Le patron de Telegram Pavel Durov a été inculpé mercredi soir par la justice française qui lui reproche de ne pas agir contre la diffusion de contenus criminels sur la messagerie, et s’est vu imposer un lourd contrôle judiciaire l’obligeant à rester en France, au risque de susciter dans le monde de nouvelles réactions courroucées.
Le fondateur de la messagerie, d’origine russe et âgé de 39 ans, a été interpellé samedi soir dans l’aérogare du Bourget (nord de Paris) en vertu d’un mandat de recherche français, puis placé en garde à vue. Selon une source proche du dossier, son frère Nikolaï et lui faisaient l’objet depuis mars de mandats de recherche émis par la justice française dans le cadre d’une enquête préliminaire.
Après une garde à vue qui s’est achevée mercredi en début d’après-midi, Pavel Durov été inculpé au bout de plusieurs heures d’interrogatoire pour de nombreuses infractions: «refus de communiquer les informations nécessaires aux interceptions autorisées par la loi», complicité de délits et de crimes qui s’organisent sur la plateforme et «fourniture de prestations de cryptologie visant à assurer des fonctions de confidentialité sans déclaration conforme».
Remis en liberté, M. Durov est astreint à un contrôle judiciaire lourd, qui prévoit l’interdiction de quitter le territoire français, l’obligation de remettre un cautionnement de cinq millions d’euros et de pointer au commissariat deux fois par semaine.
Pour son avocat, Me David-Olivier Kaminski, «il est totalement absurde de penser que le responsable d’un réseau social» tel que Pavel Durov «puisse être impliqué dans des faits criminels» qui seraient commis via sa messagerie. «Telegram se conforme en tous points aux règles européennes concernant le numérique, il est modérateur dans les normes identiques aux autres réseaux sociaux» a-t-il assuré.
Dans son communiqué, la procureure de Paris explique que Telegram «apparaît dans de multiples dossiers portant sur différentes infractions» et affiche une «quasi-totale absence de réponse aux réquisitions judiciaires».
Selon une source proche du dossier, les réponses positives de Telegram ces dernières années aux réquisitions judiciaires françaises se comptent en effet sur les doigts d’une main. D’après la procureure, «consultés, d’autres services d’enquête et parquets français ainsi que divers partenaires au sein d’Eurojust, notamment belges, ont partagé le même constat», déclenchant l’ouverture d’une enquête «sur l’éventuelle responsabilité pénale des dirigeants de cette messagerie dans la commission de ces infractions».
Soutien de Snowden et de Musk
L’arrestation de Pavel Durov, établi à Dubaï, a suscité de vives réactions à travers le monde. Il a notamment reçu le soutien du lanceur d’alerte américain établi en Russie Edward Snowden et d’Elon Musk. Ce dernier a publié un message sur X, sa plateforme, montrant des photos d’un mur où est gravée la devise française, «Liberté, Egalité, Fraternité» à côté d’une caméra de vidéosurveillance.
La messagerie en ligne que Pavel Durov a lancée en 2013 avec son frère Nikolaï s’est positionnée à contre-courant des plateformes américaines, critiquées pour leur exploitation mercantile des données personnelles. Telegram s’est engagée à ne jamais dévoiler d’informations sur ses utilisateurs.