Au lendemain de l'élection du magnat de l'immobilier, les actions des deux principales entreprises du secteur, Corecivic (ex-Corrections Corporations of America) et GEO Group, ont vu leurs actions flamber respectivement de 43% et 21% après avoir été moribondes pendant de longs mois.
A la mi-août, l'administration Obama leur avait porté un sérieux coup d'arrêt en annonçant qu'elle cesserait d'avoir recours aux prisons privées, qui constituent le gros de leurs activités.
La candidate démocrate Hillary Clinton promettait de s'engager dans la même voie et affirmait qu'il ne devrait pas y avoir de "motivations financières pour remplir les prisons de jeunes Américains", même si les maisons d'arrêt privées accueillent une infime portion (environ 0,5%) des 2,2 millions de personnes incarcérées aux Etats-Unis.
L'élection du 8 novembre a toutefois changé la donne et le sentiment des investisseurs. Trump a conquis la Maison Blanche en promettant une politique répressive fondée sur la "loi et l'ordre", qui devrait faire gonfler les incarcérations, et en s'engageant à expulser onze millions d'immigrés clandestins.
Or aux Etats-Unis, les centres de détention pour migrants, à une écrasante majorité, sont gérés par ces mêmes entreprises privées, notamment Corecivic et GEO Group, sous la supervision de l'Agence fédérale de l'immigration et des douanes (Immigration and Customs Enforcement, ICE).
Résultat: la promesse du candidat Trump d'expulser deux à trois millions de clandestins délinquants dans les premiers jours de son mandat devraient provoquer un surplus d'activité pour le secteur.
"Cela va se traduire par une très forte augmentation du nombre d'immigrants en détention parce qu'il ne sera pas possible d'expulser ces gens sans passer par une procédure judiciaire et, donc, par une détention", affirme à l'AFP Bethany Carson, de l'ONG de lutte contre l'incarcération de masse GrassRoots leadership.
A l'heure actuelle, quelque 400.000 migrants sont détenus chaque année aux Etats-Unis, selon différentes estimations, avec un coût pour le contribuable et des sources de revenus pour les entreprises: un lit d'adulte dans un centre de rétention revient ainsi à 123 dollars par jour et les unités familiales à 342 dollars, selon des chiffres officiels.
Selon le cabinet d'études IBISWorld, cette industrie de la détention de personnes en attente d'expulsion représente aujourd'hui 21% d'un marché global de l'incarcération privée évalué à 5,3 milliards de dollars aux Etats-Unis.
"Ce chiffre devrait croître dans les cinq prochaines années au moment où les principaux acteurs du secteur (...) étendent les capacités d'accueil des immigrants illégaux", affirmait le rapport d'IBISWorld publié juste avant la victoire de Donald Trump.
Contactés par l'AFP, les deux géants du secteur se gardent de tout triomphalisme et se contentent de défendre leur partenariat avec le secteur public, au nom d'une rationalisation des coûts.
"Nous nous tenons prêts à continuer notre partenariat de longue date avec le gouvernement fédéral pour fournir des services correctionnels, de détention et réinsertion de haute qualité", a répondu par email Pablo Paez, vice-président de GEO Group.
Quelle que soit l'orientation future de l'administration Trump, les entreprises du secteur pourront en tout cas compter sur une sorte de rente de situation qui a de beaux jours devant elle.
Depuis 2009, le Congrès oblige ainsi l'Administration à maintenir occupés chaque jour 34.000 lits dans les centres de rétention afin de maintenir les efforts de lutte contre l'immigration clandestine, une mesure qui a largement profité au secteur privé.
Critiquant le manque de supervision des autorités et les conditions de détention des migrants, l'Association de défense des droits civiques (ACLU) appelait récemment les autorités à se "défaire de leur dépendance" au secteur privé.
Pas sûr toutefois que le président Trump suive cette voie. "Je pense qu'on peut faire beaucoup de privatisations et de prisons privées. Cela a l'air de marcher bien mieux", déclarait-il en mars.