Au premier jour de la visite du secrétaire d’État Antony Blinken à Pékin pour apaiser les tensions, Washington a salué dimanche des discussions «constructives» et «honnêtes» et s’est félicité de l’accord donné par le chef de la diplomatie chinoise à une visite prochaine à Washington.
Cette visite de deux jours est le premier déplacement d’un chef de la diplomatie américaine sur le sol chinois en près de cinq ans. M. Blinken a rencontré son homologue chinois Qin Gang, dans une villa d’État située dans les anciens jardins Diaoyutai à Pékin. Si personne ne s’attendait à des avancées majeures, tant les sujets de friction sont nombreux, l’idée était d’amorcer un dégel diplomatique et maintenir un dialogue pour «gérer de façon responsable la relation sino-américaine», selon le département d’État.
Les deux hommes ont eu des entretiens «francs, substantiels et constructifs», a déclaré le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, au terme de l’entretien. M. Blinken a notamment souligné «l’importance de la diplomatie et du maintien de canaux de communication ouverts sur l’ensemble des questions afin de réduire le risque de perception erronée et d’erreur de calcul», a-t-il précisé.
Antony Blinken a également invité M. Qin à se rendre au États-Unis et les deux hommes se sont mis d’accord pour «programmer une telle visite à une date qui leur conviendrait mutuellement», a déclaré le porte-parole du département d’État, Matt Miller.
«Au point le plus bas»
De son côté, le ministre chinois des Affaires étrangères a rappelé à son homologue américain que les relations entre Pékin et Washington étaient «au point le plus bas», selon des propos rapportés par la télévision d’État CCTV. Et parmi les points de friction, il a fait savoir que Taïwan était le plus sensible.
«La question de Taïwan issue constitue la question fondamentale des intérêts primordiaux de la Chine, le sujet le plus important dans les relations entre la Chine et les États-Unis et le péril le plus important» pour celles-ci, a déclaré Qin Gang, toujours selon CCTV. La Chine considère Taïwan comme une de ses provinces qu’elle doit réunifier, par la force si nécessaire.
La visite du chef de la diplomatie américaine était initialement prévue en février, mais elle avait été annulée à la dernière minute. En cause: le survol du territoire américain par un ballon chinois, accusé par Washington d’être un aéronef «espion», tandis que Pékin assurait qu’il s’agissait d’un engin météorologique ayant dévié de sa trajectoire.
Un épisode aujourd’hui minimisé par Joe Biden à l’occasion de la visite de son secrétaire d’État en Chine. «Je ne pense pas que les dirigeants savaient où il se trouvait, ce qu’il contenait et ce qui se passait. Je pense que c’était plus gênant qu’intentionnel», a déclaré le président américain samedi à la presse.
Joe Biden a dit espérer une nouvelle rencontre avec Xi Jinping «au cours des prochains mois». Les deux dirigeants devraient assister au prochain sommet du G20 en septembre à New Delhi et M. Xi a été invité à venir en novembre à San Francisco pour le sommet de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC).
Ligne dure
La visite de M. Blinken est la première d’un secrétaire d’État américain en Chine depuis le voyage en octobre 2018 de son prédécesseur, Mike Pompeo, qui a été ensuite le maître d’œuvre de la stratégie de confrontation avec Pékin durant les dernières années de la présidence de Donald Trump.
L’administration Biden a depuis maintenu cette ligne dure, allant même plus loin dans certains domaines, notamment via l’imposition de contrôles à l’exportation pour limiter l’achat et la fabrication par Pékin de puces haut de gamme «utilisées dans des applications militaires». Mais elle veut coopérer avec la Chine sur des sujets cruciaux comme le climat.
Pour Danny Russel, ex-haut fonctionnaire du Département d’État américain, chaque partie a un intérêt dans cette visite: la Chine espère éviter de nouvelles restrictions américaines en matière de technologie et tout nouveau soutien à Taïwan. Les États-Unis souhaitent prévenir tout incident susceptible de déboucher sur un affrontement militaire.
«La brève visite de M. Blinken n’apportera de solution à aucun des grands problèmes des relations entre les États-Unis et la Chine», estime M. Russel, aujourd’hui vice-président du cabinet Asia Society Policy Institute à New York. «Mais elle pourrait bien relancer un dialogue dont le besoin se fait cruellement sentir et envoyer le signal que les deux pays sont en train de passer d’une rhétorique de colère face aux médias à des discussions plus sobres à huis clos».