Le Premier ministre français Michel Barnier présente ce jeudi matin sa démission au président Emmanuel Macron, au lendemain de la censure de son gouvernement, mercredi soir, qui ouvre une période politique d’une grande incertitude en France.
Le chef de l’exécutif doit pour ce faire se rendre à 10H00 (09H00 GMT) au palais de l’Elysée. Le chef de l’État s’adressera de son côté aux Français jeudi à 20H00 (19H00 GMT), a indiqué son entourage. Une intervention nécessaire tant la crise politique est profonde depuis la dissolution surprise de l’Assemblée nationale en juin voulue par M. Macron, après la déroute de son camp aux européennes face à l’extrême droite.
Les législatives anticipées qui ont suivi ont abouti à la formation d’une assemblée fracturée en trois blocs (alliance de gauche, macronistes et droite, extrême droite), dont aucun ne dispose de la majorité absolue. Après 50 jours de tractations, un gouvernement de droite et du centre avait finalement été nommé début septembre.
Une censure historique
À peine trois mois plus tard, celui-ci se retrouve donc balayé par l’Assemblée. Une première en France depuis 1962, mais aussi un triste record pour l’exécutif sortant: jamais un gouvernement n’avait été aussi éphémère durant la 5ème République française, proclamée en 1958.
🗓️ Avec seulement 90 jours à la tête du gouvernement français, Michel Barnier devient le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République.
— RFI (@RFI) December 4, 2024
➡️ Bernard Cazeneuve détenait le précédent record, 160 jours, suivi par Gabriel Attal et ses 240 jours.#motiondecensure pic.twitter.com/kMqzQrHulb
Le coup est d’autant plus rude pour le pouvoir que la censure a été votée largement, après trois heures et demie de débats très agités dans un hémicycle comble, par 331 voix, quand 288 étaient requises. Pour parvenir à ce résultat, les parlementaires de gauche et du parti d’extrême droite Rassemblement national, ainsi que ses alliés, ont voté ensemble pour censurer le gouvernement sur des questions budgétaires.
Le parti de gauche La France insoumise (LFI) a aussitôt réclamé la démission du chef de l’État. La présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, a demandé à «Emmanuel Macron de s’en aller», réclamant «des présidentielles anticipées». La cheffe de l’extrême droite française Marine Le Pen a quant à elle assuré qu’elle laisserait «travailler» le futur chef du gouvernement pour «co-construire un budget acceptable pour tous».
Une dette mal maîtrisée
Élu en 2017 et réélu en 2022, Emmanuel, dont le mandat va jusqu’en 2027, a qualifié de «politique fiction» les appels à sa démission, affirmant mardi qu’il comptait servir son mandat «jusqu’à la dernière seconde». Tout juste rentré d’une visite d’État en Arabie saoudite, il doit désormais désigner un nouveau Premier ministre, ce qu’il compte faire rapidement, selon plusieurs de ses proches.
Mais tant la gauche que le centre ou la droite paraissent désunis pour s’entendre ensuite sur un nouveau gouvernement de coalition. Marine Le Pen a quant à elle les yeux rivés sur le prochain scrutin présidentiel prévu en 2027, mais son destin politique est suspendu à une décision de justice attendue le 31 mars. Elle risque cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat pour un détournement de fonds du Parlement européen au profit de son parti.
La France doit toutefois rapidement disposer d’un exécutif, car sa situation financière est difficile. Attendu à 6,1% du PIB en 2024, bien plus que les 4,4% prévus à l’automne 2023, le déficit public, manifestement mal maîtrisé par les gouvernements successifs sous Macron, ratera son objectif de 5% en l’absence de budget, et l’incertitude politique pèsera sur le coût de la dette et la croissance.