Situation baroque, les ministres de l’Économie et du Budget, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, tous deux démissionnaires, doivent être entendus lundi par la commission des finances de l’Assemblée, en attendant la nomination de leurs remplaçants par le nouveau premier ministre Michel Barnier.
Puis, tout au long de la semaine, se tiendront les journées parlementaires de la France insoumise (à huis clos), des différents partis du camp présidentiel (Renaissance, MoDem, Horizons), de LR, et du Rassemblement national.
Mardi, les yeux seront particulièrement tournés vers Renaissance, où l’ancien premier ministre Gabriel Attal ouvrira les travaux des parlementaires du parti macroniste. «Je pense que l’ambiance va être difficile, après une dissolution, la perte de la majorité. Le climat est un peu lourd», convient le sénateur François Patriat.
D’autant que le groupe Ensemble pour la République (EPR, ex-Renaissance, 99 députés) est traversé de vives tensions. Menacé de scission au sortir des législatives, il s’est avec peine ressoudé pour élire son président, Gabriel Attal, quand plusieurs anciens ministres -Gérald Darmanin, Elisabeth Borne, Aurore Bergé- proposaient la mise en place d’une direction collégiale.
Quelques jours plus tard, l’attribution des postes clés à l’Assemblée s’est faite dans la douleur: de sources concordantes, Attal a notamment manœuvré pour tenter de susciter une candidature adverse à celle de Yaël Braun-Pivet au perchoir.
D’autres batailles se profilent désormais. Pour la présidence du parti, entre Elisabeth Borne et Gabriel Attal, mais surtout pour 2027. Edouard Philippe, qui a annoncé sa candidature à la présidentielle mardi, sera à Reims pour la rentrée d’Horizons mercredi et jeudi.
L’ambiance devrait être plus chaleureuse en Savoie, sur les terres de Michel Barnier, où se réuniront de mercredi à vendredi les parlementaires LR. Menacés de disparition lors des législatives anticipées, le groupe emmené par Laurent Wauquiez s’est retrouvé au centre du jeu politique avec seulement 47 députés, jusqu’à décrocher Matignon.
Les députés RN ont, eux, rendez-vous de vendredi à dimanche à Paris. L’occasion pour Marine Le Pen de redire qu’elle souhaite l’ouverture d’une session extraordinaire en septembre, et de préciser ses lignes rouges vis-à-vis du nouveau Premier ministre, qu’elle tient sous sa tutelle.
Le parti à la flamme a également promis de revenir fin octobre sur la réforme des retraites, qu’il souhaite abroger, peut-être avec le soutien d’autres opposants?
Lire aussi : France: le nouveau Premier ministre au défi de composer son gouvernement
Fort seulement de l’appui critique de LR et du camp présidentiel, face à une gauche unanimement hostile, Barnier a en tout cas besoin de la bienveillance du RN, qui peut à tout moment décider d’associer ses voix à celles du Nouveau Front populaire pour le renverser.
«Fosse aux tigres»
La session ordinaire du Parlement s’ouvrira quoiqu’il arrive le 1er octobre, avec à son menu l’examen du budget, qui doit être adopté au plus tard le 31 décembre. Faute de majorité, Michel Barnier devra sans doute recourir à l’article 49.3 de la Constitution, en espérant échapper à la censure.
Pour le reste, les députés s’attendent à ce que peu de projets de loi arrivent sur le bureau de l’Assemblée, compte tenu de la difficulté à dégager des majorités, dans un hémicycle divisé en trois blocs. Même si des «projets transpartisans peuvent émerger et que des coalitions de circonstance peuvent se former», selon le député EPR Mathieu Lefèvre.
Gabriel Attal a laissé au nouveau Premier ministre un projet de refonte du système d’exonérations de cotisations sociales pour «désmicardiser» la France. Autres chantiers qu’il souhaite voir aboutir: celui sur la justice des mineurs, sur la taxe lapin que devront payer les patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous médicaux, sur le logement et l’augmentation de la part des habitats intermédiaires.
Les partisans du projet de loi sur la fin de vie -dont l’examen en première lecture s’est achevé en juin sans aller jusqu’au vote- ne devraient pas manquer de reprendre le flambeau de ce long combat.
Mais un cadre du camp présidentiel s’inquiète d’une assemblée «ingérable et déraisonnable». De quoi craindre le retour en version XXL des débats houleux de la dernière mandature. «Au gouvernement, il va falloir prendre des gens avec du sang froid. Parce que si vous vous amusez à mettre des lampistes dans la fosse aux tigres, ils ne vont pas tenir», prévient cette source.