En l’espace de 72 heures (soit entre le 20 et le 22 juillet 2021), près de 1000 migrants algériens sont arrivés en Espagne continentale et ont accosté dans les îles Baléares. «796 personnes sont arrivées sur les côtes espagnoles, principalement à partir de l’Algérie», indique sur son compte Facebook, ce dimanche 25 juillet, Francisco Jose Clemente Martin, membre du Centre international pour l’identification des migrants disparus (Cipimd), dont le siège se trouve à Malaga.
«90% des migrants ainsi interceptés sont des Algériens, dont beaucoup de femmes et d’enfants, en plus de 35 cas positifs au Covid-19», a-t-il de plus ajouté.
Cependant, tous les migrants n’ont pas été interceptés. 250 d’entre eux ont réussi à mettre pied à terre et ont pu se disperser dans plusieurs localités côtières du sud-est espagnol comme Almeria, Alicante, Murcie ou les îles Baléares.
Il s’agit là de la deuxième plus grande vague d’immigration en masse de clandestins algériens vers l’Espagne en moins d’un mois. En effet, entre le 27 juin dernier et le 3 juillet courant, un site algérien rapporte que «c’est une véritable opération de débarquement. Un grand débarquement. En quelques jours, plus de 1.100 harragas algériens ont pu rejoindre plusieurs plages espagnoles depuis leur départ de plusieurs wilayas côtières algériennes, notamment Mostaganem, Ain Témouchent ou Oran. Les quelque 1100 migrants clandestins sont arrivés ces derniers jours à Motril, Almeria, Cartagena, Alicante, îles Baléares».
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La destination finale et rêvée de tous ces damnés de l’Algérie serait la France car, en plus de parler déjà la langue de Molière, bon nombre de ces harragas ont des attaches familiales avec les millions d’Algériens qui y sont établis de plus ou moins longue date.
En l’espace de moins d’un mois donc, soit du 27 juin au 22 juillet 2021, quelque 2000 Algériens ont ainsi débarqué sur les côtes espagnoles, dont près d’un millier en l’espace de 3 jours seulement (du 20 au 22 juillet courant), sans que personne ne s’en émeuve.
Pour sa part, l’Espagne, et contrairement à sa réaction enflammée lors de la séquence de Sebta où pourtant les expulsions à chaud sont la règle, ne s’est pas jusqu’ici exprimée sur les migrants algériens. Ni d’ailleurs la France, qui est le principal pays visé par ces migrants.
Il convient de rappeler que l’arrivée de migrants en Europe, quand ils sont interceptés par les garde-côtes ou arrêtés par la police, génère de lourdes procédures administratives dans les centres de détention. En somme, tout le contraire des migrants qui parviennent jusqu’à Sebta et Mellilia et qui sont renvoyés illico presto d’où ils sont arrivés. Les migrants arrivés en Espagne continentale peuvent même être acheminés dans des centres de détention dans d’autres pays de l’UE au nom de la solidarité avec les pays européens, qui constituent les points de chute des migrants clandestins.
Alors que les médias européens ont choisi de faire écran noir sur cette ruée sans précédent de harragas algériens en Espagne, seuls certains journaux algériens et autres militants européens opérant dans les secours en mer des migrants, ont relaté cette «grande évasion». Une évasion qui reflète parfaitement la réalité d’un pays en naufrage, quand ce sont désormais des familles entières, avec des bébés et des enfants mineurs, qui s’aventurent à braver les écueils d'une traversée vers l’Europe.
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Pays riche en hydrocarbures, l’Algérie est victime d’une dilapidation à grande échelle de ses richesses par la junte militaire au pouvoir et les oligarques qu’elle protège. Ce pays traverse une très grave crise, qui met à nu une faillite structurelle à tous les niveaux: ses finances (avec un dinar dévalué et une inflation galopante), l'eau potable est devenue une denrée rare, l'augmentation des prix des produits de première nécessité (ce qui génère des émeutes et menace d’embraser le sud du pays), l'incapacité de gérer la crise sanitaire, due au Covid, avec les tristes images de ces deux derniers jours de malades dans les hôpitaux de Sétif et d’Oran, qui meurent asphyxiés, parce que l’Etat est incapable d’approvisionner les hôpitaux en oxygène... Face à cette crise profonde et à la répression du Hirak, un très grand nombre d’Algériens acceptent de prendre le risque d’une longue et incertaine traversée dans la Méditerranée au péril de leur vie. Dans l’indifférence des médias occidentaux.
Sans nier l’existence d’un semblant de «deux poids, deux mesures» en la matière, il faut reconnaître que l’Espagne, obnubilée par ses intérêts économiques, ne veut toujours pas voir en face le paradoxe algérien: cet Etat riche, qui est depuis longtemps l’un de ses principaux fournisseurs en gaz naturel et en pétrole, est devenu ces dernières années son principal pourvoyeur en herragas, chassés de leur propre pays par la misère et la corruption.