"Je ne sers pas les juifs", une phrase qui rappelle une période bien sombre de notre histoire, celle d’une époque où les juifs, considérés comme des parias, étaient à la merci des nazis.
Pourtant cette phrase-là ne date pas de la première moitié du XXe siècle mais a bel et bien été prononcée pas plus tard que la semaine dernière par un livreur de la société Deliveroo, à Strasbourg, dans le Bas-Rhin, en France.
Rappel des faitsAppelé pour une livraison par deux restaurants de la ville, l’individu, une fois sur place, refuse de prendre la commande en découvrant que les deux établissements servent de la cuisine israélienne.
"Je ne sers pas les juifs" rétorque-t-il alors aux restaurateurs, en annulant sous leurs yeux la commande.
Choqués par cet acte d’antisémitisme notoire, les deux restaurateurs ont déposé une plainte le 7 janvier au commissariat central de police de Strasbourg, en parallèle de quoi, le Consistoire israélite du Bas-Rhin ainsi que le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA) ont également décidé de porter l’affaire devant la justice.
Une enquête pour "discrimination à raison de l’origine dans le cadre de la fourniture d’un service", a été confiée par le parquet de Strasbourg à la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) du Bas-Rhin.
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Quelques jours plus tard, l’identité du livreur a été révélée. Dhia Eddine D., 19 ans, de nationalité algérienne, est arrivé en France avec un visa de tourisme il y a environ un an, et vit depuis en situation illégale. Au terme de l’enquête, il a été avéré que l’homme utilisait de manière non déclarée le compte Deliveroo d'un autre livreur afin de pouvoir travailler.
Une condamnation qui doit servir d’exempleBien que l’homme ait nié avoir prononcé la phrase "je ne sers pas les juifs", celui-ci n’a pas convaincu le tribunal correctionnel qui, après l’avoir jugé en comparution immédiate, l’a condamné à quatre mois de prison ferme pour discrimination fondée sur la religion.
"Toute discrimination est interdite en France par la loi. On doit respecter tout le monde dans ce pays", a rappelé le président du tribunal Bertrand Gautier.
Dhia Eddine D. fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, décision prise le 14 janvier par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et annoncée sur son compte Twitter. "J'ai pris la décision de faire expulser du territoire national le 'livreur' de repas qui, dans le Bas-Rhin, avait déclaré ne pas vouloir effectuer de livraisons auprès des clients juifs".
Par ailleurs, le livreur algérien a également été condamné à verser la somme de 1000 euros aux deux restaurateurs "ainsi que des dommages et intérêts à SOS Racisme Alsace, au Mrap, à la Licra Bas-Rhin, au Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA), au Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et au Consistoire israélite du Bas-Rhin, qui s'étaient portés partie civile" rapporte le magazine Capital.
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La décision prise par la justice française ne peut qu’être saluée car la discrimination en raison d’une croyance, d’une culture, d’une nationalité, d’une couleur de peau ne saurait être tolérée davantage.
L’antisémitisme en Algérie, une vision politique
Une chose est sûre, cet épisode, qui nourrit aujourd'hui le discours d'extrême-droite, et qui sera indéniablement utilisé pour stigmatiser à nouveau toute une communauté, a non seulement mis dans l’embarras la société de livraison de plats cuisinés Deliveroo qui a ouvert une enquête interne suite à cet épisode, mais également l’Algérie, où l’on cultive l’antisémitisme comme une politique d’Etat.
En effet, le pays était pointé du doigt il y a quelques semaines encore suite à la diffusion d’une vidéo, qui bien que datant de 2015, illustre l’antisémitisme assumé que l’on brandit fièrement au sein de l’armée algérienne. Dans ces images terribles, filmées de surcroît le 1er novembre 2015, à l’occasion d’une fête nationale commémorant la libération algérienne– pour laquelle ont aussi combattu les juifs algériens faut-il le rappeler– on découvre que le cri de motivation des troupes algériennes est lié au meurtre des juifs.
Lors de cet exercice de marche ordonnée de la gendarmerie nationale algérienne, on peut ainsi entendre les gendarmes chanter à tue-tête, «Oh arabes, fils d’arabes. Marchez et pointez vos armes vers les Juifs. Pour les tuer. Les égorger. Les écorcher…».