Se disant lui-même «très inquiet», le président a appelé les Américains à «choisir des candidats» favorables au droit à l'avortement lors des élections législatives de l'automne.
Le site Politico a provoqué une déflagration politique lundi dernier au soir en révélant, sur la base d'une fuite inédite d'un document interne, qu'une majorité des juges de la Cour suprême étaient prêts à enterrer l'arrêt «Roe v. Wade» de 1973, qui protège le droit des Américaines à interrompre leur grossesse.
La Cour suprême a confirmé l'authenticité du texte -un projet d'arrêt daté de février- tout en soulignant qu'il ne représentait pas une décision «finale», attendue avec fièvre.
Si la Cour devait l'adopter, chacun des 50 Etats américains retrouverait le droit d'interdire l'avortement sur son sol et une moitié d'entre eux, principalement dans le Sud et le Centre conservateur et religieux, devraient emprunter cette voie.
Les gouverneurs républicains du Tennessee et du Dakota du Sud ont signalé lundi dernier qu'ils ne tarderaient pas.
Sans même attendre de connaître la position définitive de la Cour suprême, qui doit se prononcer avant le 30 juin, le gouverneur de l'Oklahoma, Kevin Stitt, a signé hier, mardi, une loi qui interdit aux femmes de son Etat d'avorter après six semaines de grossesse.
Copie d'une loi texane en vigueur depuis le 1er septembre, le texte incite les citoyens à poursuivre les médecins ou les cliniques pratiquant des avortements au-delà de ce terme, en échange d'indemnités financières.
La veille, des gouverneurs démocrates de plusieurs Etats dont la Californie, le Nouveau-Mexique et le Michigan, avaient au contraire annoncé vouloir consacrer la légalité du droit à l'avortement même si la Cour annulait «Roe v. Wade».
ManifestationsReflétant ces fractures, les défenseurs du droit à l'avortement ont donné de la voix hier, mardi, tandis que les opposants savouraient une victoire annoncée.
«Horrifiée» par la situation, Lynn Hart, 70 ans, qui a avorté illégalement dans son adolescence, s'est rendue devant la Cour suprême à Washington.
Fustigeant «une Cour très conservatrice», elle a espéré que ses petites-filles puissent conserver le droit d'avorter légalement et en toute sécurité.
Comme elle, des milliers de manifestants ont défilé dans les rues de Washington, New York, Boston, Los Angeles ou Seattle, pour crier leur «colère» face à la crainte d'un «retour en arrière».
«J'espère que toutes les manifestations ne dissuaderont pas les juges», déclarait pour sa part Madelyn Ocasio, une militante anti-avortement rencontrée par l'AFP en Floride, qui a confiée être «euphorique» après des années d'une lutte acharnée.
Une partie de la population américaine, notamment dans les milieux religieux, n'a jamais accepté la décision de 1973 et a livré pendant des années un combat protéiforme pour la faire annuler: les militants de base occupaient le terrain près des cliniques, tandis que leurs représentants dans les législatures locales adoptaient des milliers de lois restrictives.
La dernière brique de l'édifice a été posée par le président républicain Donald Trump qui, aidé par les sénateurs de son parti, a fait entrer à la Cour suprême trois juges connus pour leurs positions anti-avortement, portant à six magistrats sur neuf la majorité conservatrice de l'instance.
«Vie privée»Ces neuf sages ont examiné en décembre une loi du Mississippi qui ramène le délai pour avorter à 15 semaines de grossesse contre deux trimestres selon le cadre fixé par la haute Cour.
Lors de l'audience, plusieurs d'entre eux ont fait comprendre qu'ils comptaient profiter de ce dossier pour détricoter ou tout bonnement annuler l'arrêt «Roe v. Wade». Selon Politico, cinq se sont ensuite ralliés à cette seconde option.
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L'arrêt «Roe v. Wade», qui fondait le droit à avorter sur le droit constitutionnel au respect de la vie privée, était «totalement infondé dès le début», a écrit en leur nom le juge conservateur Samuel Alito.
Le droit à avorter «n'est protégé par aucune disposition de la Constitution», a-t-il ajouté selon l'avant-projet d'arrêt qui a «fuité» lundi dernier.
Ces arguments ont suscité d'autres sueurs froides chez les progressistes.
«Si l'argumentaire de la décision, tel qu'il a été publié, est confirmé, toute une série d'autres droits seraient en question», a déclaré Joe Biden, en évoquant le droit à la contraception ou le mariage des homosexuels.