mardi la distribution de son aide dans le nord du territoire, en proie «au chaos et à la violence».
Cette décision «signifie une condamnation à mort et la mort pour trois quarts de million de personnes» et «conduira à une catastrophe internationale», a réagi le service de presse du gouvernement de Gaza, appelant le PAM à «revenir immédiatement sur sa décision désastreuse».
L’aide humanitaire, toujours insuffisante, entre dans la bande de Gaza essentiellement par Rafah via l’Égypte, mais son acheminement dans le nord est rendu presque impossible par les combats et les destructions. «Les gens au nord meurent de faim et nous, ici, nous mourons à cause des bombardements», déclare Ayman Abou Shammali, blessé lors d’une frappe à Zawayda, dans le centre du territoire.
La guerre a été déclenchée par une attaque sans précédent lancée le 7 octobre par des commandos du Hamas infiltrés dans le sud d’Israël. Plus de 1.160 personnes ont été tuées, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.
En représailles, Israël a juré d’anéantir le mouvement islamiste, au pouvoir à Gaza depuis 2007, qu’il considère comme une organisation terroriste de même que les États-Unis et l’Union européenne.
L’armée israélienne a lancé une offensive qui a fait 29.195 morts à Gaza, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas. D’après Israël, 130 otages sont encore détenus à Gaza, dont 30 seraient morts, sur environ 250 personnes enlevées le 7 octobre.
«Cimetière»
À New York, les États-Unis ont présenté un projet alternatif au texte auquel ils ont mis leur veto. Alors qu’ils s’étaient jusqu’ici systématiquement opposés à l’utilisation du terme «cessez-le-feu», leur version soutient un cessez-le-feu mais pas immédiat, et sous conditions.
Aucun vote n’est prévu à ce stade sur ce projet qui prévient en outre qu’«une offensive terrestre d’ampleur» sur Rafah «ne devrait pas avoir lieu dans les conditions actuelles».
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Une offensive à Rafah transformerait cette ville en «cimetière», a affirmé mardi la patronne de l’antenne américaine de MSF, prévenant avec d’autres ONG du risque de famine sur place.
Mardi, le président colombien Gustavo Petro et son homologue bolivien Luis Arce ont accusé Israël de «génocide» comme le dirigeant brésilien Lula qui, dimanche, avait dressé une comparaison entre l’offensive israélienne et l’extermination des Juifs par les nazis.
Déclaré lundi «persona non grata» par le chef de la diplomatie israélienne Israël Katz et accusé par lui d’une attaque «antisémite grave», Lula a été défendu par son ministre des Affaires étrangères Mauro Vieira, lequel a qualifié d’«inacceptables» et «mensongères» les déclarations du ministre israélien.
Brett McGurk, le conseiller du président américain Joe Biden pour le Moyen-Orient, se rend cette semaine dans la région - mercredi en Égypte et jeudi en Israël - pour s’entretenir avec Israël de cette offensive et tenter de faire avancer l’accord sur les otages, selon la Maison Blanche.
En Israël, les familles d’otages continuent à faire pression sur le gouvernement pour qu’il obtienne la libération de leurs proches. «Nous appelons désespérément les décideurs en Israël et à travers le monde à s’impliquer dans des négociations et à les ramener à la maison immédiatement», a lancé mardi Ofri Bibas, dont le frère Yarden a été enlevé avec sa femme et ses deux enfants.
Des médicaments envoyés à Gaza dans le cadre d’un accord négocié par le Qatar et la France sont par ailleurs parvenus à des otages en ayant besoin, selon Doha.