Depuis la reprise en force du Hirak en février dernier, qui brave aussi bien la pandémie de Covid-19, les mises en garde du pouvoir contre une prétendue menace terroriste, que le jeûne du ramadan et autres conditions climatiques difficiles, le régime algérien n’a cessé de chercher le subterfuge qui lui permettrait de stopper ces manifestations populaires, devenues de plus en plus massives.
Plutôt que de répondre aux revendications légitimes du peuple algérien, qui n’exige rien d’autre que l’instauration d’un pouvoir civil et démocratique, le régime a réagi ce dimanche 9 mai 2021, en tentant de mettre des obstacles aux marches pacifiques que le Hirak organise depuis maintenant plus de deux années.
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Moins d’une semaine après les menaces proférées par la revue El Djeich, porte-voix officiel des généraux, de déployer l’armée dans la rue pour mettre fin aux mouvements de grèves qui se multiplient dans le pays, c’est au tour du Hirak d’être pris en joue par le ministère de la Défense qui a choisi de se camoufler derrière un communiqué attribué au ministère de l’Intérieur.
Ainsi l’agence de presse officielle algérienne (APS) rapporte que «le ministère de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire a indiqué, dimanche dans un communiqué, que les organisateurs des marches» du Hirak sont désormais tenus de les déclarer aux autorités.
Pour justifier cette nouvelle entrave au Hirak, ledit ministère ajoute, dans son communiqué, qu’«il a été constaté récemment que les marches hebdomadaires commencent à enregistrer de graves dérapages et dérives en termes d'indifférence aux désagréments causés aux citoyens et d'atteintes aux libertés à travers les agissements de certaines personnes qui changent la direction de leur manifestation à chaque fois».
Il apparaît aujourd’hui clair que lors des manifestations du vendredi 7 mai, les forces de l’ordre avaient sciemment bouclé l’itinéraire habituel du Hirak pour faire le lit aux nouvelles restrictions décrétées ce dimanche.
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En effet, c’est le changement inopiné d’itinéraire opéré par les manifestants vendredi dernier qui est utilisé comme alibi et considéré comme attentatoire «à l'ordre public et aux lois de la République» par les autorités algériennes. Ces dernières exigent dans la foulée que soit déclinée l’identité des organisateurs des marches, le contenu des pancartes et autres slogans à scander. Un non-sens quand on sait que les slogans-phares du Hirak sont quasiment les mêmes chaque semaine et sont particulièrement bien connus non seulement par le régime algérien qui peut les réciter par cœur, mais aussi à travers le monde.
Ces conditions rédhibitoires et irréalisables relèvent tout simplement d’une nouvelle dérive dictatoriale d’un régime qui navigue à vue, haussant l’improvisation épidermique en mode de gouvernance. Ce régime ne sait comment se débarrasser de ce Hirak des fois «béni», mais toujours honni.
Réagissant à cette grave dérive du pouvoir algérien, Saïd Salhi, président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH), estime que «l'Algérie nouvelle s'installe dans la dictature», à travers cette décision «insensée et illégale» qui vise à retirer aux citoyens algériens un droit constitutionnel garanti.
Dans un communiqué signé par la LADDH, Saïd Salhi estime que «le pouvoir est démasqué et sa volonté d'en finir avec le Hirak et d'interdire les marches pacifiques révélée au grand jour».
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En effet, la répression barbare qui s’est abattue ces dernières semaines sur les militants du Hirak, dont plus de 70 sont aujourd’hui en prison comme l’attestent plusieurs organisations internationales des droits de l’homme, n’ayant pas dissuadé les manifestants, le régime tente aujourd’hui l’interdiction pure et simple des marches.
Néanmoins, il y a très peu de chances pour que cette mesure dictatoriale de la junte militaire, qui gouverne l’Algérie, dissuade les Algériens de marcher dans les rues vendredi prochain.
Il convient de rappeler qu’une circulaire datant de 2001 interdisait de manifester dans la capitale, suite à la marche d’Alger de juin de 2001 commémorant le printemps noir en Kabylie. Mais grâce à son pacifisme et sa régularité, le Hirak a réussi à abroger cette interdiction.
Le régime algérien est visiblement dans une impasse. Les moyens considérables qu’il a mobilisés, toutes les accusations qu’il a proférées, ainsi que la diabolisation des leaders du Hirak dans les médias publics, n’ont pas réussi à diviser les Algériens, et encore moins à tempérer l’ardeur des manifestants qui sont plusieurs millions à marcher, chaque semaine, dans la rue. Jusqu’où ira le régime dans ses tentatives de briser le Hirak? Telle est la question qui se pose aujourd’hui.Vendredi 14 mai risque d’être une date cruciale pour l’avenir de l’Algérie.