Réponse: un potentiel spectacle de haute voltige, décisif pour la démocratie américaine.
"Les Etats-Unis se dirigent vers leur plus grande crise politique et constitutionnelle depuis la guerre de Sécession", a écrit Robert Kagan, chercheur émérite au cercle de réflexion Brookings Institution, dans les colonnes du Washington Post la semaine dernière.
Au cœur de toutes les tensions, Donald Trump, le premier président de l'histoire des Etats-Unis à ne pas reconnaître le résultat d'une élection, qui flirte ouvertement avec la possibilité de replonger dans la course à la Maison Blanche en 2024.
Dans un texte de 15 pages qui a fait frémir les milieux politiques, Robert Kagan dresse un scénario apocalyptique.
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Celui selon lequel il y a "des chances raisonnables que dans les trois ou quatre prochaines années se produisent des épisodes de violence à grande échelle, une dégradation de l'autorité fédérale et la division du pays entre enclaves démocrates et républicaines qui s'affrontent".
Les sondages laissent entendre que la majorité des Américains partage au moins une partie de ses inquiétudes: 56% des personnes interrogées dans une récente enquête d'opinion de CNN-SSRS jugeaient que la démocratie américaine était la cible d'attaques.
Quelque 37% des sondés estimaient qu'elle était "mise à l'épreuve". Seulement 6% pensaient qu'elle n'était exposée à aucun danger.
Au centre des préoccupations, les allégations répétées et sans fondement de Donald Trump sur une élection de novembre 2020 "volée" par Joe Biden, qui se sont progressivement insinuées dans la politique américaine.
Au total, 78% des républicains interrogés par CNN-SSRS assuraient ainsi ne pas croire que Joe Biden ait légitimement remporté la présidentielle, un chiffre similaire à celui d'autres sondages.
"C'est un phénomène nouveau dans les élections américaines", analyse Edward Foley, professeur de droit constitutionnel à l'université Ohio State.
"Il y a déjà eu des batailles sur la validité de certains bulletins -comme entre Bush et Gore en 2000 -et il y a des recomptages de voix dans les élections depuis qu'elles existent en Amérique", énumère-t-il.
Mais le "grand mensonge", l'expression que les partisans de Donald Trump utilisent pour dénoncer de supposées irrégularités lors de scrutins, "c'est quelque chose de nouveau", insiste le professeur. "C'est déconnecté de la réalité, c'est une espèce de pathologie sociale".
Dans son long éditorial, Robert Kagan écrit que Donald Trump et ses alliés républicains préparent minutieusement le terrain pour décrocher une victoire en 2024, "coûte que coûte".
Une stratégie qui passe par l'adoption de lois dans certains Etats dirigés par les républicains qui, selon les démocrates, visent à restreindre le vote des Afro-Américains et, selon les républicains, à protéger l'intégrité du scrutin.
Cela implique aussi de remplacer des responsables républicains locaux, comme Brad Raffensperger, secrétaire d'Etat de Géorgie, qui avait refusé de "trouver" près de 12.000 bulletins de vote au nom de Donald Trump. Et d'installer à la place des fidèles du milliardaire.
"Une fois que vous avez ces personnes aux manettes, vous avez des gens qui ont une influence énorme sur la manière dont se déroule l'élection -comment les votes sont comptés, qui est déclaré vainqueur", prédit Larry Sabato, directeur du département de politique à l'université de Virginie.
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Même si cela provoquerait l'indignation des démocrates, les Etats contrôlés par des républicains pourraient alors potentiellement faire fi d'un vote populaire défavorable à Donald Trump et désigner leurs propres grands électeurs au collège électoral -l'organe qui décide en dernier lieu qui remporte l'élection, assure Larry Sabato.
Les républicains sont aussi en bonne position pour reprendre aux démocrates le contrôle de la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat en 2022, ce qui leur donnerait accès à un autre levier de pouvoir potentiellement crucial.
Car "aussi dramatique qu'ait été le 6 janvier dernier, avec une insurrection et une effusion de sang, l'issue de la journée n'a jamais fait de doute", assure Edward Foley: le vice-président Mike Pence avait refusé de suivre Donald Trump dans une de ses dernières tentatives pour changer le cours de l'élection.
"Mais si le 6 janvier 2025, des parlementaires, bien disposés à l'égard du «grand mensonge», sont prêts à rejeter les résultats de l'élection par simple soif de pouvoir", estime le professeur, "alors ce serait la perversion ultime de la démocratie".