Bâtiments publics dégradés, magasins pillés, véhicules incendiés, affrontements avec la police, jets de cocktails Molotov et tirs de mortiers d’artifice... De nombreuses villes de région parisienne et de province se réveillent ce vendredi avec les stigmates d’une nouvelle nuit de violences, la troisième depuis la mort mardi à Nanterre de Nahel, tué par un policier.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, les forces de l’ordre ont procédé à 667 interpellations, a annoncé dans un tweet Gérald Darmanin. «Cette nuit, nos policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers ont encore fait face, avec courage, à une rare violence. Conformément à mes instructions de fermeté, ils ont procédé à 667 interpellations», a souligné le ministre de l’Intérieur, dans un bilan provisoire.
Saisi par une vidéo amateur, le tir à bout portant du fonctionnaire sur l’adolescent lors d’un contrôle routier continue à embraser de nombreux quartiers du pays. Pour endiguer une «généralisation» des violences urbaines, les autorités avaient mobilisé 40.000 policiers et gendarmes, ainsi que des unités d’intervention d’élite comme le Raid (police) ou le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).
Malgré ce déploiement massif, des violences et des dégradations ont eu lieu dans de multiples villes. «Il n’y a pas d’affrontement très violent en contact direct avec les forces de l’ordre, mais il y a un certain nombre de magasins vandalisés, de commerces pillés voire incendiés», a détaillé un haut-gradé de la police nationale.
Cocktails Molotov et fusées d’artifice
Cela a été le cas dans le cœur de Paris, aux Halles et dans la rue de Rivoli qui mène au Louvre, mais aussi en banlieue parisienne, dans l’agglomération de Rouen, à Nantes et à Brest, où le sous-préfet Jean-Philippe Setbon a décrit à l’AFP «beaucoup d’affrontements entre policiers et petits groupes très mobiles».
En Seine-Saint-Denis, «quasiment toutes les communes» ont été impactées, a constaté dépitée une source policière à l’AFP. De nombreux supermarchés ont été pillés notamment à Montreuil et Epinay-sur-Seine.
À Drancy, des émeutiers ont utilisé un camion pour forcer l’entrée d’un centre commercial qui a été en partie pillé et incendié, indique une source policière. Un début d’incendie s’est déclaré à la mairie de Clichy-sous-Bois et treize bus du dépôt de la RATP d’Aubervilliers ont été incendiés.
Comme la veille, les forces de l’ordre ont également été visées, des poubelles, des voitures et des bus brûlés, notamment à Villeurbanne (Rhône), ont constaté des journalistes de l’AFP, ou à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).
À nouveau, des bâtiments publics ont été pris pour cibles par des groupes souvent encagoulés ou dissimulés sous des capuches, comme à la mairie du quartier prioritaire de l’Argon à Orléans. Le bureau de police situé au pôle Laherrère à Pau a par exemple été visé par un cocktail molotov, selon la préfecture des Pyrénées-Atlantiques.
À Lille, la mairie d’un quartier populaire du sud a été incendiée et une autre, dans l’est de la ville, a été caillassée, selon l’Hôtel de ville. Les brasiers se sont multipliés à Roubaix, sous les sirènes des pompiers et le projecteur d’un hélicoptère de la police.
«En deux jours, ils ont fait ce que les Gilets Jaunes ont fait en deux ans», commente un passant à propos des émeutiers, les comparant au mouvement social apparu en France fin 2018. «Les policiers, ils se sentent tout permis, ils ont tué un jeune innocent, ils doivent arrêter», commente un autre passant de 16 ans.
Dans le centre-ville de Marseille, c’est la devanture de la bibliothèque municipale de l’Alcazar qui a été endommagée. A quelques encablures de là, sur le Vieux-Port, des échauffourées ont opposé les forces de l’ordre à un groupe de 100 à 150 personnes qui auraient tenté de monter des barricades.
La cité Pablo Picasso à Nanterre, dont Nahel était originaire, a connu une troisième nuit de violences soutenues avec des voitures incendiées, des tirs de mortiers d’artifice et de grenades artisanales, a constaté une journaliste de l’AFP. Une agence bancaire du Crédit mutuel a été incendiée.
Depuis la mort de Nahel mardi, des écoles et des édifices publics ont été la cible de la colère de jeunes habitants des quartiers populaires et incendiés dans de multiples villes de France, rappelant les émeutes qui avaient embrasé la France en 2005 après la mort de deux adolescents poursuivis par la police.
Le drame à l’origine de l’embrasement s’est produit lors d’un contrôle de police sur la voiture conduite par Nahel, 17 ans. Le parquet considère que «les conditions légales d’usage de l’arme» par le policier auteur du tir «ne sont pas réunies», a déclaré jeudi matin le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache.
Ce policier de 38 ans a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire jeudi après-midi. Une vidéo, authentifiée par l’AFP, a montré que ce motard de la police nationale positionné le long de sa voiture tenait Nahel en joue puis a tiré à bout portant.